Mardi 31 juillet 2018
Mohamed VI : cher peuple, que puis-je faire pour les damnés ?!
Le discours d’un roi, « c’est toujours sur démission collective que les tyrans fondent leur puissance”.
Il s’agit pour moi de parodier ce qui est utopique. Un versant de double discours rablaisien : utopique dans le sillage de Thomas More (1) imaginant la société marocaine avec un gouvernement du Roi idéal, désirable bien qu’irréalisable, et parodique puisqu’il oriente les sujets les plus sérieux tels que les centaines d’années de prison vers une possible amnesty d’un régime au despotisme oriental fortement manifesté (2).
Je me demande alors si ce double mécanisme utopie-parodie ne qualifie pas le mieux les promesses – échecs de Mohamed VI et son incapacité à faire autre chose que son père avec un discours « social ».
Commencer un discours par la stigmatisation les négatifs et des nihilistes, ou une relecture négative de l’être et du néant dirait un ami, quand on a été absent et concentré sur des affaires conjugales, montre le grand décalage par rapport aux affaires du pays.
En attendant, j’aurais aimé entendre cet esprit !
Cher mon peuple,
Peuple de ma suzeraineté
Peuple de mes protections de ma souveraineté.
Après l’hiver et notre déplaisir, le printemps sans désir, tu attends du souverain de te parler sans begayer, sans éviter mot, sans monnayer.
Tu m’as confié un patrimoine, légué ta confiance tel à un moine
Ai-je répondu, ai-je défendu, ai-je été l’idoine?
A Jerada, ou Zagora, ou dans le Rif
Tes cris, tes hurlements, tes aboiements,
Que mes vizirs en excès d’attermoiment ont mal accepté, me renvoient à mes absences et mes larmoiements
Je n’ai pas fait le seul voyage à faire, celui de tes douleurs.
Tes misères accrues, tes humiliations recrues, tes souffrances absolues
Je les vois, je les sens
Je les conçois, je les comprends
Tu m’as légué un pays, que j’ai légué à mes délégués, qu’ils ont relégué aux bans des nations.
Je ne peux rien te cacher.
Ton éducation oubliée,
Tes libertés décriées,
Ta dignité altérée vous a abasourdie.
La rue, les tréfonds des mines, les aridités de vos montagnes vous étouffent
Les lendemains qui ne chantent ne donnent que précaires et malbouffe.
Cher mon peuple
J’ai consenti il y’a un an que les 18 ans à te commander étaient échecs et désillusions
J’ai nommé des responsables aux formidables illusions.
J’ai décidé de reprendre la main, de redevenir ton monarque, ton absolu, ton suprême.
Mais tout n’est pas paradis
Entre celui qui cumule les dollars
Et celui qui n’a pas le moindre radis
Celui qui se soigne sans soucis
Et celui qui n’a que le linceul comme abris
Celui qui vit dans les palais
Et celui qui se cloître dans le gourbi
Celui qui éduque à Harvard
Et celui qui résiste dans les taudis
Celui qui cumule richesse et bonheur
Et celui qui ne vit.
Rien de tout ce que j’ai promis n’est construit
Damnés sont tes enfants
Damnés sont tes cris
Damnés sont tes âmes souffrances
Mais que puis- je faire de plus que je n’ai pu faire ?
J’ai confié le pays à mes confidents
Les reines de mes pensées à mes confesseurs.
Les idées les plus belles aux redresseurs
Mais, cher mon peuple, tu ne vois que profiteurs, indignes casseurs.
Tu l’as remarqué et tu t’es manifesté
Tu sais bien que dans le pays de ma majesté, rien ne saurait être tolérable sans ma suprême volonté.
Ta fleur de jeunesse, ta ressource de femmes, ton capital d’appartenance ont enfanté ta dignité que des indignés ont élevé en hymne à la vie.
Alors que puis-je pour tes damnés ?
Si je les libère, je te libère et je condamne mon pouvoir.
Si je les embastille encore, je t’embastille et je condamne mon pouvoir.
Cher mon peuple,
J’ai décidé de me libérer de tes charges et te céder ton pouvoir.
J’ai décidé de me demettre de tes affaires pour me concentrer sur mes affaires.
Je serais ton Roi et toi mon pouvoir, nous demissionnerons collectivement.
Cela, certains le qualifient de démocratie
Je ne m’occuperais plus de tes questions citoyenne.
Quand à tes vilipendeurs, tu sauras t’en occuper.
Parmi tes enfants, il y’a ceux qui seront plus dignes de ta sollicitude.
Crois moi cher mon peuple, j’ai compris.
Je te laisse
Ton monarque d’hier et d’aujourd’hui
Demain on verra !
M. T.
Notes
(1) Discours utopique, discours parodique: le paradigme thélémique du Silène inversé, François Rigolot, seizième Siècle, No. 2 (2006), pp. 43-55
(2) « Le despotisme oriental », Karl Witfogel, 1957 : Oriental Despotism: A Comparative Study of Total Power, New Haven, Connecticut, Yale University Press. En français, « Le Despotisme oriental », traduit par Michèle Pouteau, Paris 1964, 1977.