Le 5 octobre 2024, Mohammed Harbi, vétéran de la lutte pour l’indépendance et analyste incontournable de l’histoire algérienne, fait un geste qui résonne comme un testament spirituel. À 91 ans, il prend la décision de faire traduire Une vie debout, son livre phare, en langue tamazight par Aumer U Lamara.
Cet acte, dans sa symbolique, dépasse les mots pour rappeler le projet d’une Algérie que Harbi, aux côtés de figures comme Hocine Aït Ahmed, n’a jamais cessé de rêver : une nation libre, respectueuse de sa pluralité, bâtie sur les principes de justice et de solidarité. Mohammed Harbi, figure majeure de l’historiographie algérienne, livre ainsi un dernier appel pour une Algérie qui n’ignore plus ses racines profondes, mais les embrasse.
À l’heure où il se retire de la scène publique, cette traduction est un hommage vibrant à l’amazighité, une composante fondamentale de l’identité algérienne, longtemps marginalisée, mais essentielle à l’équilibre de la nation. Comme Aït Ahmed, il sait que la liberté politique et la dignité nationale ne peuvent éclore que dans une Algérie plurielle, qui reconnaît toutes ses voix et protège tous ses héritages.
1. La Mémoire d’un combat inachevé
Mohammed Harbi rappelle dans ses écrits la complexité et les épreuves de la lutte, où la quête de justice a été si souvent trahie par les jeux de pouvoir. Dans Le FLN, mirage et réalité, il révèle les dissensions et trahisons qui ont miné la cause. Par cette nouvelle publication, il renforce son engagement pour une Algérie authentique, où chaque citoyen trouve sa place dans un récit national fidèle aux réalités vécues.
Cette Algérie plurielle, qui a toujours inspiré les figures comme Aït Ahmed, ne peut se limiter à une unité de façade ; elle doit devenir une nation d’égaux. À travers cette traduction, Harbi lance un signal fort à l’élite politique et intellectuelle : l’Algérie, riche de ses langues et de ses cultures, ne peut prospérer en reniant sa propre diversité.
Son geste rappelle les luttes de la jeunesse de 2018, où des parents d’élèves à Jijel avaient exprimé des réticences quant à l’enseignement du tamazight. Cette résistance montre combien le chemin reste ardu. Pour Harbi, chaque refus de reconnaître l’amazighité dans le système éducatif, chaque tentative de division des cultures algériennes est un frein au véritable projet de liberté, d’égalité et de fraternité qui a nourri les espoirs de Novembre 54.
2. Une vision politique : bâtir une Algérie juste et inclusive
Comme Aït Ahmed, Mohammed Harbi place l’Algérie au cœur de sa réflexion politique, voyant dans la reconnaissance de l’amazighité une nécessité non seulement culturelle mais aussi politique et éthique. L’histoire algérienne, marquée par des luttes internes et des exclusions, ne pourra se réconcilier avec elle-même que par une réelle acceptation de toutes ses composantes.
En traduisant Une vie debout en tamazight, Harbi revendique une Algérie fidèle aux valeurs de la Résistance, une Algérie qui ne tolère plus l’injustice sous prétexte de préserver une unité factice. Ce projet, loin de tout régionalisme, rejoint celui d’une nation souveraine et solidaire, respectueuse des droits individuels et collectifs.
Mohammed Harbi affirme qu’aucun projet de société ne pourra aboutir tant que la question identitaire ne sera pas pleinement résolue. À l’image d’Aït Ahmed, Harbi voit dans la reconnaissance de la langue amazighe un impératif pour stabiliser le pays et enrayer les tendances autoritaires. Pour lui, les aspirations à l’équité et à l’égalité linguistique sont au cœur de la souveraineté nationale.
3. Le dernier appel : une Algérie réconciliée avec elle-même
Dans cette déclaration poignante, Mohammed Harbi appelle à la construction d’une Algérie qui ne s’érige pas sur des exclusions, mais sur des alliances. En prenant sa retraite, il fait de ce geste symbolique un acte de foi en la jeunesse algérienne, qui porte aujourd’hui le flambeau d’une Algérie libre et démocratique.
Tout comme Aït Ahmed, Harbi sait que le combat pour la justice est un processus long, et que chaque génération doit reprendre le flambeau pour défendre les idéaux fondateurs. Son appel est un dernier cri d’alerte : pour que l’Algérie avance, elle doit enfin honorer toutes ses mémoires et unir ses forces autour d’un même dessein national.
Il voit dans l’amazighité non pas une revendication marginale, mais l’épine dorsale d’une Algérie inclusive et souveraine. Ainsi, dans ce dernier acte, Mohammed Harbi redonne vie à un rêve pour lequel tant d’Algériens ont lutté : celui d’une Algérie où la liberté et l’égalité ne sont plus de vaines promesses, mais des réalités partagées. Comme l’a écrit Aït Ahmed, « l’Algérie vivra d’elle-même ou elle s’effondrera ».
En traduisant son œuvre en tamazight par Aumar U Lamara, Mohammed Harbi choisit de continuer le combat pour une Algérie debout, réconciliée et fidèle à son histoire profonde.
Bouzid Amirouche