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« Monzami » : la valse des demis de bière (12)

Valise
Image par Ilo de Pixabay

Cela fait maintenant dix jours qu’il est là, et c’est déjà la nostalgie du pays. Nostalgie amplifiée par ce juke-box qui laisse sortir des complaintes de Slimane Azem et Bahia Farah. C’est sa propre vie qui est racontée par ce duo mythique des années 1960.

Il a déjà envie de pleurer sa bien-aimée. Il s’en veut de l’avoir répudiée quand leur vache avait rendu l’âme. Heureusement Dda Uḥrich arrive souvent au bon moment pour lui conseiller d’arrêter de boire. Tel un enfant qu’on a pris en flagrant délit de chapardage, il s’exécute. Et c’est toujours le même topo, jour après jour. Pour montrer sa détermination, il se lève, prend son lot de tapis et ressort. Ça ne rigole pas avec le patron de céans. Mais il n’est jamais à l’abri de « mauvaises » rencontres.

« Monzami » : marchand d’tapis (11)

Ce lundi après-midi, il est 14 h, à peine, quand Hocine sort, le lot de tapis sur les épaules. Le ciel est couvert et il fait déjà sombre. Personne ne lui a jamais dit que dans ce pays, la nuit domine la journée. Il redescend vers la rue Saint Nicolas avec l’intention de changer d’itinéraire. Il ne fait pas cent mètres qu’un autre Kabyle le reconnaît et lui propose de lui payer un verre au Bar du Soleil. Comment refuser tant de générosité ? Comme chez Uḥrich, le bistrot est essentiellement occupé par les villageois de Larbaâ et ses environs. Déjà un peu grisé par le vin, Hocine se laisse entraîner par Ibrahim. Aussitôt, on reconnaît en lui, un nouveau débarqué. Et la valse des demis de bière offerts par des clients généreux peut recommencer.

Il est presque 21 h. C’est quasiment dans un état comateux qu’on le ramène dans sa chambre. Uḥrich vient le sermonner, mais c’est peine perdue, il n’entend rien, il a déjà sombré dans la nébuleuse de Morphée. Tôt le lendemain, Chabane vient le réveiller. Il a du mal à se lever. Il sent son crâne sur le point d’exploser. Dès que la porte s’ouvre, son voisin lui tend un verre d’eau et deux cachets d’aspirine pour apaiser sa gueule de bois.

« Monzami » : les premiers pas dans l’exil ! (10)

– Prend ça, et tu pourras te rendormir. Tu te sentiras mieux après.

Hocine les avale et s’affaisse sur son lit. Chabane le couvre et sort.

Il est déjà midi quand son voisin revient aux nouvelles. La porte est entrouverte. Il rentre et trouve Hocine accroupi, la tête dans le seau rempli de vomi.

Décidément, ça commence mal pour lui. Uḥrich vient en rajouter une couche et le menace :

– Si tu continues comme ça, je te mets dehors ! C’est le premier et le dernier avertissement ! tonne-t-il. Tu n’es pas là pour te saouler mais pour bosser et nourrir tes enfants.

– C’est promis, je ne boirai plus !

– Tu as intérêt !

Uḥrich sort. Hocine éclate en sanglots. Chabane le console :

Dda Uḥrich est comme notre père à tous. Il n’est pas méchant. Il voudrait juste que nous réussissions… (à suivre)

Kacem Madani

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