Mustapha Boucetta, artiste-peintre et sculpteur autodidacte algérien, se distingue par des créations à la fois expressives, singulières et profondément ancrées dans une quête de sens. 

Son œuvre témoigne d’une créativité débordante, nourrie par une réflexion dense sur l’homme, la nature et la mémoire collective. Il entame son parcours artistique tardivement, à l’âge de 50 ans, après avoir exercé divers métiers, dont ceux d’antiquaire, de restaurateur de meubles et de steward. Ce chemin de vie pluriel, loin des circuits artistiques traditionnels, lui a permis de développer une approche originale, à la croisée de la mémoire, de la matière et du mouvement. Ces expériences, loin d’être anecdotiques, ont profondément façonné son regard : elles lui ont permis d’appréhender les objets anciens et les matériaux avec une attention particulière, tout en développant une perception sensible des cultures, des traditions et des formes. Ainsi s’est construite une sensibilité artistique singulière, empreinte d’humanité, d’observation et de vécu.

Ses premières œuvres naissent dans un contexte à la fois personnel et historique douloureux. Boucetta puise dans les traumatismes de la société algérienne, notamment les années de terrorisme, pour créer des formes qui font office de catharsis. À travers ses sculptures et ses installations, il canalise douleur, mémoire et résilience en œuvres tangibles. L’art devient alors pour lui un langage de survie, un moyen d’exorciser les traumatismes tout en rendant hommage à une mémoire collective trop souvent tue. Il s’agit aussi d’un acte de résistance culturelle : résister à l’oubli, à l’effacement, et réaffirmer, par la création, la dignité d’un peuple et d’un vécu.

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Son art repose essentiellement sur l’utilisation de matériaux récupérés, notamment des tôles de voitures, qu’il transforme en sculptures chargées de symbolisme et d’allégories. Ces matériaux industriels, souvent rejetés, retrouvent sous ses mains une seconde vie, intégrés dans des compositions où la force brute de la matière dialogue avec une poésie visuelle saisissante. Ce choix assumé n’est pas anodin : il reflète une démarche éthique et esthétique, redonnant du sens à ce que la société abandonne. 

Parmi ses œuvres majeures, exposées au Palais de la Culture Moufdi-Zakaria à Alger, figurent des représentations imposantes d’animaux, d’arbres et de navires. Ces formes puissantes évoquent la vitalité du vivant, le déplacement, l’errance, mais aussi l’enracinement et la résilience. Elles reflètent un attachement profond à la nature, à l’histoire et au tissu social. Animé par une passion constante, Boucetta qualifie son processus artistique de « délire créatif », expression révélatrice de son approche instinctive, libre et habitée par une quête d’innovation et d’émotion.

Son parcours atypique, traversé par des épreuves intimes, l’a conduit à une réflexion profonde sur la place de l’art dans l’existence humaine. Pour lui, l’art ne se limite pas à une recherche esthétique, mais devient un outil d’éveil, de lien et de questionnement. Son expérience de steward lui a permis d’explorer une grande diversité culturelle, d’observer d’autres manières de vivre, de penser et de créer. Cette ouverture sur le monde a enrichi sa vision artistique et nourri son imaginaire. À travers ses sculptures, il déploie une combinaison forte entre ressenti, maîtrise technique et introspection, offrant au public une lecture à la fois sensorielle et conceptuelle.

Souvent monumentales, ses œuvres abordent des thèmes universels tels que la coexistence entre les êtres vivants et la richesse de la biodiversité. Elles célèbrent l’interconnexion du vivant tout en alertant sur sa fragilité. Son œuvre « L’Arche de Noé » illustre cet engagement à travers une allégorie saisissante sur la diversité biologique et l’harmonie. Ces créations, qualifiées de « métaphores mécaniques », mêlent le langage de l’industrie à celui de la fable, incitant à réfléchir sur la durabilité, les modes de production et l’utilisation de matériaux recyclés dans l’art contemporain.

Reconnu pour sa capacité à redonner vie à des objets abandonnés, Boucetta insuffle à ces matériaux bruts un souffle narratif fort. Chaque pièce utilisée devient porteuse d’un sens, d’une mémoire ou d’une émotion. 

Ses sculptures architecturales, inspirées de la Casbah d’Alger, conjuguent avec finesse tradition et modernité. Il y explore l’identité urbaine, la mémoire des lieux et rend hommage à un patrimoine en mutation. Ces formes hybrides, oscillant entre abstraction et figuration, témoignent de sa maîtrise dans la création d’espaces qui interpellent et suscitent la contemplation.

Ses œuvres, présentées dans des lieux emblématiques tels que le Palais de la Culture Moufdi-Zakaria, se distinguent par leur richesse narrative et leur profondeur conceptuelle. Elles ne se contentent pas d’illustrer des idées : elles racontent, interrogent et provoquent des résonances. Son exposition « Racin-R » a été saluée pour son originalité et sa manière d’aborder des problématiques universelles. À travers cette installation, il revisite les notions de racines, d’ancrage et d’identité, en les confrontant aux mutations contemporaines et aux enjeux environnementaux.

Les créations de Boucetta se démarquent par une esthétique particulière, où symbolisme et allégorie se répondent sans cesse. Ses représentations d’animaux, d’arbres, de navires, ainsi que ses compositions architecturales, révèlent un intérêt constant pour les récits humains et les équilibres naturels. Il qualifie son processus de création de « délire créatif », une expression qui traduit la fusion entre intuition, émotion et imagination dans son travail. Ce bouillonnement intérieur est le moteur de sa démarche, où chaque œuvre devient un terrain d’exploration.

Exposées dans des lieux de renom, ses œuvres ouvrent un espace de découverte et de dialogue autour de thématiques universelles. En intégrant récits humains et philosophie durable, Boucetta a redéfini les contours de la sculpture contemporaine en Algérie. Son travail continue d’inspirer, en interrogeant avec acuité les rapports entre l’individu, la société, la nature et le patrimoine.

Par son art, Boucetta transforme des expériences personnelles en créations à portée universelle, redéfinissant ainsi l’impact de la sculpture contemporaine. Ses œuvres invitent à une réflexion constante sur des questions essentielles telles que la durabilité, la coexistence et l’essence de l’humanité. 

Ces créations mériteraient d’être exposées dans des jardins, dans des aires de jeux pour enfants, mais il faudrait pour cela une volonté politique, l’accord du ministère de la Culture, afin de les sauver de l’oubli.

Brahim Saci

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