Le refoulement mercredi de Nassera Dutour, présidente du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA), de l’aéroport d’Alger, constitue une grave violation des droits fondamentaux. Mais ce n’est pas une première. Farid Alilat, journaliste algérien, a lui aussi été refoulé à l’aéroport d’Alger, il y a quelques mois.
Citoyenne algérienne, Nassera Dutour a été empêchée d’entrer sur le territoire national sans qu’aucune décision de justice ne le justifie. Ce geste n’est pas seulement choquant sur le plan moral ; il est juridiquement illégal.
Ce que dit la Constitution algérienne
L’article 36 de la Constitution algérienne (révisée en 2020) est clair : « Tout citoyen jouit des droits civils et politiques et des libertés fondamentales garanties par la Constitution. »
Et surtout, l’article 49 précise : « Nul ne peut être empêché de quitter ou de revenir sur le territoire national, sauf sur décision motivée de la justice. »
Or, dans le cas de Mme Dutour, aucune décision judiciaire n’a été rendue, ni publiée. La mesure est donc arbitraire et contraire à la Constitution. Encore une fois l’Etat de droit a vécu.
Le droit international appuie ce constat
L’article 12, alinéa 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie en 1989, stipule : « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays. »
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a précisé que ce droit est inaliénable, qu’aucune mesure administrative ne peut l’annuler, même pour des motifs politiques ou sécuritaires non judiciaires.
Une pratique illégale et dangereuse
Le refoulement de Mme Dutour n’est pas un cas isolé. Des témoignages d’autres Algériens et binationaux, notamment des militants, des journalistes ou des chercheurs critiques, indiquent des pratiques similaires. Cela semble indiquer l’existence d’une « liste noire officieuse » tenue aux frontières, hors de tout cadre légal.
Cela revient à instaurer un exil administratif déguisé, en contradiction avec l’État de droit.
Une solidarité nécessaire
Des ONG comme Amnesty International, la Fédération Euromed des Droits de l’Homme, la Ligue algérienne des droits de l’homme, Riposte Internationale ou encore le CFDA lui-même, dénoncent cette dérive grave.
Le silence ou le flou des autorités ne fait que renforcer l’impression d’un pouvoir qui se dispense de justice pour exercer une vengeance politique.
Empêcher une citoyenne de fouler le sol de son pays sans décision de justice est une atteinte directe à la Constitution algérienne et au droit international. Il ne s’agit pas ici d’une mesure de sécurité, mais d’un geste politique qui rappelle les pratiques les plus sombres des régimes autoritaires.
Ce n’est pas Mme Dutour seulement qui a été refoulée, c’est le droit lui-même qui a été repoussé à la frontière.
Rabah Aït Abache