Avant d’entrer à la prison de la Santé, Nicolas Sarkozy a rencontré Emmanuel Macron. Parmi ses trois livres autorisés, il a choisi Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas et La Vie de Jésus de Jean-Christian Petitfils. Entre grandeur et chute, la politique rejoint la littérature.
Vendredi 17 octobre, Emmanuel Macron a reçu Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Une entrevue brève mais lourde de sens, quatre jours avant l’incarcération de son prédécesseur à la prison de la Santé. Le président de la République a justifié ce geste par une « attention humaine » envers un ancien chef d’État « dans l’épreuve », tout en rappelant son attachement à « l’indépendance de la justice ». L’équilibre est délicat : compassion personnelle d’un côté, neutralité institutionnelle de l’autre.
Le lundi suivant, l’ancien président franchissait une autre porte, celle de la prison. La France découvrait alors une image inédite : un ex-chef d’État condamné à une peine ferme pour corruption et trafic d’influence. Ce passage de l’Élysée à la Santé a tout d’une tragédie républicaine : la grandeur déchue, la solitude retrouvée.
Parmi ses rares occupations autorisées, Nicolas Sarkozy avait le droit d’emporter trois livres avec lui. Il a choisi les deux tomes du Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas — vous savez, celui dont le héros Edmond Dantès est injustement emprisonné — et La Vie de Jésus de Jean-Christian Petitfils. Ce choix en dit long : la vengeance, la foi et la rédemption. Trois clés de lecture possibles d’un destin politique qui oscille désormais entre silence, réflexion et survie symbolique.
L’analogie avec Dumas s’impose presque d’elle-même. Dans son château d’If, Edmond Dantès médite sur la trahison et la justice des hommes. Sarkozy, enfermé dans sa cellule, peut y lire son propre reflet : celui d’un homme convaincu d’avoir été victime d’un système qu’il a, paradoxalement, contribué à construire. Le roman devient alors miroir : celui d’une République où la justice ne fait plus de distinction entre l’ancien locataire de l’Élysée et le citoyen ordinaire.
Ce tête-à-tête littéraire entre un détenu de fiction et un président déchu interroge. Que reste-t-il à l’homme de pouvoir lorsqu’on lui retire tout pouvoir ? Peut-être la lecture, dernier refuge des consciences en exil. Les Misérables pour croire encore à la rédemption, Surveiller et punir pour comprendre le mécanisme, ou L’Étranger pour accepter l’absurde.
Dans l’histoire, certains ont fait de la prison un lieu d’écriture : Gramsci, Genet, Mandela. D’autres y ont trouvé le silence. Chez Sarkozy, la question demeure : fera-t-il de cette épreuve une retraite spirituelle, une revanche politique ou une simple parenthèse ?
Mais une chose est sûre : entre les murs de la Santé, il ne sera pas seul. À ses côtés, Dumas lui tiendra compagnie — et Jésus, sans doute, lui prêtera quelques mots de consolation.
Et nous, simples spectateurs d’un chapitre inédit de la Ve République, nous pouvons au moins nous poser une question : si le sort nous enfermait à notre tour, quel livre choisirions-nous pour tenir debout ?
Mourad Benyahia