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Nour-Eddine Boukrouh : « L’Algérien est un Amazigh islamisé, non arabisé»

Boukrouh

Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, l’ancien homme politique et essayiste Nour-Eddine Boukrouh revient sur la question complexe et sensible de l’identité algérienne. Pour lui, ce débat, loin d’être récent, plonge ses racines dans la période précédant l’indépendance et la Révolution de 1954.

Boukrouh évoque notamment la « crise berbériste » des années 1940 et la répression du Mouvement Culturel Berbère (MCB) dans les années 1980, deux épisodes marquants d’un long combat pour la reconnaissance de l’amazighité.

Bien que les trois composantes de l’identité nationale – l’Amazighité, l’Islamité et l’Arabité – aient été constitutionnalisées, et que la langue amazighe ait obtenu un statut officiel, le débat reste vif. Il a récemment ressurgi avec l’incarcération d’un enseignant ayant contesté le concept d’« Amazigh », lui préférant celui de « Berbère ».

Au cœur de la réflexion de Boukrouh se trouve une formule devenue courante : « Nous sommes des Amazighs arabisés par l’islam ». Il la rejette fermement, la qualifiant de « fausse » et de « non-sens », lui opposant une reformulation qu’il juge plus fidèle à la réalité historique : « Nous sommes des Amazighs islamisés par des Arabes ». Pour lui, la confusion vient de l’usage du mot « arabisés », alors que ce sont les Arabes qui ont introduit l’islam en Afrique du Nord. La langue arabe n’a été adoptée, selon lui, que comme vecteur de la nouvelle religion, faute d’un système d’écriture amazigh à l’époque.

Boukrouh opère une distinction cruciale entre arabité et islamité. La première relèverait d’une appartenance ethnique spécifique, réservée aux descendants des tribus arabes, tandis que la seconde serait une affiliation religieuse universelle. Ainsi, selon lui, en embrassant l’islam, les Algériens n’ont ni renié leur origine amazighe ni adhéré à une race étrangère, mais ont simplement adopté une langue religieuse.

Il rappelle également que la majorité des musulmans dans le monde ne sont pas Arabes, et que de nombreux Arabes ne sont pas musulmans, citant les Coptes d’Égypte comme exemple.

Pour illustrer son propos, il s’appuie sur une célèbre citation de Kateb Yacine : « La langue française est un butin de guerre ». Boukrouh en nuance le sens : adopter une langue n’implique pas l’adoption de l’identité de ceux qui la parlent. De la même manière, apprendre l’anglais ou le chinois ne signifie pas devenir Anglais ou Chinois.

En conclusion, Boukrouh plaide pour une lecture plus lucide et plus nuancée de l’identité algérienne. Il insiste sur la nécessité de reconnaître l’islamisation comme un processus spirituel distinct de toute arabisation ethnique, et réaffirme la centralité de l’amazighité comme socle historique de cette identité.

La rédaction

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