Déterminé à agir vite sur le front du remaniement gouvernemental, mais confronté à la complexité de l’équation, Emmanuel Macron passe en revue ses options pour Matignon. Deux candidats se dégagent, Julien Denormandie et Sébastien Lecornu, mais un maintien d’Elisabeth Borne n’est pas à exclure.
Emmanuel Macron est un dribleur invétéré. Il n’est jamais à l’abri d’un virage à 180°. « Tout est possible… y compris rien », résume un proche d’Emmanuel Macron, à l’heure où le président phosphore sur la recomposition de son équipe, après avoir largement consulté cette semaine, d’Edouard Philippe à François Bayrou en passant par son ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
Ses familiers promettent quoi qu’il arrive une réponse rapide, quand M. Macron avait pris l’habitude de laisser tourner les horloges lors des précédents remaniements, muant l’exercice en supplice chinois pour les intéressés.
« A mon humble avis, ceux qui aiment dire qu’il procrastine en seront pour leur frais », assure un influent conseiller, quand un autre avance que le président est « en phase de cristallisation » et que « ça bougera en début de semaine, probablement avec un nouveau Premier ministre lundi ».
Sauf que… trouver un pensionnaire à Matignon appelle à de subtils calculs et qu’à ce titre, « il n’y a pas énormément de choix », relève un marcheur historique.
Selon plusieurs sources concordantes au sein de l’exécutif, la liste semble s’être resserrée à deux noms: « Lecornu et Denormandie », énumère un fidèle du chef de l’Etat, tout en ajoutant, prudent, qu' »avec le président, c’est toujours imprévisible ».
Ce duel ravive au sein de la majorité l’antique querelle entre les anciens macronistes, dont Julien Denormandie fait partie, et les ralliés issus de la droite, comme Sébastien Lecornu.
Le premier, 43 ans, navigue en effet depuis une décennie dans le sillage d’Emmanuel Macron, avec qui il avait failli monter une start up en 2014, avant d’embarquer pour Bercy comme directeur de cabinet adjoint de celui qui fut alors ministre de l’Economie.
Ingénieur d’En marche!, le vaisseau amiral de la campagne présidentielle de 2017, M. Denormandie a ensuite dirigé le ministère du Logement, puis de l’Agriculture, avant de se réorienter en 2022 dans le privé. Tout en confiant à des visiteurs qu’il ne pourrait refuser Matignon, si l’occasion de présentait.
« Quand on parle de ressouder la majorité de gauche, de consolider le macronisme ou de revenir à ses origines, de rechercher le dépassement, l’apaisement, la réconciliation, la bienveillance, Julien incarne tout cela », assure un de ses plus fervents partisans.
«Réduire et renouveler»
De son côté, Sébastien Lecornu a su tisser sa toile en macronie, après avoir rejoint M. Macron en 2017, en provenance des Républicains (LR), comme deux autres anciens Premiers ministres, Edouard Philippe et Jean Castex.
Ministre des Armées à seulement 37 ans, après avoir officié aux Outre-mers et aux Collectivités, M. Lecornu s’est imposé comme l’un des conseillers politiques du chef de l’Etat, fort de plusieurs mandats électifs (président du conseil départemental de l’Eure, sénateur, maire…). Un profil davantage manouvrier, à l’heure où il faut composer avec une majorité relative à l’Assemblée et un Sénat, dominé par la droite, requinqué.
Pour autant, Elisabeth Borne « n’est pas condamnée: tout le monde prononce son oraison funèbre… mais on va un peu vite », prévient un proche du chef de l’Etat.
« Personne dans le pays ne demande urgemment le départ de Mme Borne, ni plus ni moins que d’habitude », observe un autre familier du Palais qui plaide pour le statu quo. « Ce n’est pas un problème d’opinion mais de séquence que le Président veut initier », en vue notamment des élections européennes, poursuit-il.
Après 20 mois à Matignon, Mme Borne ne s’est jamais départie de son costume d’exécutante scrupuleuse, parvenant à faire adopter 30 projets de loi, dont 6 en activant l’article 49.3. Déjà donnée partante l’été dernier, elle a su prouver sa résilience dans un contexte difficile et sa loyauté à toute épreuve.
Des atouts qui pourraient amener à temporiser sur son remplacement alors que se profilent dans les jours à venir deux obstacles: une décision de justice concernant le ministre du Travail Olivier Dussopt, et une possible censure de la loi immigration par le Conseil constitutionnel.
Après avoir tranché sur son Premier ministre, Emmanuel Macron s’attaquera également à l’ensemble du gouvernement, avec deux mots d’ordre: « réduire et renouveler ». « Si vous faites l’addition, ça fait des morts à la fin », prédit un de ses fidèles.
Bien malin celui qui réussira à poser des noms sur la prochaine équipe gouvernementale tant l’imagination de Macron est insondable.
L.M./AFP