Il y a un grand gouffre entre le faste des célébrations officielles annoncées et le frappant désintérêt des citoyens pourtant très fiers de leur histoire et profondément attachés aux idéaux du 1er Novembre et son prolongement le Congrès de la Soummam.
Il faut dire que la défiance a déjà commencé bien avant l’indépendance, avec l’assassinat, un certain mois de décembre, 1958, de l’architecte du congrès de la Soummam, Abane Ramdane, et s’est poursuivie avec l’élimination des autres figures marquantes de la révolution comme Krim Belkacem et Mohamed Khider. Ce qui n’a fait qu’accentuer le désamour déjà vivace du temps de la montée au maquis en 1963 de Hocine Ait-Ahmed et de l’exil forcé de Mohamed Boudiaf.
Le sentiment ancré dans l’inconscient collectif que l’artisan de l’indépendance, le GPRA, a été dépossédé de son droit légitime à gouverner l’Algérie et de la mener à bon port en concrétisant les « objectifs sacrés » de la révolution, à savoir : liberté, démocratie, justice, droits de l’homme, équilibre régional, etc., n’a fait qu’exacerber les tensions.
Il est d’ailleurs frappant de constater que juste à la veille de la célébration de cette date historique les emprisonnements pour délit d’opinion ou d’identité se sont multipliés, les restrictions des libertés se sont densifiées et les rares espaces de liberté ont été fermés (les vente-dédicaces de livres en sont le dernier exemple) et les voix discordantes sont étouffées.
Il est paradoxal de constater que les gouvernants en sont toujours aux idées héritées du maquis considérant comme traître tout opposant à leur politique, alors que les temps ont changé, l’indépendance acquise et le colonialisme défait. Mais, c’est à croire qu’il est toujours présent dans les esprits !
Ce qui fait d’ailleurs son jeu puisque toute division affaiblit l’ennemi d’hier et l’adversaire d’aujourd’hui.
Cela prouve au moins l’écart existant entre les attentes populaires (exprimées, entre autres, par le boycott massif des dernières présidentielles et la harga symbolisant la quête de liberté) et l’Algérie du pouvoir (appelée sarcastiquement par le peuple, celle du 20 h 00, en référence aux journaux télévisés de la TV d’Etat montrant toujours le pays comme un paradis).
L’Algérie a plus que jamais besoin de se moderniser et d’adopter de nouvelles idées en considérant tous les citoyens égaux devant la justice et ayant accès à tous leurs droits, dont celui d’avoir des idées différentes, de les manifester à travers tous les moyens pacifiques que permet la démocratie.
Enfin, il reste indubitablement clair que sans l’avènement d’un nouveau leader de la trempe d’Abane Ramdane, intelligent et courageux, l’Algérie tournera toujours le dos à l’avenir et restera embourbée dans les pièges du passé dont les mailles emprisonnent et neutralisent toute velléité de développement et de progrès.
Youcef Oubellil, écrivain
Le pouvoir, en Algérie, a été accaparé par la force.
Seule la force peut le restituer au peuple.
Non pas celle des armes bien sûr car même les plus téméraires des forces armées ont échoué dans leurs entreprises (USA, Russie, France, Israël et j’en passe) mais celle de conviction, de fermeté, de constance autour d’un projet exclusivement algérien élaboré par les algériens pour les algériens.
Utopique! me direz-vous! Tout à fait, je rétorque! Il en faut une bonne dose pour se débarrasser de nos pesanteurs archaïques et féodales.