C’est l’une des bases de l’humanisme et du droit. Dans la plupart des codes pénal des pays de droit à peu près équivalents la formule est, avec des écritures légèrement différentes, « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
Le principe général reconnaît la légitimité de certaines exceptions comme les enfants mineurs ou les adultes irresponsables (dans le sens des capacités limitées). Par des extensions de langage on peut entendre « Nul n’est responsable de sa famille » et ses dérivées comme, de ses amis, de ses collègues et ainsi de suite.
Le contraire serait le déni absolu de l’autonomie de la personnalité juridique des êtres humains, une condition essentielle dans une humanité qui a mis de très nombreux siècles pour en arriver à l’admettre.
C’est un drame absolu que d’être identifié et jugé en fonction de l’appartenance à un groupe, une communauté ou une pensée, en niant la personnalité propre des individus et donc de leurs vertus comme de leurs responsabilités.
Partons de cette réflexion pour analyser un cas que je veux partager aujourd’hui avec le lecteur de ma chronique, celui de Benyamin Netanyahou et de son père, Bension Netanyahou (Ben-Zion), né à Varsovie.
Le père fut un membre très influent du mouvement sioniste dans sa branche la plus radicale c’est-à-dire du « sionisme révisionniste ». L’idéologie de cette mouvance était de refuser les positions de dialogue avec l’occupant Britannique en adoptant des stratégies plus fermes, jusqu’au combat armé.
Bension Netanyahou fut un adepte du mouvement et secrétaire de son créateur, Vladimir Jabotinsky. L’objectif fut de revendiquer l’ensemble du territoire en créant un « mur d’acier contre les arabes ». La violence et les meurtres en étaient justifiés par cet objectif de ce parti d’extrême droite.
Ben-Zion partagea toutes les positions du fascisme en les revendiquant, le racisme par la théorie de l’homme pur, le nationalisme défendu par les armes, le culte du dirigeant fort ainsi qu’une exécration du socialisme prôné par l’aile gauche du sionisme. Ben-Zion alla jusqu’à proclamer son admiration envers Mussolini, ce qui est un comble pour un juif qui évoque la Shoa.
David Ben Gourion surnommera Jabotinsky « Vladimir Hitler ». Après la relecture d’un ancien article du Führer, il déclara : « J’avais ce sentiment de lire Jabotinsky par les mêmes mots, le même style, le même esprit »
Ben-Zion s’exile volontairement aux-Etats-Unis pour fuir les « socialistes » du sionisme (raison invoquée mais est-elle réelle ?). Les opinions du père de Benyamin Netanyahou sont très clairement une forme pure du radicalisme d’extrême droite. C’est ainsi le contexte idéologique dans lequel le fils fut baigné dans son enfance aux Etats-Unis (ce qui explique son parfait anglais) qui en adopta toutes les positions et doctrines.
Le fils est-il pour autant responsable des épouvantables idées de son père ? Selon l’argumentaire que nous avions précédemment développé, la réponse doit être négative, nul n’est responsable d’autrui.
Mais alors, me dirait-on, c’est une excuse facile et un soutien inacceptable au pire des extrémistes. Non, absolument pas car s’il est dégagé de sa responsabilité envers son père, il en est totalement coupable de son propre fait.
Ainsi l’exonération de responsabilité du fait du père n’est pas reportée sur la personne qui, en toute conscience, adopte les mêmes idées épouvantables. L’humanisme et le droit impose cette séparation des responsabilités et l’expression « tel père, tel fils » doit être énoncée avec prudence.
Ce serait une accusation illégitime si elle était spontanément et uniquement justifiée par le lien familial. C’est hélas ce qui se passe souvent avant même d’analyser les positions et les actes du fils. Par contre, si le fils épouse les mêmes attitudes coupables, alors « tel père, tel fils » est légitime car c’est un fait objectif, pas une opinion.
Un fils battu qui battra plus tard ses enfants, un criminel qui invoque l’emprise de son père, sont parfois pris en compte dans les jugements criminels pour réduire la peine. Benyamin Netanyahou ne peut en aucun cas se dissimuler derrière l’éducation radicale et l’emprise du père. C’est vraiment la dernière chose qu’il pourrait évoquer en excuse si un jour l’accusation de génocide aurait enfin une concrétisation devant la Cour Pénale Internationale.
En individualisant les responsabilités, ce que le droit et l’humanisme nous impose, on peut alors librement et légitimement conclure pour ce cas précis, « Un père fasciste, pire est son fils ».
Sid Lakhdar Boumediene