Les réactions internationales d’ONG de défense des droits humains se multiplient après la confirmation, en appel, des condamnations prononcées dans l’affaire dite du « Complot contre la sécurité de l’Etat».
Alors que l’avocat et militant des droits humains Ayachi Hammami et l’activiste politique Chaima Issa poursuivent leur grève de la faim depuis leur arrestation la semaine dernière, plusieurs organisations et experts onusiens appellent les autorités tunisiennes à annuler les jugements et à libérer tous les détenus.
Human Rights Watch : des condamnations « injustes » fondées sur des preuves non fiables
Human Rights Watch a dénoncé, mardi 9 décembre 2025, l’arrestation de trois figures de l’opposition après leur condamnation dans ce que l’organisation qualifie de « procès expéditif et inéquitable ». Selon HRW, les accusations de complot et de terrorisme ne reposent pas sur « des preuves fiables » et les audiences d’appel — trois seulement — se sont tenues sans la présence des détenus, en violation de leur droit fondamental de comparaître devant un juge.
Bassem Khawaja, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, estime que ces arrestations représentent « une étape supplémentaire dans le plan du président Kaïs Saïed visant à éliminer toute alternative politique ». Il ajoute que les autorités ont « criminalisé l’opposition et l’activisme des droits humains, anéantissant tout espoir de retour à un processus démocratique ». Human Rights Watch appelle l’Union européenne et les partenaires étrangers de la Tunisie à condamner « l’accélération de la dérive autoritaire ».
Experts de l’ONU : un « danger direct » pour l’indépendance de la justice
Les experts onusiens chargés de l’indépendance de la justice et de la profession d’avocat se sont dits « profondément choqués » par la condamnation d’Ayachi Hammami. Ils estiment que poursuivre des avocats ou les qualifier de « terroristes » pour leurs prises de parole ou leur travail professionnel représente une « menace directe » pour l’indépendance judiciaire et pour le droit à un procès équitable.
Les mesures prises contre Hammami — arrestation, exécution immédiate de la peine de cinq ans de prison, interdictions de voyage et de prise de parole — s’inscrivent, selon eux, dans une stratégie de « ciblage systématique » des avocats et défenseurs des droits humains, instaurant un climat de peur dans le corps juridique. Ils appellent les autorités tunisiennes à respecter les normes internationales et à libérer immédiatement tous les avocats poursuivis en raison de leur activité professionnelle.
Amnesty International : libération immédiate et sans condition des détenus
Amnesty International rappelle que 34 personnes ont été condamnées dans cette affaire à des peines allant de cinq à quarante-cinq ans. L’organisation signale également l’arrestation brutale de Chaima Issa lors d’une manifestation pacifique le 29 novembre, suivie de l’interpellation d’Ayachi Hammami le 2 décembre, puis de celle de l’opposant Ahmed Néjib Chebbi. Pour Amnesty, ces condamnations sont « injustes » et doivent être annulées sans délai, avec une libération « immédiate et inconditionnelle » de toutes les personnes détenues pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.
Une scène politique sous tension
Sur le plan interne, plusieurs partis et organisations tunisiennes dénoncent un « virage dangereux » pour les libertés publiques, soulignant que « l’avenir du pays ne peut se construire dans les prisons ». Le dossier, qui compte environ 37 accusés, est devenu un symbole de la détérioration du climat politique et judiciaire en Tunisie.
Alors que la contestation locale rejoint désormais la pression internationale, les appels à rouvrir le dossier et à garantir des normes judiciaires conformes aux principes des droits humains se font de plus en plus pressants.
Mourad Benyahia

