Près de trois décennies après l’adoption de la Plateforme d’action de Pékin, le constat demeure accablant : la violence contre les femmes n’a pas reculé. Elle reste la violation des droits humains la plus répandue au monde.
Une femme sur trois a subi, au moins une fois dans sa vie, des violences physiques ou sexuelles. Les promesses n’ont pas suffi, les déclarations se sont succédé, mais le monde, lui, a failli à sa parole.
Face à cet immobilisme, ONU Femmes et la Commission européenne lancent une nouvelle initiative : ACT to End Violence Against Women. Le mot ACT résume une triple ambition – Advocacy, Coalition building et Transformative feminist Action – autrement dit : plaidoyer, coalition et action féministe transformatrice. Le programme vise à donner un nouveau souffle à la lutte mondiale contre les violences faites aux femmes et aux filles, en soutenant directement les mouvements féministes, acteurs essentiels du changement durable.
Un engagement féministe pour briser le silence
ACT ne se veut pas un énième plan de plus. C’est une alliance stratégique entre institutions internationales, société civile et mouvements féministes. Elle sera d’abord déployée en Afrique et en Amérique latine, deux régions où les violences, qu’elles soient domestiques, politiques ou sociales, se conjuguent souvent avec la pauvreté et la marginalisation.
ONU Femmes insiste sur un constat clair : l’existence d’un mouvement féministe autonome et fort est le facteur le plus décisif pour faire évoluer les politiques publiques. Les campagnes ponctuelles ne suffisent plus. Ce sont les collectifs de femmes, les associations locales et les militantes de terrain qui détiennent la clé du changement.
Dans un contexte mondial marqué par les guerres, les crises économiques et la montée des mouvements anti-droits, ACT cherche à créer une solidarité transnationale, à faire circuler les expériences, les stratégies et les résistances. Car la violence contre les femmes, qu’elle se manifeste dans les foyers, sur les réseaux sociaux ou dans les conflits armés, relève du même système : un pouvoir patriarcal profondément enraciné.
Des chiffres qui révèlent un désastre
Les chiffres publiés par ONU Femmes parlent d’eux-mêmes. 86 % des femmes et des filles vivent encore dans des pays dépourvus de lois solides contre la violence et la discrimination. À peine 0,2 % de l’aide au développement mondiale est consacré à la prévention des violences basées sur le genre. Et sur cette part déjà minime, seulement 5 % atteignent les organisations féministes locales dans les pays en développement.
En d’autres termes, les femmes se battent presque sans moyens. La prévention reste sous-financée, les services d’aide saturés, les tribunaux lents, et la honte continue d’écraser les victimes.
Agir avant que les mots ne se vident
Le Comité directeur mondial de la société civile ACT, composé de seize militantes et expertes issues de divers continents, appelle à un sursaut collectif. Dans une déclaration publiée à l’occasion de la 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU, il plaide pour des plans d’action nationaux multisectoriels, des financements pérennes, et une application réelle des lois existantes.
ONU Femmes réclame également une investigation et une production de données plus rigoureuses pour bâtir des politiques fondées sur des preuves, et non sur des slogans. Le programme ACT invite les États à changer d’échelle, à passer des discours aux ressources, des intentions aux actes.
Un test pour la démocratie mondiale
Au-delà de ses objectifs techniques, cette initiative pose une question morale : quelle valeur accorde-t-on à la vie et à la dignité des femmes ?
Dans de nombreuses sociétés, la violence n’est pas un accident, mais une habitude socialement tolérée, parfois même justifiée. L’indifférence est devenue complice.
En plaçant la lutte contre les violences au cœur du développement et de la justice sociale, ONU Femmes fait de cette cause un test de la démocratie mondiale. Car une société qui ne protège pas ses femmes, qui réduit leur liberté à un privilège, reste une société inachevée.
ACT veut rappeler que mettre fin à la violence contre les femmes n’est pas une utopie, mais un impératif politique, social et humain. Pour y parvenir, il faudra non seulement des lois et des budgets, mais aussi une volonté – celle qui transforme la peur en courage, et la parole en action.
Synthèse Djamal Guettala