2 mars 2025
spot_img
Accueil360°Ordinateurs, smartphones : comment les écrans abîment notre santé

Ordinateurs, smartphones : comment les écrans abîment notre santé

Ordinateur, smartphone, télévision… : notre quotidien est marqué par une exposition excessive au numérique. Mais à quel prix ? Fatigue visuelle, douleurs cervicales, troubles du sommeil… Les experts alertent sur un véritable enjeu de santé publique, pourtant encore peu pris au sérieux.

En quelques décennies, les écrans sont devenus omniprésents dans notre quotidien. Envoyer des SMS, regarder la télévision, surfer sur les réseaux sociaux, l’usage des écrans se retrouve partout. Au travail, une enquête de l’Insee et la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) a démontré que 79% des salariés français utilisaient l’informatique dans leur travail en 2019.

Une hyperconnexion qui inquiète de nombreux experts et scientifiques qui alertent sur l’apparition de pathologies spécifiques liées à cette surconsommation d’écrans. Entre mauvaise posture et fatigue visuelle, le sujet peine pour autant à devenir un vrai enjeu de santé publique.

Le syndrome de déficience numérique, conséquence de l’exposition aux écrans

« On a vraiment constaté qu’il y a énormément de myopes chez les jeunes, beaucoup plus qu’avant. Quand vous regardez un écran à 30 ou 20 centimètres toute la journée, votre œil devient myope, car il voit mieux de près. » Ophtalmologue depuis 35 ans à Paris, la docteur Petra Kunze alerte sur l’aspect nocif des écrans, au point de coécrire un livre à ce sujet : Mon écran et moi, stop à la fatigue. Cette « épidémie » de myopie évoquée par le docteur est la conséquence d’un usage des écrans dès le plus jeune âge. Alors que l’œil est en croissance jusqu’à 25 ans, la vue d’un écran chez de jeunes enfants va avoir pour conséquence que « l’œil s’adapte à cette distance et devient myope. »

Les problèmes de vue liés aux écrans ne touchent pas pour autant que les enfants. La lumière bleue émise par ces derniers agresse la rétine, d’où l’explosion des ventes de lunettes antilumière bleue. Un produit qui ne fait pourtant pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique.

- Advertisement -

Mais l’un des symptômes les plus fréquents reste celui de l’œil sec. Ne vous est-il jamais arrivé de vous frotter les yeux à force d’être sur un écran ? En effet, « quand on regarde un écran, on oublie un peu de cligner des yeux, on est dans le feu de l’action, on ouvre grand les yeux et on ne cligne pas assez. On est complètement accaparé et la surface oculaire devient sèche », explique Petra Kunze qui recommande de mettre des gouttes pour les yeux lorsque cette sensation se manifeste. Une utilisation néfaste des écrans qui provoque une explosion des cas de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) selon l’experte.

La situation est telle qu’en 2007, le « syndrome de déficience numérique » a été identifié. Un syndrome qui découle de la fatigue visuelle des yeux sursollicités par l’usage intensif des écrans au quotidien. L’évolution du numérique et de notre consommation toujours plus longue affectant significativement notre santé visuelle, mais aussi notre posture.

« Les problèmes de colonne vertébrale, c’est le mal du siècle »

En 2019, une étude sur les méfaits liés au travail sur écran a donné naissance à Emma. Un mannequin aux yeux rouges, de l’eczéma, des varices et un dos plus que courbé. Partenaires de cette initiative, le groupe Néo Forma souhaite interpeller sur les conséquences de plusieurs décennies assis sur un bureau peu ergonomique.

Créé pour lutter contre les douleurs au travail, par le biais de formations en présentiel avec des ostéopathes, Néo Forma fait aussi des consultations d’ostéopathie en entreprise. « Ce qu’on dit, c’est que les problèmes de colonne vertébrale, c’est le mal du siècle », annonce Alban Jourdet, ostéopathe et directeur du développement chez Néo Forma. Depuis plusieurs années, il constate une augmentation des douleurs musculo-squelettiques, liées à la sédentarisation du travail et à l’explosion du télétravail. « Les gens restent dans leur canapé ou mal installés chez eux. Au travail, on peut être dans une mauvaise position prolongée. Ces dernières années, on retrouve beaucoup de douleurs cervicales. La majorité des cas sont des cervicalgies. Il y a aussi beaucoup de lombalgies, des douleurs au niveau des vertèbres lombaires », alerte l’ostéopathe.

Un autre syndrome qui s’ajoute à une liste déjà longue, c’est celui du « text-neck » (nuque cassée vers l’avant). Un syndrome qui englobe toutes les maladies cervicales liées à l’utilisation intensive du téléphone portable et une mauvaise position du cou lors du travail. « On a toujours la tête qui est inclinée et en fonction du degré d’inclinaison, votre tête pèse plus lourd. Le fait d’être toujours sur son téléphone portable vient créer des douleurs cervicales, des hernies ou encore de l’arthrose », selon Alban Jourdet.

Des gestes simples pour éviter les complications

Au travail, « la chose la plus importante, c’est de ne pas rester plus d’une heure sans bouger. Par exemple, en se levant, si on a un coup de téléphone, si on a quelque chose à dire à un collègue, on se déplace plutôt que de lui écrire un mail. Il faut vraiment favoriser le mouvement parce que c’est ça qui va stimuler la circulation sanguine et donc envoyer l’oxygène et tous les bons nutriments aux muscles et aux organes. Il y a autre chose aussi qui est très important : boire régulièrement », conseille Alban Jourdet.

Pour l’ophtalmologue Petra Kunze, la règle du 20-20-20 est une solution très intéressante. C’est-à-dire regarder un objet à 20 pieds (6 mètres) pendant 20 secondes toutes les 20 minutes. « Ce qui est très important pour les yeux, c’est de ne pas regarder toujours à la même distance », explique-t-elle.

Si le docteur préconise aussi le fait de bouger et de faire des pauses, elle pointe également l’importance des vitamines : « Quand vous passez la journée sur un écran, vous êtes un sportif des yeux. Il ne faut pas manquer de vitamine D, de vitamine C et de magnésium. » Sans oublier un fléau qui touche de nombreux jeunes : la dépendance aux écrans avant le sommeil. La plupart des ophtalmologues recommandent de bannir les écrans au moins une heure avant de dormir. « Avec les écrans, il y a plein de stimulations visuelles et sensorielles. Tout ça, ça réveille. C’est comme une drogue. »

Des initiatives politiques… sans effets concrets

Pour le Dr Petra Kunze, la France accuse un retard en matière d’ergonomie et de prévention, notamment dès l’école. « On n’apprend pas aux enfants à préserver leurs yeux, l’importance des lunettes, de la vitamine D ou les dangers de la lumière bleue », regrette-t-elle. Même constat pour Alban Jourdet de Néo Forma, qui souligne le manque d’application des formations obligatoires en entreprise sur les gestes et postures pour les travailleurs sur écran. « Tout le monde ne le fait pas, et personne ne vient leur chercher des poux », déplore-t-il.

Aujourd’hui, les maladies liées aux écrans restent un enjeu de santé publique largement sous-estimé. Malgré plusieurs propositions de lois pour réguler l’accès aux écrans des jeunes enfants, aucune n’a été inscrite au Journal officiel. « Une proposition de loi prévoyait notamment que soient mentionnés sur les emballages les risques d’un usage excessif des outils numériques pour la santé des jeunes enfants. Le lobbying des industriels fait partie des freins », selon Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste spécialisée dans les troubles des apprentissages scolaires.

RFI

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents