“Quand on veut gouverner les hommes, il ne faut pas les chasser devant soi. Il faut les faire suivre.” Montesquieu
Le huitième président la République française en remet une couche pour un deuxième mandat et donc pour cinq années de plus. Ce qui va faire un total de dix ans. Putain, dix ans ! Le résultat de la dernière élection présidentielle de la Ve République n’a surpris personne tellement il était prévisible.
Emmanuel Macron a été réélu grâce à un front républicain. Les Français ont voté plus pour faire barrage à Marine Le Pen que par adhésion.
Les gens ne sont pas dupes. Les 58,50 % d’électeurs qui ont apporté leurs suffrages au président sortant ne sont pas tous, c’est une évidence, des partisans inconditionnels. S’il y en a qui ont milité pour sa réélection dès le premier tour, une grande partie de ceux qui ont mis le bulletin Macron dans l’urne au deuxième tour n’ont accompli ce geste que pour une seule raison : ne pas laisser l’extrême-droite accéder aux responsabilités. Et cela malgré le fait que la plupart de ces citoyens connaissaient le sophisme avéré de cet homme. Il a été réélu malgré des avatars archi-connus comme son arrogance et sa condescendance, son orgueil toujours mal placé, cette présomption de supériorité qu’il semble porter sur les épaules.
L’image du président des riches n’est pas une simple caricature, il suffit de se souvenir qu’il a supprimé l’ISF (Impôt Sur la Fortune). En matière de gestion de la crise sanitaire et du dérèglement climatique, il a été l’un des chefs d’Etat les plus dirigistes. Il est donc évident que les presque 19 millions de voix qui se sont portées sur son nom sont loin d’être un chèque en blanc puisque Macron a profité de la présence de l’extrême-droite au deuxième tour, extrême-droite agissant comme un repoussoir pour la plupart des électeurs.
Sa victoire acquise, voilà le nouvel-ancien président défilant sur le Champ-de-Mars, à l’endroit même où Louis XVI préta serment sur la Constitution et où Jean-Sylvain Bailly, le maire de Paris, tira sur la foule en tuant une cinquantaine de personnes et blessant des centaines d’autres le 17 juillet 1791.
Les sans-culottes firent payer à Bailly ce massacre et ont même prévu de l’exécuter sur ce même Champs-de-Mars avant de sanctifier le lieu. À cela, il faut ajouter le fait qu’il a été annoncé au son de l’hymne européen comme si les politiques continentales avaient effacé toute trace de la nation.
La grande différence entre 2017 et 2022 pour Emmanuel Macron, c’est que cette fois, le peuple de France est loin de l’avoir plébiscité ni même d’avoir voté pour lui. Ni sa personne ni son projet n’ont été pris en compte. L’élément le plus important qui a guidé les électeurs a été la présence d’une force politique qui lui a servi de faire-valoir. Il était hors de question de laisser Le Pen diriger le pays.
Mais point n’en faut de noyer le poisson, l’état de grâce va être de courte durée. Le premier enseignement, c’est qu’il va diriger un pays fragmenté qu’il doit, à tout prix, tenter de rassembler. Il faut reconnaître qu’il a pris en compte l’énorme tâche de Sisyphe qui l’attend puisqu’il a « conscience que ce vote m’oblique pour les années à venir. »
Il n’a que quelques semaines pour convaincre tout un peuple que les cinq années à venir ne seront pas celle d’un dirigeant hors sol comme il l’a si bien personnifié durant le quinquennat qui vient de se terminer. Il y a tellement de choses à faire pour corriger les inégalités qu’il a lui-même creusées lors de son premier mandat.
Kamel Bencheikh, écrivain