À quelques jours de la déclaration d’indépendance de la Kabylie, les réseaux sociaux s’emballent et sont inondés de commentaires incendiaires, souvent frisant l’insulte, entre les partisans du « pour » et ceux du « contre ». Jamais autant d’invectives remplies de hargne n’a atteint tel niveau de haine. Tout le monde semble pressé d’en découdre, quitte à affronter l’autre sur des terrains de combat de guerre.
C’est un véritable vent de folie qui souffle sur nos compatriotes, tant il est vrai que les enjeux sont immenses.
Quels arguments sont utilisés par les uns et les autres pour tenter de convaincre et d’imposer leur vision des choses pour rallier à leur cause ?
Pour les indépendantistes, depuis la nuit des temps, la Kabylie a toujours été occupée par des envahisseurs venus du bout du monde, sauf les derniers en date qui étaient aux aguets à nos frontières en attendant que l’armée française fasse ses valises. Cette armée des frontières avait envahi le pays de façon aussi, voire plus féroce que ceux qui étaient venus de contrées lointaines. Cela est une vérité que personne ne peut nier ou renier. La suite est connue de tous.
Toujours pour les indépendantistes, il est plus que temps d’arracher la liberté telle que rêvée par les anciens et prendre enfin notre place dans le train d’un monde civilisé qui avance à toute vitesse.
Bien évidemment, pour les autonomistes, il ne s’agit pas de s’affranchir de nos frères arabophones mais de la tutelle dictatoriale de l’armée et de ses zélés serviteurs.
Pour ceux qu’on appelle les « Algérianistes », la formule consacrée est : « Pas d’Algérie sans la Kabylie, et pas de Kabylie sans l’Algérie ». À cet égard, les « khawa-khawa », scandés à tue-tête aux quatre coins du pays, étaient porteur de mille et un espoirs.
Oui, comme l’écrasante majorité, nous avons été séduits par cet élan de solidarité et ces grandes marches desquelles fusaient des slogans magnifiques tels que « Tizi-Ouzou, bravo aâlikoum, El-Djazaïr, teftakher bikoum ! », « Casbah, Bab-el-oued, Imazighen ». Même mon beau père, paix à son âme, en était joyeux et n’hésitait pas à le montrer du haut de ses 88 ans, lui qui avait quitté sa Kabylie natale à l’âge de douze ans pour aller tenter l’aventure dans la capitale. Il se sentait enfin chez lui dans cet Alger jadis hostile à tout ce qui rimait avec Kabyle.
Pendant des semaines c’était la même fougue et le même émerveillement ! Des mois de marches hebdomadaires et aucun dépassement, de quel ordre que ce soit, n’avait été signalé. Le peuple algérien venait de démontrer au monde son pacifisme. Celui de la sagesse de nos ancêtres qui préféraient rester vivants en escaladant collines et montagnes que d’affronter des hordes sauvages venues d’ailleurs pour nous imposer par toutes sortes d’épées leur vision erronée du monde.
C’est pour cela, nous le souhaitons ardemment, que toutes ces marches annoncées soient conformes à l’esprit « Hirak » ! Si c’est le cas, nous pourrons nous targuer du qualificatif de peuple civilisé. Dans le cas contraire, la dictature sévira davantage, au grand bonheur des militaires. D’ailleurs, il ne serait pas étonnant que le pouvoir fasse infiltrer les manifs à venir par leurs fidèles baltaguias pour casser la dynamique pacifique et tirer les marrons du feu. Comme d’habitude.
Il ne serait pas étonnant, non plus, qu’on nous invente un nouveau Cap Sigli, comme du temps de Boumediene.
En attendant, c’est une peur jamais égalée qui s’abat sur la Kabylie, car nul ne peut l’ignorer, c’est là que se joue la suite de ce tournant décisif de notre histoire. Car qu’on le veuille ou non, le destin de l’Afrique du Nord, dont celui de la Kabylie, dépendra de la sagesse de ses enfants.
Il vous appartient, nous appartient à tous de démentir la citation : « Celui qui cherche la sagesse est un sage, celui qui croit l’avoir trouvée est un fou. » Où qu’elle se cache, cherchons-la !
Kacem Madani

