Lundi 24 juin 2019
Plainte contre Naïma Salhi, je plaide l’innocence pour ma cliente
Une plainte vient d’être enregistrée près le tribunal de Boumerdès contre la députée Naïma Salhi pour « incitation à la haine raciale et appels aux meurtres ».
Les pitreries de cette délurée sont connues et ne font plus rire personne mais nous sommes aujourd’hui face à un cas judiciaire. Je plaide pour la dame l’innocence par l’examen de trois angles d’approche de la responsabilité.
Du point de vue de la responsabilité pénale, j’invoque l’article 47 du code pénal algérien : « N’est pas punissable celui qui était en état de démence au moment de l’infraction, sans préjudice des dispositions de l’article 21, alinéa 2 ».
L’article 21 alinéa 2 est la possibilité de l’internement judiciaire dans un hôpital psychiatrique.
Dans tous les pays du monde un article de droit dispense de la responsabilité pénale lorsqu’il s’agit d’un acte exercé sou l’emprise de la démence. En France, c’est l’article 122-1 du code pénal qui dispose de la même manière.
Or, jamais une autorité médicale ou un magistrat n’ont, malgré les évidences clairement diagnostiquées par des millions d’Algériens, évoqué cette possibilité permise par le code pénal.
C’est décidément une habitude dans ce pays de ne jamais actionner un article de droit qui déclare une infirmité ou un grave dysfonctionnement mental lorsqu’il s’agit d’une personne investie d’une autorité. Chacun se souvient du fauteuil roulant et de l’état grabataire de son occupant qu’aucun membre du Conseil constitutionnel ni aucun médecin n’avait perçu la réalité de la situation.
Je plaide donc l’irresponsabilité de ma cliente au regard du droit pénal algérien.
Puis j’évoquerai une autre responsabilité qui exonère ma cliente de toute poursuite car c’est la puissance publique qui est coupable d’une responsabilité à son égard.
Je suis enseignant depuis trente-huit ans et je peux assurer que lorsqu’une personne qui se retrouve dans cet état animal, avec de graves déficiences cognitives et psychiques, c’est que l’État n’a pas assuré son rôle, à tous les niveaux pour l’empêcher d’exercer une fonction quelconque que son état interdit.
Une telle dégradation, presque jusqu’au niveau zéro de l’éducation humaine, n’est pas possible dans un établissement scolaire car avec les pires cas, les enseignants sont toujours arrivés à des résultats meilleurs. Il y a quelque chose de grave qui s’est passé dans l’institution scolaire algérienne, fautive et coupable.
Et combien même l’institution scolaire ne peut assumer les plus gros défis, elle se doit de mettre en action des initiatives de remplacement. Où était le médecin scolaire ? Où étaient les services d’orientation, professionnels et psychiatriques ? Où était cette prise en charge lorsque l’humain tombe dans les abysses de la culture et de la civilisation ?
Dans ce second cas, comme dans le premier, je plaide l’innocence d’une victime qui n’a jamais rencontré un système qui la prenne en charge pour arriver à la faire revenir dans les frontières de l’humain.
Au contraire, la dégradation du cerveau n’était pas assez suffisante pour que des irresponsables lui bourrent le crâne avec une religion mal interprétée, mal digérée. On peut imaginer ce que cela peut produire dans l’état psychiatrique de Naȉma Salhi.
Enfin, je plaiderai l’irresponsabilité politique car la députée a bel et bien été élue par des dizaines de milliers de citoyens qui ne relèvent pas tous, tout de même, de l’article 21 du code pénal.
Ce sont des personnes adultes, bien pensantes, qui ont mis un bulletin dans l’urne au bénéfice d’une personne dont l’état psychiatrique dangereux était aussi évident pendant toute sa vie et, surtout, lors de sa campagne électorale.
Je veux bien que cette pauvre dame assume ses responsabilités mais il faudrait que l’électorat algérien, par millions car le cas n’est pas isolé, assume les siennes.
Pour ces trois raisons, ma cliente est non coupable, soit par son irresponsabilité pénale soit par l’action coupable de tierces personnes.
Et, pour finir, j’appelle à la barre le dictionnaire Larousse qui donne comme l’une des définitions de l’innocence «Qui est un peu simple d’esprit, comme l’innocent du village».
Messieurs les magistrats, on ne poursuit pas un innocent, simple d’esprit, on l’incarcère dans un centre psychiatrique, pour sa sécurité et celle des autres.