Présenté par le gouvernement comme « le budget le plus ambitieux de l’histoire du pays », le Projet de loi de finances (PLF) 2026 essuie une critique sévère de la part du Front des Forces Socialistes (FFS).
Dans une déclaration détaillée, le plus ancien parti d’opposition dénonce un texte «déficitaire, peu sincère » et révélateur de « choix économiques et sociaux défaillants », loin des objectifs de diversification affichés par l’exécutif.
Un déficit global du Trésor estimé à 12,5 % du PIB
Au cœur des critiques, l’ampleur du déficit global du Trésor, estimé à plus de 5 000 milliards de dinars, soit 12,5 % du PIB.
Pour le FFS, ce déséquilibre n’est ni conjoncturel ni maîtrisé : il s’inscrit dans une trajectoire structurelle d’endettement et de fragilisation des finances publiques. Le parti pointe notamment une faiblesse chronique dans la consommation des crédits d’investissement, une dette publique en hausse continue et des « dépenses imprévues » atteignant, une fois encore, près de 12 % du budget total.
Le cadrage macroéconomique est également contesté. Alors que le FMI et la Banque mondiale anticipent en 2026 un baril oscillant entre 61 et 64 dollars, le PLF retient un prix de référence fiscal à 60 dollars mais table sur un prix de marché de 70 dollars. Une hypothèse jugée « optimiste et non justifiée », qui exposerait l’Algérie à de sévères ajustements en cas de repli des cours pétroliers.
Une dépendance aggravée à la rente
Loin d’annoncer une sortie du modèle rentier, le PLF 2026 « consacre la centralité des hydrocarbures » dans le fonctionnement de l’État, selon le FFS. La fiscalité pétrolière y représente près d’un tiers des recettes, alors même que les volumes d’exportation sont appelés à reculer sur la période 2026-2028.
Pour le parti, les autres sources de financement restent incertaines, mal documentées ou fondées sur des mécanismes fragiles : prélèvements sur les entreprises publiques, sukuk souverains, contributions exceptionnelles. Le cœur des recettes demeure constitué par l’impôt sur les hydrocarbures, les salaires et la consommation – une « politique à courte vue », estime le FFS, qui met en garde contre ses conséquences pour la souveraineté économique du pays.
Si le gouvernement met en avant une hausse de 27,5 % des dépenses d’investissement par rapport à 2025, ces dernières ne représentent que 23 % de l’ensemble du budget, un niveau inférieur à celui des transferts sociaux et de la masse salariale. Pour le FFS, cette proportion illustre l’absence d’une stratégie industrielle et productive solide.
Surtout, le parti rappelle une réalité bien établie : une part importante de ces crédits risque de ne jamais être consommée. D’année en année, les projets restent bloqués, les chantiers s’enlisent et les enveloppes sont réévaluées. Le PLF continuerait donc de produire des « effets d’annonce » sans impact réel sur la production nationale, la diversification ou la création d’emplois.
Une gestion de la dette qualifiée d’«opaque» et «incohérent »
Autre point d’inquiétude : l’évolution du déficit et de l’endettement. Les prévisions pour 2026, 2027 et 2028 confirment des déséquilibres persistants dépassant les 5 000 milliards de dinars par an. Plus étonnant encore, la charge de la dette intérieure resterait identique sur les trois exercices, alors même que l’endettement est appelé à croître.
Le FFS y voit une incohérence manifeste et redoute un retour au financement monétaire des déficits, rappelant le précédent de la « planche à billets » de 2017. Une inquiétude renforcée par certaines dispositions du PLF : élargissement de la notion de ressources budgétaires ouvrant droit aux avances de la Banque d’Algérie, doublement du plafond de ces avances et prolongation de leur durée de remboursement. Autant de mesures assimilées à une « légalisation du financement non conventionnel ».
Les « dépenses imprévues », qui dépassent encore 2 000 milliards de dinars, constituent un autre signal d’alerte. Pour le FFS, leur proportion – environ 12 % du budget – trahit l’absence de planification solide et laisse une « marge discrétionnaire excessive » à l’exécutif, au détriment du contrôle parlementaire et public.
Face à ce qu’il considère comme un modèle à bout de souffle, le parti appelle à une réforme fiscale profonde, plus progressive et équitable, visant à stabiliser les finances publiques et à garantir une meilleure utilisation des investissements.
Il réclame notamment : la limitation stricte du recours aux avances de la Banque d’Algérie, l’intégration du secteur informel dans l’assiette fiscale et une réorientation stratégique des dépenses issues des hydrocarbures vers des projets productifs dans l’industrie, l’agriculture, la transition écologique et l’économie de la connaissance.
Pour le FFS, seule une économie capable de générer de la richesse hors hydrocarbures pourra réduire durablement le déficit, garantir l’emploi et renforcer la souveraineté économique du pays.
Dans sa conclusion, le FFS inscrit sa critique du PLF dans une réflexion plus large sur le fonctionnement institutionnel. Il estime que l’élaboration quasi exclusive de la loi de finances par l’exécutif, dans un cadre organique dépassé, limite le débat démocratique et empêche l’émergence d’alternatives viables.
Le parti appelle donc les citoyens à se mobiliser pour élire une Assemblée « plus représentative et responsable », capable de jouer pleinement son rôle dans la définition, l’amendement et le contrôle de la politique budgétaire.
Samia Naït Iqbal

