29 mars 2024
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Plongée au cœur du champ artistique algérien (1)

 

Raccourci pour raison éditoriale, le titre complet est : Plongée au cœur d’un champ artistique algérien réceptif à l’authenticité ritualiste du martyr-héros et des imageries archétypales du patrimoine culturel

İncubateur de la réinitialisation mnésique et iconique des figures de proue de la Guerre de Libération nationale, le Hirak algérien (mouvement populaire né le 16 février 2019) ne déclenchera pas d’élan subversif du côté des amateurs de picturo-graffitis, ne contribuera pas davantage (à contrario des street artistes égyptiens impliqués, de janvier 2011 à août 2013, dans le soulèvement anti-Moubarak puis les manifestations anti-répressions) à la germination d’un art urbain interpellant, à l’accélération disruptive de la création visuelle quant à elle désormais largement acclimatée aux mantras du retour aux sources, infiltrée de surcroît des clichés pittoresques aux connotations fréquemment essentialistes, particulièrement depuis la vulgarisation de la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ».

Adoptée par le parlement le 15 août 2005 et votée le 20 septembre 2005, elle enterrait les heurts et tueries de la confrontation civile débutée en janvier 1992, garantissait (suite à la loi de Grâce amnistiante du 08 juillet 1999 mise en vigueur le 16 septembre 1999) la réintégration sociale des islamistes aux « mains propres » et renonçant à la violence, augurait (article 46 de l’ordonnance du 02 mars 2006) parallèlement une lourde sanction (trois à cinq ans de détention) à quiconque oserait « par ses déclarations, écrits ou tout autre acte utilise(r) ou instrumentalise(r) les blessures de la tragédie (…), porter atteinte aux institution (…), fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents (…) ou ternir l’image de l’Algérie sur la plan international ». Judiciairement scellée, la chape de plomb laissait peu de marges de manœuvres à des journalistes contraints de relater les faits d’armes ou répliques de militaires maîtrisant le résidu des poches terroristes. Seuls de rares artistes se risqueront à une incursion au sein de la zone interdite mais sans toutefois configurer des scènes dépréciatives susceptibles de réveiller du syndrome chez le regardeur. À la manière de la célèbre Madone de Bentalha (photographie prise le 23 septembre 1997 par Hocine Zaourar), ils n’accentueront pas les concrétudes de la douleur mais en susciteront le ressenti en utilisant le mode du détournement, du questionnement ou de l’installation mortuaire, comme le fera judicieusement le Mostaganémois Adlane Djeffal optant en faveur de l’aménagement en triangle de panneaux arrondis aux extrémités et peints de diverses couleurs afin de rappeler les tombes sans patronymes ou épitaphes de milliers d’inconnus disparus.

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Nonobstant, de peur de froisser des autorités réactives vis-à-vis des éclaircissements réclamés (plusieurs centaines de familles endeuillées en quête de corps), les adeptes de la performance délaisseront le terrain miné du recueillement mémoriel, prendront les chemins détournés de l’embellissement mural ou citadin, précisément lorsque, en accointances aux zooms magnétoscopes d’un Hirak pendant les déambulations hebdomadaires duquel des effigies de héros étaient brandies, des séquences cathodiques ressassaient en boucle l’insurrection de Novembre 1954 et les ferveurs émancipatrices de la pré ou postindépendance. Exploitant le filon porteur de recapitalisations emblématiques, le régime de la Famille ou de la Légitimité révolutionnaires récupérera les dividendes de son OPA ou hold- up symbolique et lui recollera les adjuvants millénaristes de la croyance religieuse.

De là, le raccourci « Badissia-Novembaria ou Novembria » vulgarisé en pleine mobilisation citoyenne dans le souci d’asserter d’une part que « l’islam et le nationalisme sont les deux faces d’une même pièce » et de prêter d’autre part au cercle des Oulémas fondé en 1931 par Ben Badis l’intention liminaire de l’historique réaction déclenchée à la Toussaint 1954.

En apparence anodine, cette insidieuse jonction identificatoire, descendue tout droit d’une loge militaro-policière, renflouera le conservatisme modulant déjà très fortement le cursus de l’éducation nationale, les comportements sociaux et vestimentaires d’un être-là sensiblement disposé à circonscrire l’identité hagiographique du musulman à travers le reflet aguicheur d’images d’Épinal. Dégageant les parfums ou senteurs de la nostalgie séculaire, elles répercutent les penchants proprioceptifs d’élites administratives et commis de l’État plutôt sujets à collectionner ou apprécier de l’art pictural post-orientaliste. Cette propension exotique se vérifiait encore quand le Palais de la culture Moufdi-Zakaria accordait, du 11 au 21 décembre 2022, une rétrospective au peintre Belge Édouard Verschaffelt parce que celui-ci posait au début du XXème siècle « un regard authentique (…) sur la société algérienne (…), témoignait des traditions et du patrimoine de Boussaâda, restituait les liens de cœur (avec) la terre d’Algérie » (1).

Alternative institutionnelle vouée à corriger ou bousculer ce réflecteur passéiste et déformant de l’ « algérité » ou « algérianité », à formuler le ici et maintenant de la contemporanéité esthétique, le Musée d’art moderne d’Alger (MAMA) n’assumera qu’épisodiquement et fébrilement son rôle d’interface iconographique. İl s’agit maintenant de savoir et comprendre pourquoi ? La question requiert de saisir, en dehors des évidentes erreurs techniques, conservatoires et environnementales, les reniements intellectuels et blocages politico-religieux amenant à ne pas lui allouer, à long terme, un cap conceptuel, une ligne programmatique claire en mesure d’engranger, durablement, de la lisibilité historiographique.

En premier lieu, précisons que l’ouverture, à la fin de l’année 2007, du MAMA (fermé fin 2019) ne résultait aucunement d’une étude prospective actant la nécessité d’offrir à l’avant-garde des expressions du sensible, ou aux futurs émergents diplômés de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA), le dispositif culturel les connectant résolument aux circuits actifs de la contemporanéité artistique internationale. La conversion conjoncturelle des anciennes Galeries algériennes répondait en effet prioritairement au cahier des charges de la manifestation Alger capitale de la culture arabe, à une mise à jour infrastructurelle sans relation directe avec l’élargissement aperceptif et cognitif du champ créateur. Révélé d’emblée comme une vitrine diplomatique, le bâtiment du 25 rue Larbi Ben M’Hidi demeurera sous la dépendance des ministères de la Culture, des Moudjahidine et des Affaires religieuses, une triple tutelle statutaire idéologiquement trop pesante pour lui permettre de devenir le lieu pivot des débats contradictoires, à fortiori celui d’une bascule paradigmatique à même de décrocher le débat artistique des référents patrimonialo- identitaires que ne manquera sans doute pas de promouvoir l’architecte du département culturel de la wilaya d’Alger Kamel Righi.

Autrefois rattaché aux « Réflexions autour du rôle de la maîtrise d’ouvrage dans l’élaboration d’un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé (PPSMVSS) », l’opérateur gère dorénavant le MAMA, sans doute parce qu’il possède le profil idéal à l’application d’un schéma mental tourné vers l’encensement du patrimoine. Consubstantiel à l’affirmation ou à la défense de l’identité nationale, ce plaidoyer inhérent à l’enrichissement et la préservation des sites antédiluviens s’applique à l’accord paraphé entre l’Université d’Aix Marseille et le Centre national de recherche en archéologie (2) que supervisait, le lundi 19 septembre 2022, Soraya Mouloudji.

Bénéficiant du fonds de solidarité pour les projets innovants, la courte entreprise de coopération scientifique (3) inclut la formation de spécialistes algériens dans les domaines appropriés ainsi que le transfert d’expertises affinées en conformité aux fouilles et à l’élaboration de cartes ou bases de données.

Soutenue par une Union européenne (UE) disposée à financer le logiciel « Patrimoine du Maghreb à l’ère du numérique », l’exploitation tous azimuts de la vaste trame « patrimoine national » conditionne la thématique de la plupart des monstrations arborées par les espaces étatiques de la capitale algérienne.

Le Palais de la culture Moufdi-Zakaria d’Alger abritait ainsi dès le jeudi 08 septembre (et jusqu’au 08 octobre 2022) l’exposition de Samir Djama Ombres et lumières, la passion du patrimoine. Le photographe y exhibait une série de clichés sur toile dévoilant la diversité de l’héritage culturel immémorial, soit des poteries anciennes, des enfants habillés de tenues traditionnelles ou régionales, sans oublier bien sûr les immanquables ruelles de la Casbah et autres chevaux cabrés de quelques fantasias. Tout en voulant démontrer le « savoir-faire de nos aïeux » ou « mettre en lumière le génie de nos ancêtres dans l’utilité, la forme, la maîtrise de la matière et la beauté du produit fini» (4), le sélectionné rendait parallèlement hommage au reporter de guerre Mohamed Kouaci, à un ex-militant de la cause algérienne. La convocation simultanée, au sein d’une même temporalité spatiale, du principal iconographe du roman révolutionnaire et des artefacts ancestraux mettait en concordance mémorielle images héroïques de la lutte anticoloniale et atavismes culturels.

Constitutive à la structuration mentale de la personnalité algérienne, cette nouvelle symbiose baptismale, qui complète le registre ou arsenal des « constantes nationales » (« thawabit el wataniya » ou « ettawabite el watania ») garantes de l’unité religieuse, et de la sacro-sainte authenticité (tajaddud wal açala), raffermit l’idée prégnante de la Touche algérienne que le peintre Mebrek Djamel Eddine scénarisait jusqu’au 15 septembre 2022.

Également focalisée sur le patrimoine culturel national, sa patte locale, voire localiste, illuminait à Oran le portrait du combattant Émir Abdelkader et se concentrait par ailleurs sur les visages de cavaliers bédouins, des paysages sahariens et scènes citadines puisées des abysses des âges ab-humains. Né à Alger, l’autodidacte dira « conscientiser la valeur du patrimoine aux générations à venir, participer aux événements qui célèbrent l’Algérie, son histoire et sa culture» (5). İl choisira pour cela vingt-trois œuvres (réalisées sur toile ou papier à l’aide de gouache, d’acrylique ou de peinture à l’huile) au Centre commercial « Sénia center », surface de substitution palliant au manque de galeries professionnelles. Celle dénommée « Hang’art » (située au Garden city de Chéraga) accueillait quant à elle jusqu’au 30 septembre Kefil Belkacem, second autodidacte s’inspirant de ses errements viatiques, de la quiétude bucolique des campagnes et montagnes, des panoramas paysagés et marins, un panoptique incluant les incontournables symboles culturels algériens dans le souci de « promouvoir l’image de l’Algérie à l’international » (6).

La valorisation touristique du pays par l’art et la préservation des héritages immémoriaux faisait partie intégrante de la feuille de route dictée aux sept prédécesseurs (7) de l’actuelle ministre de la Culture et des Arts (Soraya Mouloudji, nommée le 16 février 2022), laquelle encouragera la poussée patriotique galvanisant la quatorzième édition du Festival international de la bande dessinée d’Alger (FİBDA).

Organisée du 04 au 08 octobre 2022 au niveau de l’esplanade du Riadh-El-Feth, elle s’emparait de l’allégorique slogan « Dessinons notre patrimoine » de façon à soutenir, à l’occasion du 60eme anniversaire de l’İndépendance et de la Fête de la Jeunesse, un art adopté comme accompagnateur du combat anticolonialiste, digne héritier de « la politique d’affirmation de notre identité singulière » (8) et instrument de lutte pour la consolidation du soi algérien.

La bande dessinée érigerait de la sorte le patrimoine « en héros national » mentionnait de manière emphatique le commissaire principal Salim Brahimi. Ce missionné de l’heure maintiendra également que la fierté présente est de « raconter notre patrimoine matériel ou immatériel » parce qu’il délimite ce qui « distincte et caractérise notre pays des autres nations » (9), en l’occurrence du Japon, l’invité d’honneur d’une manifestation annuelle qu’encadraient les compères Omar Meziani et Jaoudet Gassouma. İnsistant sur les aspects éducatifs et académiques, ils assisteront des étudiants de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA) où les prescripteurs assurent une « formation de qualité adaptée à l’évolution des arts dans le monde et en adéquation avec les impératifs du travail contemporain» (10). Faisant office de satisfecit, l’assertion d’Abderrahmane Aïdoud épousait le prévisionnel d’une ministre de la Culture et des Arts persuadée que la filière des arts , « prodiguée dès cette année scolaire 2022-23 dans le cycle de l’enseignement secondaire général et technologique » (11) vise à éduquer « une génération d’artistes algériens imprégnés des composantes de l’identité nationale et répondant aux critères internationaux de l’art universel» (12). Aussi, prévenait-elle que le président de la République observait assidument les modalités d’une mutation didactique d’ensemble en affinité à laquelle les élèves, munis de leur baccalauréat artistique, intégreraient les établissements sous sa gouverne. Leurs chefs avaient de surcroît à « déceler les manquements et points forts au niveau de chaque institution », à concevoir, à partir de la rentrée universitaire, un « Comité directeur d’évaluation, de pilotage et de suivi périodique ».

Répondant au mot d’ordre « Bilan et perspectives », la réunion du lundi 05 septembre 2022 autorisait les responsables conviés, ou concernés, à sonder et cerner les déficiences ou points forts, à divulguer au Palais Moufdi-Zakaria leurs préoccupations et suggestions, à émettre une auto-évaluation apparue au final lacunaire et non objective en ce qui concerne l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA). Sollicité par l’auteur interlope d’un papier estampillé APS (13), Abderrahmane Aïdoud en cachait les faiblesses et lacunes. préférait surenchérir sur la teneur factuelle du baccalauréat artistique, aller dans le sens de déclaration générale ventant une charnière d’excellence ayant « grandement participé, en soixante ans d’existence, à la promotion des arts plastiques algériens et à la préservation d’un cumul de pratiques artistiques millénaires, mis au service d’une créativité foisonnante » (14) et ressassera à ce titre un résultat global « positif et riche, une grande amélioration portée par de jeunes artistes qui travaillent selon les standards mondiaux tout en préservant et en exploitant des éléments patrimoniaux et identitaires » (15).

Comblant l’absence du factotum Djamel Larouk, décédé le samedi 02 juillet 2022 et toujours pas remplacé (16), l’opportuniste rapporteur se substituait également aux sociologues de la culture en mesure d’approfondir, arguments à l’appui, une analyse objective à émettre à l’actif d’une situation préoccupante que s’empressera d’embellir Hachemi Ameur.

Partageant le même optimisme, le directeur de la culture et des arts de la wilaya de Sétif considérera son parcours comme le « fruit d’une politique positive » menée grâce à des pouvoirs publics pourvoyeurs « d’une formation de qualité au niveau de l’École des beaux- arts et de ses annexes», ainsi que d’une prolifique charge créative qui « met en avant les éléments de notre patrimoine culturel et de notre identité » (17). À la description enjouée de l’ex-directeur de l’École des Beaux-Arts de Mostaganem, s’ajoutera celle de Karim Sergoua, affirmant de son côté que les arts visuels en Algérie ont connu un « bond qualitatif fulgurant en 60 ans d’indépendance » (18), que durant cette période « L’Algérie a vu l’émergence d’une élite artistique sur plusieurs générations qui se sont inspirés de l’héritage des fondateurs tout en s’inscrivant dans les différents courants plastiques modernes et contemporains. » (19).

Apostrophé lui aussi pour appuyer la singularisation d’une plastique vernaculaire en phase directe avec l’art mondial, Ali El Hadj Tahar intercédera en premier au sein de l’article « Arts plastiques en Algérie : Une pratique multimillénaire » (20). Le fidèle encarté des multiples ministères de la Culture y situait la production locale au stade de « l’une des plus vivantes d’Afrique et du monde arabe », affiliait de facto sa genèse à l’art rupestre du Tassili N’Ajjer, à la découverte des parois illustrées ou gravées, à l’apport des arts islamiques et berbères, à l’artisanat populaire et aux tatouages. Signé pareillement APS (Agence presse service), le papier panégyrique brossait en introduction le tableau reluisant et gratifiant d’une

« dynamique de création des plus prolifiques (qui), marquée par l’émergence de mouvements artistiques novateurs accrochant la création mondiale et cherchant la touche typiquement algérienne, aura connu en soixante ans d’innombrables talents capables d’introduire des éléments de l’identité et de la culture algériennes dans l’art universel. ».

Revenant sur le groupe Aouchem (tatouage), fondé en 1967 et dont les membres se sont orientés vers des créations « enracinées dans la culture et les éléments visuels algériens», Karim Sergoua énonçait, toujours au sein de ce second article de commande, leur apport foisonnement à « la recherche d’une esthétique locale et un retour au legs algérien qui permis (…) l’émergence d’une particularité algérienne dans les arts plastiques » (21) signalera Abderrahmane Aïdoud. À l’instar de ce collectif, « l’éveilleur » du groupe « Présence » estimait que le noyau de formateurs boursiers revenus enseigner à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA) aura identiquement contribué à l’éclosion des générations d’artistes en capacité de « sortir rapidement de la vision orientaliste et coloniale (…), de briller au niveau international avec une touche typique» (22).

Or, en vérité beaucoup d’anciens et actuels élèves continuent à magnifier (à travers des femmes en haïk, des hommes affublés d’un burnous, de vieilles casbahs aux ruelles serpentées ou ombragées, etc…) le patrimoine national, comme le feront tout autant au centre culturel Mustapha-Kateb les dénommés Lotfi Mokrani, Mouna Hocine, Anissa Mesdour, Hayet Hidher, Abdessalem Cherfaoui, Fatiha Hamidi, Merouan et Omar Bouchouchi.

Sous l’égide de l’Établissement arts et culture de la wilaya d’Alger, l’endroit fixait du 10 au 28 septembre 2022 La vision du futur de 07 impétrants venus inonder les cimaises de vestiges architecturaux et vestimentaires. Abderrahmane Ferrah, le chef du service développement des compétences artistiques et des expositions, leur ajoutera des tapisseries, poteries et dinanteries, un fatras artisanal (23) censé trouver sa place au pourtour ou alentour de toiles dites contemporaines parce que « L’exposition se veut une passerelle entre l’art et le patrimoine, sa préservation mais également sa transmission » (24). Perclus d’affects marquant les liens amoureux entre une mère et son enfant, les tableaux à l’huile de l’éducatrice Hayat Hidher n’échappaient pas aux pastiches de la Casbah d’Alger ou visages burinés de paysans kabyles. Tentée pendant un temps par la calligraphie, la chimiste Mouna Hocine s’était résolue à couvrir la surface picturale d’objets et de signes-symboles appartenant au patrimoine berbère. La monstration collective Expressions plurielles agencée du 17 au 30 septembre 2022 à la galerie de la Maison de la culture et des arts Zeddour-Brahim Belkacem d’Oran, recevait, côté Ouest de l’Algérie, les trois autodidactes Saïdate Nadjah, (peintures sur verre, céramiques et miroirs) Bekkouche Asmaa (huile sur toiles) et Mekhfi Rym (peintures abstraites) associés aux deux diplômés de l’École régionale des beaux-arts d’Oran (ERBO), Yamina Meftah (en 2006) et Bahi Ahmed (en 2022). Les tableaux Scènes marines et Rayons de lumières ou calligraphies de la première côtoyaient alors les miniatures du second, lequel mobilisait le patrimoine et l’histoire afin de nuancer l’architecture de mosquées et de casbahs ou les coutures de costumes traditionnels.

Ressusciter le patrimoine d’antan détruit demeurait le souci majeur d’Abdelkrim Hamri et Smail Chanaâ, deux autodidactes invités (du 03 au 17 septembre 2022) à épancher, au niveau du hall de l’Office du tourisme de Cherchell, une soixantaine d’œuvres ciblant le vieux port de la ville, l’histoire des monuments (la Porte d’Alger et la gare ferroviaire) ou des habits coutumiers. Les aperçus ici retenus démontrent que la scène artistique algérienne est amplement saupoudrée de chromos prêchant le « Renouveau dans ou par l’authenticité patrimoniale ». Non préparés à articuler la pensée interactive des sciences humaines et sociales, à traduire visuellement un cheminement   mental exigeant, les étudiants se soucient du rendu réaliste ou décoratif du visible, se complaisent dans l’autosatisfaction du travail « bien fait ».

Tout en signalant la régression des « Beaux-Arts », la disparition progressive de « la sculpture, peinture et du dessin », l’Algérois Karim Sergoua s’arrêtera, au sein de l’entretien concédé au El Moudjahid du 24 octobre 2021, sur les attraits polysémiques et polymorphes du design parce cette discipline, en vogue depuis la première Biennale algéro-française (25), garantit « la fabrication d’emballages alimentaires, de produits cosmétiques ou encore d’une signalétique utile aux aménagements urbains » (26). Sautant dans le train en marche de designers à dorénavant considérer comme les « maillons forts de la réflexion esthétique et fonctionnelle inhérente à l’urbanité des villes, (…), à la mise en valeur du patrimoine et de produits made in Algeria » (27), c’est en famille que le désormais chargé des expositions et des projets à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA) concevra l’atelier « Soupçon d’art « . Rassemblées sous l’intitulé « Lem’kerfes », ses pièces animeront en 2021 « İntramuros » de « Dzign2020+1 » (28) et jusqu’au 22 décembre 2022 la galerie Ezzou’Art.

Baptisé cette fois AfrikAlgérie, ou l’Algérie dans l’Afrique, l’étalage d’objets d’intérieurs conçus en céramique explorait l’éventail iconographique du vaste « continent noir », plus spécifiquement celle des pays du Sahel de manière à s’inspirer d’architectures de terre ou de lieux séculaires, à tisser des interlocutions entre diverses symboliques populaires par ailleurs perceptibles à travers des instruments à percussion, voire des bougeoirs ou horloges murales. Souhaitant soutenir l’essor d’un domaine en vogue en Algérie, se mettre au service « d’un leitmotiv économique (qui), s’impos(ant) progressivement à l’ère du numérique, génère de l’autosuffisance nationale » (29), la fratrie Sergoua (composée également de Samia et Rachida Merzouk) ralliera les 58 membres fondateurs signataires du Manifeste « Alliance des designers algériens praticiens » (ADAP), s’inscrira au sein d’un élan global concourant à l’apparition sur les hauteurs d’Alger, précisément au sise 139 boulevard Krim-Belkacem (Télemly), de la galerie « İfru design ». À ce stade, la production artisanale ou semi-industrielle, reliée à l’environnement public ou à l’intime, côtoie usuellement les médiums de nouveaux prétendants à la notoriété positionnés en faveur de l’esprit « Art-déco ».

Celui-ci imprimait allègrement maintes expositions individuelles ou collectives portant les regards sur le patrimoine et l’histoire algérienne, la Casbah d’Alger, les mosquées et costumes de quelques douars, des sujets illustrant parfois le slogan « L’Art est culture et créativité ». Les œuvres idolâtrant les architectures et cultures ancestrales du pays, la véracité de ses us et coutumes, les attraits touristiques de sa nature pittoresque inondaient pareillement les cimaises du Salon national féminin des arts plastiques ouvert le samedi 1er octobre 2022 à la bibliothèque principale de lecture publique de Chlef. Si, la manifestation (30) fut jumelée au soixantième anniversaire de l’İndépendance, les participantes ne mettront pas pour autant en exergue les héros de la Guerre de Libération nationale, leur lutte anticolonialiste et les souffrances du peuple algérien, des tautologies par contre largement traitées du 06 au 09 novembre à la Maison de la culture Zeddour Brahim Belkacem d’Oran.

Dynamisée par le slogan « Novembre avec de nouveaux yeux artistiques », la 8e édition du Festival culturel national des élèves des arts et des jeunes talents, incitait les étudiants à « valoriser l’esprit créatif » en misant aussi sur la richesse des sites et monuments historiques ou paysages idylliques.

On retrouvait ici la collusion « Renouveau dans l’authenticité patrimoniale et révolutionnaire » qui taraude les thématiques de la plupart des monstrations dictées sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts. Commissaire de l’événement officiel encensant du « Glorieux Novembre par de nouvelles visions artistiques », Hachemi Ameur préconisera vivement de favoriser « le lien entre les perspectives de la jeunesse actuelle et le passé glorieux de la Révolution algérienne, rendre hommage à nos martyrs et la symbolique de Novembre. » (31).

Toujours à l’Ouest du pays, 36 protagonistes issus de 21 wilayas se frottaient à la thématique de l’illustre bataille bienfaitrice à l’occasion du 17ème Salon national des arts plastiques entrepris à la Maison de la culture Aïssa-Messaoudi d’Aïn Témouchent. Devant l’établissement trônait alors une fresque collective qui, inaugurée pendant le vernissage, s’évertuait à démontrer l’axiome « soixante ans d’indépendance, soixante ans de créativité ».

Décliné depuis plusieurs mois au stade de divers relais médiatiques (journaux, télévisions, rendez-vous culturo-protocolaires etc…), ce leitmotiv joignant les vocables libération et innovation manquait tellement de spontanéité qu’il soumettait l’hypothèse de l’intervention directe et interlope des services de la propagande. İnstigateurs des mots d’ordre phares de la postindépendance « Un seul héros le peuple » et « Non au culte de la personnalité », ils accordent régulièrement depuis six décennies ceux sondant et testant la perception rhétorique ou l’enregistrement sémantique de la population. Virtuose de l’exercice, les agents du Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRİ) de Blida, une des cellules antisubversives de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE), manipulent les outils de la communication et guident les points de vue. Ces influenceurs de l’ombre agissent en étroite collaboration avec les « sous-marins » de la Direction générale du renseignement technique (DGRT) ou de la Caserne Antar de Ben Aknoun, base enregistreuse devenue le Centre principal des opérations (CPO) de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSİ). Chargé de la collecte des informations, ce tronc commun des investigations, interprétations ou révélations palpables verrouille les enquêtes d’habilitation via lesquelles s’évaluent le comportement des dociles commis de l’État ou se détectent les éléments malléables disposés, conformément à leurs ambitions professionnelles, à renforcer le maillage idéologique de la société.

Conditionné par ce dernier, l’artiste İdriss Kameli lui fera écho en affirmant à Oran que 17ème Salon national des arts plastiques « commémorant le 68e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Guerre de libération, exprime, par cet évènement, la valeur historique que les artistes veulent faire passer à tous les Algériens. » (32).

Venue de Bouira, l’artiste Leïla Bouzidi déclarait quant à elle que ce rendez-vous « met en avant la présence et les activités de la femme dans la guerre de libération ». Jusqu’au 20 novembre 2022, d’autres martyrs de la révolution (Youcef Lamoudi, Bachir Chihani et Achour Ziane) figuraient en bonne position à la galerie Mohamed Racim d’Alger, là où le peintre et bédéiste Ahmed-Yacine Moghnadji y adjoignait des portraits de personnalités historiques et d’artistes mais aussi les panoramas de la région de Dajlel ou de Khenchla, des villages kabyles nichés à flanc de montagne, la veille ville de Biskra et sa palmeraie et quelques fantasias du Sud ou caravanes de chameaux menés, en plein Sahara, par un Touareg.

L’amirauté et baie d’Alger, l’architecture mauresque de la capitale, les ruelles de la Casbah, la fontaine Aïn Mzeouka, la statue de l’Émir Abdelkader, le port de Sidi Fredj ou la mosquée Sidi Boumediène de Tlemcen ne manqueront pas d’achalander l’aspiration patrimoniale à laquelle succombaient tout autant les amateurs et professionnels convoqués au 14ème Salon national des arts plastiques Abdelkader Guermaz de Mascara. Lancé le mardi 01 Novembre au niveau du hall de la Maison de la culture « Abi Ras Ennaciri », il cadrait évidemment avec la célébration du 68ème anniversaire de l’insurrection armée, laquelle se juxtaposait parfois ailleurs à celle du soixantième anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale.

Ce fut notamment le cas jusqu’au 17 novembre à la Citadelle d’Alger « Dar Es’Soltane », carrefour de Novembre’Art, d’une série d’expositions à voir en tant que consolidations des traditions et d’un « Patrimoine culturel à magnifier comme garant incontestable de l’identité du peuple algérien » disqualifiant, de manière catégorique et résolue, toutes les « tentatives de falsification de l’histoire entreprises durant l’occupation française » (33).

Encore une fois, quête d’authenticité révolutionnaire et patrimoniale autorise une pléiade d’initiatives aguicheuses et démagogiques (34) alliant liesse de juillet 1962 et Révolution de novembre 1954, confondant métiers artisanaux et arts visuels, multipliant les tranches de vie d’antan ou des fontaines de la Casbah, revenant sur des savoir-faire (céramique, maroquinerie, vannerie, broderies, bijoux kabyles, dinanderie) et sollicitant auprès à de jeunes photographes ou artistes autodidactes (Walid Tighiouart, Saïd Talbi, Omar Bouzidi, Mouloud Tabti, Farès Hamana, Samir Djama, Amir Belaïd et Rachid Ayadi) des clichés sur la beauté des paysages, l’architecture ancienne, les portraits de femmes et hommes aux visages tatoués ou creusés.

Sur les cimes d’Alger, se conjuguaient ainsi, au sein du vaste cabinet de curiosité ou vase communiquant que fut l’ancienne poudrière ou palais du dey, des objets décoratifs appelés, dès le samedi 12, à préserver et sauvegarder de l’ancestralité.

İmmortalisant le patrimoine immémorial de sa région, le peintre et sculpteur Chérif Mennoubi, l’un des fondateurs du mouvement des artistes de Batna et de l’annexe des Beaux- arts d la ville, recommande une immersion dans la culture aurassienne pendant que de naissants quémandeurs de lauriers trempent leurs dévolus esthétiques dans le sempiternel retour aux sources ou se contentent d’esquisser la carte postale des coutumes patrimoniales ou des monuments historiques.

C’était justement l’une des addictions du quadragénaire Mohamed Yacine Hassini qui proposait jusqu’au 17 novembre 2022 d’apprécier à la villa Abd-el-Tif ses Paysages d’Algérie, rien de moins qu’un itinéraire pictural mené au cœur de la véracité coutumière afin d’happer « le sentiment du déjà-vu chez l’observateur, (de) l’emmener subtilement à voyager dans le temps (car) j’attache beaucoup d’importance à l’authenticité » (35), à celle du port de plaisance de Sidi Fredj, de la façade maritime d’Alger, de la Casbah, du mausolée de Sidi Abderrahmane Ettaâlibi, des mosquées Ketchaoua et Djamâa Jdid, de la basilique Notre- Dame d’Afrique et de cavaliers assis ou debout brandissant un fusil sur des chevaux.

Voilà donc une fantasia de plus à mettre à l’actif d’un autodidacte directeur d’une administration publique au caractère non industriel et commercial, statut (amélioré en 2013) dont dispose depuis 2008 l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC).

Dotée de la personnalité morale et d’une autonomie financière, elle facture des prestations promulguées dans le cadre des commémorations du déclenchement de la Guerre de Libération nationale, anime les mises en relief d’expressions artistiques vouées à la promotion du patrimoine culturel national. C’est encore à ce titre qu’elle convoquait, le dimanche 13 novembre 2022, Samia Kaderine, la commissaire du 12e festival international de la miniature et de l’enluminure prévu du 19 au 24 novembre au Centre d’études andalouses de Tlemcen (il s’emboîtait à la Journée mondiale des arts islamiques décrétée le 18 novembre de chaque année).

Sous le patronage de la ministre de la Culture et des Arts, neuf pays (36) honoraient un rendez-vous concentré sur quatre écoles notoires de miniature et d’enluminure (ottomane, perse, turque, et algérienne), rendez-vous au cours duquel une convention décidera que, trop absorbée d’apports externes (notamment mongols et andalous), l’érudition locale devait dorénavant bénéficier de correctifs faisant ressortir les aspects ou modèles typiquement algériens desdites spécialités (37).

La nécessité « (d’)assurer la continuité artistique intergénérationnelle » apparaissant, aux yeux du directeur de la culture de Tlemcen, Amine Boudefla, l’impératif majeur de l’heure, il fallait maintenant « initier les jeunes pour renouveler cet art, le rehausser ou (le) vulgariser (pour) connaître la racine historique de cette pratique hautement esthétique et historique, revenir aux sommets de l’avant-garde » (38). Rendant hommage à la contribution des frères Racim, de Mohamed Ranem ou de Bachir Yellès (39), la capitale des Zianides faisait redécouvrir des trésors méconnus ou oubliés, des « fiertés identitaires (à) intégrer (…) dans la conception de projets d’urbanisme.» (40).

Voulu croisement « incontournable des arts ancestraux de notre patrimoine culturel » (41), le Centre des études andalouses de Tlemcen mettait en exergue l’école algérienne « L’attachement à la mère patrie et aux composantes socioculturelles de notre identité » soit, au sein de trois grandes salles, les « portraits de l’Émir Abdelkader, Larbi Tebessi, Moufdi Zakaria ou encore des références historico-identitaires comme le Canon de Baba Merzoug, Ain Mzouak, le jardin du Dey, la citadelle de Béni Hammad, la Casbah d’Alger, la ville de Ghardaïa et le Gourara, les tenues traditionnelles et particularités architecturales du pays.» (42)

Munis du slogan « Des ponts en or », les initiateurs prétendaient pouvoir élargir le champ de motivations estudiantines, contribuer à l’émancipation des horizons créatifs alors que l’amélioration envisagée se résumait au constat du miniaturiste Ahmed Khalili concédant que « Nous avons modernisé notre approche en préservant notre identité » (43).

Souhaitant pour sa part questionner la mémoire et les symboles du patrimoine architectural de maintes villes et médina d’Algérie,  Hakim Tounsi livrera (du 12 au  29 novembre 2022) à la galerie d’art Aïda d’Alger ses Rêves et espérances dérobés. Avec ce diplômé (1992) de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA), Ksour de Ghardaïa et de Timimoune ou encore la Casbah d’Alger se métamorphosaient en ornementations graphiques subjuguant toujours l’affirmation à l’identité culturelle algérienne, préoccupation que Kamel Bellatreche et Maria Eltsova réitéraient du 26 novembre au 26 décembre 2022 à la galerie Asselah-Hocine. Les adhérents de la fondation Ahmed et Rabah Asselah y enjolivait la Rétrospective sur l’art du sublime, un hymne à la beauté de l’Algérie répandue à travers des œuvres actant de la splendeur des femmes, de la richesse des paysages et coutumes transmises de génération en génération. Non loin de là, les Algérois avaient le loisir de goûter, mais seulement jusqu’au 15 décembre, aux biotopes et scènes de vie sélectionnées par Mohamed Boucetta à la galerie Mohamed-Racim.

L’exposition Biladi du diplômé de l’École des Beaux-Arts d’Azazga y plantait 85 toiles, dont une vingtaine consacrées à la Kabylie, trimballait les rares visiteurs dans les dédales de la Casbah, du Tassili et de l’Ahaggar, au milieu de l’immensité du désert et de caravanes de chameaux, de palmeraies ou des venelles de Ghardaïa, le conviait à une halte afin de bivouaquer au grand air près d’un feu de camp. L’autodidacte Djamel Eddine Mebrek tentait lui aussi de faire miroiter La Magie du patrimoine algérien en « squattant » cette fois jusqu’au 18 décembre 2022 le centre commercial City center. Ses tableaux parodiaient toujours le café maure de la Casbah d’Alger, le Palais Dar Aziza et la mosquée Ketchaoua, les femmes en haïk ou leurs apparats traditionnels, les figures de Mustapha Benboulaid et de l’Émir Abdelkader, des cavaliers et touareg campant dans le désert, des fantasias ou démonstrations équestres.

Toute la panoplie du parfait exécutant épris de patriotisme culturel ornait identiquement le Centre des loisirs scientifiques Houha-Belaïd de Kenchela qui abritait, jusqu’au 14 décembre 2022, la quatrième édition du Salon international Lamasset des arts plastiques (44), ainsi que la Maison de la culture « Ould Abderrahmane Kaki » responsable quant à elle à Mostaganem d’une exposition encensant, du 25 au 28 décembre 2022, la miniature, la calligraphie arabe, les enluminures islamiques et amazigh, cela afin de mesurer ou vérifier leur impact sur l’architecture (45).

Dix jours plus tôt, le ministère de la Culture et des Arts chargeait des directeurs d’institutions supérieures et organismes de formation sous sa tutelle à repenser et revoir l’enseignement artistique de manière à orienter une nouvelle approche pédagogique capable d’aider à consolider la base et l’émergence d’une autre fine fleur. La réflexion poussera l’enseignante de l’École nationale supérieure des beaux-arts d’Alger (ENSBA), Amel Djenidi, à avantager des programmes accès sur la préservation du patrimoine artistique et culturel puisque, maintiendra-t-elle, « İl est impératif de faire la promotion des arts plastiques algériens (qui) aux travers de ses artistes, (…) exploitent les éléments patrimoniaux et identitaires (…). Le mouvement créatif algérien, un mouvement prolifique qui met en avant les éléments de notre patrimoine culturel et de notre identité, est à même d’être au cœur des cursus scolaires artistiques (…) » (46).

Pour homologuer l’assertion « d’une formation de qualité adaptée à l’évolution des arts dans le monde et en adéquation avec les impératifs du travail contemporain » (47), l’attention se portera « sur l’évolution de la création artistique picturale en Algérie durant 60 années d’indépendance » dira en substance le directeur de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC). D’après Abdelkader Bendaâmeche (Bendaamèche ou Bendamèche), le but était maintenant de « montrer les différents styles de création dans les arts plastiques algériens, en regroupant les multiples courants artistiques enseignés dans les écoles des beaux-arts algériennes et aussi la richesse culturelle dont jouit notre pays ».

Assis à la gauche de Meriem Ait El Hara et de Karim Sergoua, il ne semblait pas vouloir apparaître comme le personnage central de la conférence de presse tenue le 20 décembre 2022 au siège de ladite structure.

Demeurant quelque peu en retrait, il laissait le soin à sa cheffe du département art visuel et patrimoine d’annoncer le proche vernissage de 60 ans de création picturale algérienne, d’une exposition itinérante (48) prenant le pouls des variations artistiques produites pendant six décennies d’indépendance, c’est-à-dire des « différents styles de créations dans l’art plastique algérien, regroupant les multiples courants artistiques enseignés dans les Écoles des Beaux-Arts algériennes et aussi la richesse culturelle dont jouit notre pays ».

Déclarée trait d’union harmonieux entre l’ancienne et la nouvelle génération, la monstration ne compartimentera pas des espaces de conflictualités conceptuelles et iconographiques, des gammes adversatives faisant entendre l’entrechoquement performatif du discursif et du visuel, mais se complaira au contraire dans la zone de confort des symbolisations rassurantes et soustractives servant à souder chaque projet de 2022 au 60e anniversaire de l’İndépendance. Parfois étroitement affilié aux commémorations du déclenchement de la lutte anticolonialiste (1er Novembre 1954) ou temporalités narratives et victimaires d’une culture politique de combat, cet incontournable chronotope qu’est le 05 Juillet 1962 demeurait le point nodal de l’acceptation programmatique. Celle-ci donnait le feu vert à l’ébranlement d’une intelligibilité artistique perforée d’ « originarisme » ou d’ « originalisme » ambiant, c’est-à-dire de la doxa ontologique aimantant le goût esthétique de certains protagonistes de 60 ans de création picturale algérienne vers les profondeurs persuasives et opératoires de l’authenticité patrimoniale (à suivre).

Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art et de la culture

 Renvois

1. İn Le Courrier d’Algérie, 14 déc. 2022. L’Exposition se déroulait avec le soutien de l’ambassade du Royaume de Belgique établie à Alger.

2. Deux institutions que représentaient successivement la directrice Amel Soltani et l’ambassadeur de France François Gouyette.

3. Prenant fin le 23 octobre 2023, il élargit celui conclu le 10 janvier 2018 et s’inscrit dans la cadre de la « Déclaration d’Alger » qui, actée le samedi 27 août entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, tend à « consolider la coopération culturelle entre la France et l’Algérie ». Les chercheurs et doctorants du centre de l’Université d’Alger, du Musée national des antiquités ainsi que du Centre national de recherche en préhistoire, anthropologie et histoire demeurent les récipiendaires du

4. Samir Djama, in Horizons, 10 2022.

5. Mebrek Djamel Eddine, in L’Expression, 08 2022.

6. Kefil Belkacem, in El Moudjahid, 12 sept.

7. Khalida Toumi, Nadia Labidi, Azzedine Mihoubi, Meriem Merdaci, Hassene Rabehi, Malika Bendouda et Wafa

8. Salim Brahimi, commissaire du FİBDA, in Horizons, 19 2022.

9. İbidem.

10. Abderrahmane Aïdoud, « École supérieure des Beaux-Arts: 60 ans de formation artistique », in L’Expression, 06-10 sept. 2022.

11. Soraya Mouloudji, in Horizons, 05 sept.

12. Soraya Mouloudji, in Le Soir D’Algérie, 30 2022.

13. İmprimé d’abord le 06 septembre 2022 par le quotidien L’Expression avec le titre générique « École supérieure des Beaux-Arts: 60 ans de formation artistique », il ressortira le 07 dans Le Courrier d’Algérie et El Moudjahid (qui choisira l’intitulé « École supérieure des Beaux-Arts : L’atelier des talents ») puis dans Le Soir D’Algétie du 08 septembre. En le ressortant le 10 septembre, L’Expression laissait penser à une parution propagandiste servant à relayer les autosatisfactions d’enseignants se sentant sur la sellette ou bien possiblement mis en cause par notre contribution « Le dévoiement aperceptif de la locution art contemporain en Algérie ».

14. İn l’article de commande du 06 septembre 2022 « École supérieure des Beaux- Arts: 60 ans de formation artistique », signé Agence presse service (APS) et répliqué le 07, 08 et 10 du même mois.

15. Abderrahmane Aïdoud, in « École supérieure des Beaux-Arts: 60 ans de formation artistique », L’Expression, 06-10 sept. 2022.

16. Aucune trace de la nomination d’un successeur mentionnée au sein des journaux officiels de juillet, août, septembre, octobre, novembre décembre 2022 et janvier

17. Hachemi Ameur, in « École supérieure des Beaux-Arts : L’atelier des talents » El Moudjahid, 07 sept. 2022.

18. Karim Sergoua, in « École supérieure des Beaux-Arts: 60 ans de formation artistique », L’Expression, 06-10 sept. 2022.

19. Karim Sergoua, in « Arts plastiques en Algérie : une pratique multimillénaire », El Moudjahid, L’Expression, Le Courrier d’Algérie, Le Soir d’Algérie, 03-04 sept.

20. İl paraîtra les 03 et 04 septembre 2022, au sein des tabloïds El Moudjahid, L’Expression, Le Courrier d’Algérie puis Le Soir D’Algérie.

21. Abderrahmane Aïdoud, in « Arts plastiques en Algérie : une pratique multimillénaire », El Moudjahid, L’Expression, Le Courrier d’Algérie, Le Soir D’Algérie 03-04 sept. 2022.

22. Abderrahmane Aïdoud, in « École supérieure des Beaux-Arts: 60 ans de formation artistique », L’Expression, 06-10 sept. 2022.

23. Les articles étaient mis en exergue par la Chambre nationale de l’artisanat et des métiers (CNAM).

24. Hayat Hidher, in Horizons, 11 2022.

25. Placée sous le slogan « Réinventer la vie par le design » et dénommée Dzign2020+1.

26. Karim Sergoua, in El Moudjahid, 24 2021.

27. İn le Manifeste « Alliance des designers algériens praticiens » (ADAP) formulé en juin

28. Partie intégrante du troisième volet de cette Biennale, elles furent montrées à la Villa Abd-el-Tif.

29. Feriel Gasmi Issiakhem, in Liberté, 22 2021.

30. Cogérée par la direction de la culture et des arts de la ville et le Centre des arts et des expositions de

31. Hachemi Ameur, in El Moudjahid, 05 nov. 2022.

32. İdriss Kameli, in Le Soir DZ, 03 nov. 2022.

33. L’archéologue Sofiane Moussaoui, in Le Courrier d’Algérie, 14 nov.

34. İci celle voulue, en lien avec l’association Chabab Mawahib wa Afaq (jeunesse, talents et horizons) et le groupe H’Mamettes Dzaïr (les colombes d’Alger), par l’Office de gestion et exploitation des biens culturels.

35. Mohamed Yacine Hassini, in Horizons, 18 2022.

36. À part ceux d’Algérie, la manifestation recevait des artistes arrivés de Turquie, d’Ouzbékistan, d’İndonésie, de l’İnde, de la République islamique d’İran, du Sultanat d’Oman, du Pakistan et de l’Afghanistan.

37. Des sessions de rattrapage seront données à destination des étudiants des Écoles des Beaux-Arts d’Azazga, d’Annaba et de Tlemcen, un accord de partenariat entre ces instituts le commissariat dudit festival ayant été paraphé au centre des études andalouses de

38. Amine Boudefla, in El Moudjahid, 20 nov. 2022.

39. Ce dernier devait être l’invité d’honneur d’une session où court métrage retraçant sa vie artistique fut projeté en présence de sa

40. L’étudiante Abir Khelaifia (3e année design et aménagement à l’institut des Beaux-Arts d’Annaba), in El moudjahid, 20 nov 2022.

41. Nadia Mokhtrari, directrice de l’École régionale des Beaux-Arts d’Azzazga, in El moudjahid, 20 nov 2022.

42. İn El Moudjahid, 23 2022.

43. Ahmed Khalili, in Horizons, 23 2022.

44. Montée dans le cadre de la commémoration du 62e anniversaire des manifestations du 11 Décembre 1960, la monstration s’ingéniait à agrémenter le slogan « Des retouches artistiques, pour traduire une histoire, une identité ».

45. Ce quatrième colloque se réalisait en coordination avec le Musée national de l’enluminure, de la miniature et de la calligraphie.

46. Amel Djenidi, in Horizons, 19 déc. 2022.

47. İbidem.

48. Après Alger, elle sera présente au niveau des galeries des maisons de la culture de Tlemcen, Béchar, Mascara, Mostaganem, Laghouat, Tizi-Ouzou, M’sila et