Deux faits ont montré que l‘Espagne et ses sociétés opératrices dans le domaine de la réception regazéification et distribution du gaz en Espagne et quelques pays européens, se sont largement préparées pour s’en passer du gaz algérien et la pression que le gouvernement Petro Sanchez subit suite à son soutien au plan d’autonomie du Sahara Occidental proposé par le Royaume du Maroc.
Le premier, ce sont les chiffres du mois de juin diffusés par Enagás, le gestionnaire du système de gaz. D’habitude, lorsque pour des raisons diverses dont parfois techniques liés à la maintenance des champs gaziers, les journaux spécialisés rapportent les alertes des entreprises espagnoles qui dénoncent la réduction du flux de gaz envoyé par le biais du gazoduc Medgaz en rappelant les engagements de Sonatrach et, partant l’Algérie de parer à toute inconvénient qui serait lié à la fermeture du Gazoduc Maghreb Europe (GME).
L’Espagne justement a tout tenté y compris l’intervention auprès de la sous-secrétaire d’Etat américain Wendy Sherman lors de sa visite en Algérie qui n’a pas réussi selon un site arabe de convaincre les autorités algériennes de sa réouverture.
Que s’est il passé au mois de juin ?
Les exportations de gaz algérien vers l’Espagne ont diminué de 15% en juin par rapport à mai, selon les chiffres enregistrés par Enagás, la société énergétique et gestionnaire de réseau de transport européen qui possède et exploite le réseau gazier espagnol. Les chiffres enregistrés par Enagás montrent que les livraisons depuis l’Algérie sont tombées à 7 763 gigawattheures contre 9 094 gigawattheures en mai. Les 7 763 gigawattheures fournis en juin représentaient 22 % de la demande totale de l’Espagne et représentent environ la moitié de la quantité fournie par l’Algérie à l’Espagne en juin 2021.
Alors que les approvisionnements algériens diminuaient, la Russie a remplacé l’Algérie en tant que deuxième fournisseur de gaz naturel de l’Espagne en juin. En effet, confirment les chiffres révélés par le bulletin statistique Enagás, la Russie était devenue le deuxième fournisseur de gaz de l’Espagne en juin avec une part de 24,4 %, derrière les États-Unis.
Ainsi, l’Espagne se détourne (forget : terme employé par le bulletin) de l’Algérie qui devient le troisième fournisseur avec une part de 21,6%. Quant aux États-Unis, leur part est de 29,6 %.
Plus de 8 752 gigawattheures (GWh) sont venus de Russie en juin, soit quatre fois la quantité importée le même mois il y a un an soit 2 163 GWh. En revanche, les importations de gaz en provenance d’Algérie ont baissé de 57,3% par rapport à juin 2021, à 7 736 GWh contre 18 123 GWh il y a un an.
Il faut de même préciser que les États-Unis ont continué d’être le principal fournisseur de gaz de l’Espagne pour le sixième mois consécutif en juin, avec 10 618 GWh, soit 29,6 % de tout le gaz importé, soit près de deux fois et demie la quantité de gaz entrant en Espagne depuis ce pays en juin 2021.
Pour les six premiers mois de l’année, les États-Unis restent le principal exportateur avec 78 078 GWh importés au premier semestre, soit 34,4 % du total. Dans le total annuel, l’Algérie continue d’occuper la deuxième position avec un poids proche de 25% du total avec 55 962 GWh.
De son côté, la Russie occupe la deuxième place avec 10,1 % des importations totales de gaz, soit 22 948 GWh. Rappelons que les prix de l’année 2022 du Gigawatt/heure se sont établis au taux actuel de change euro/dollar 88 dollars pour le gaz russe à 92 dollars celui du schiste américain, à 81dollars d’Azerbaïdjan et enfin 30 dollars celui de l’Algérie.
Pour sauver la face auprès de l’Union européenne (UE) qui a pris la décision collégiale de réduire les importations du gaz russe, le gouvernement Sanchez a exhorté les entreprises énergétiques à réduire leurs importations de gaz en provenance de Russie, qui a remplacé le mois dernier l’Algérie en tant que deuxième fournisseur de gaz naturel de l’Espagne. Il est souhaitable « que les commerçants cherchent à minimiser autant que possible les importations de gaz russe », devait déclarer la ministre de l’Energie Teresa Ribera lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion hebdomadaire du cabinet du son gouvernement. (01)
Les entreprises espagnoles qui avaient le droit contractuel de contester le déficit des approvisionnements en gaz, ne l’ont pas fait parce qu’elles sont consentantes d’un côté comme de l’autre.
Pour le fournisseur, il y a apparemment un manque de gaz pour satisfaire l’ensemble de la demande et ces entreprises clientes envoient un message fort à Sonatrach qui a décidé de revoir le prix de vente de son gaz qu’elles peuvent s’en passer. C’est justement le deuxième fait, cité tout au début, pour les entreprises espagnoles, le gaz algérien leur revient beaucoup moins cher car depuis la guerre qui s’est déclaré en Ukraine, les flux de gaz en provenance de l’Espagne vers la France utilisent le maximum de la capacité à travers les interconnexions existantes soit 225 GWh par jour.
Cela représente 6% de l’approvisionnement français en gaz depuis le début de cette crise. Ensuite, la fermeture du GME n’a pas empêché la Sonatrach d’inonder son partenaire espagnol de gaz à travers le gazoduc Medgaz avec un complément en shipping de Gaz Naturel Liquéfié au point où il a surstocké du gaz algérien bon marché au moment où les prix du Million de British Thermic Unit (BTU) se situaient dans une fourchette de 40-60 dollars, lui l’achetait à peine à 8 dollars.
Il y a moins d’un mois le PDG d’Enagás a confirmé que l’Espagne exporte plus de gaz vers la France à travers les interconnexions à Irún (Guipúzcoa) et Larrau (Navarre) qu’elle n’en importe de l’Algérie via le Medgaz. Soit près de 7 milliards de m3 et que la recharge des navires du GNL a augmenté de 289%.
Les services de cet opérateur qui régule l’énergie en Espagne a publié des chiffres qui démontrent que ce n’est pas l’Algérie qui a réduit son exportation de ¼ comme le laissent entendre les médias mais c’est l’Espagne qui a décidé de réduire ses importations de 14,3%, passant de 11139 GWh à 9545 GWh de gaz algérien entre mars et avril 2022.
Tout cela montre que les responsables espagnols ont tout calculé, alors que ceux les responsables algériens n’ont rien anticipé jusqu’à mettre 46 millions de dollars pour augmenter la capacité de Medgaz de 8 à 10,7 milliards de m3 alors qu’aujourd’hui ce gazoduc n’est utilisé qu’à 50% de sa capacité.
Rabah Reghis
Renvois