Le Kazakhstan, ancienne région de l’URSS, alliée et inféodée à Vladimir Poutine, vient de lui tourner le dos sèchement et sans ambiguïté. Hésitant jusque-là mais pas en rupture, le pays frontalier de la Russie rejoint définitivement son autre allié et partenaire économique, la Chine. Pourquoi ce revirement ?
Jusque-là la méfiance existait mais aujourd’hui la folie de Poutine inquiète sérieusement le Kazakhstan. Son Président a déclaré que, non seulement son pays ne reconnaîtrait pas les régions annexées de l’Ukraine, mais qu’il dénonce fermement cette fuite en avant, dangereuse et menaçante envers son pays.
La raison est simple à comprendre. Comme les Pays baltes, les pays scandinaves et la Pologne, il redoute que cette folie puisse pousser Poutine à l’annexion de tout ou partie de son territoire. C’est qu’ils ont payé très cher dans l’histoire leur soumission, politique et territoriale, à leur grand voisin qui les a fait souffrir et les a dominés depuis plus d’un siècle.
Mais pour traverser le Rubicon en faisant ce que l’Europe n’avait jamais connu depuis la seconde guerre mondiale, soit une annexion territoriale, Poutine devait avoir un argument.
Et, faute d’arguments plus crédibles que le danger de l’Otan à ses frontières, c’est la très vieille excuse qu’il a déterrée, la politique de l’Anschluss, justement celle-là même qui fut l’étincelle qui allait entraîner Hitler à provoquer la seconde guerre mondiale.
L’Anschluss est le terme qui désigne l’annexion par Hitler de la partie septentrionale de l’Autriche, frontalière de l’Allemagne. Et qui étaient présents en grand nombre dans ces contrées ? Le lecteur l’a deviné, des populations germanophones.
Sauver les populations de souche allemande qui seraient opprimées par l’Autriche, comment trouver meilleure excuse pour l’annexion ? Cette situation démographique se trouve en parfaite cohérence avec le désir des deux dictateurs de retrouver la gloire et l’empire de leur mythique passé.
Puis, il faut habiller l’argument, le justifier. Non seulement c’est le secours aux populations opprimées mais, en plus, elles le réclament. Hitler avait provoqué le sentiment de révolte en organisant des manifestations et l’avait financé. Il manquait la création d’un leader qui mènerait ces foules, ce qui fut fait. La Russie, tout autant, vient d’organiser un simulacre de référendum. Et voilà l’excuse toute faite, le retour voulu vers la mère patrie des populations locales, en oubliant que la majorité des Ukrainiens, fidèles à leur pays, avait fui la terrible menace de l’armée russe.
La stratégie de Poutine est la photocopie intégrale de l’Anschluss pour reformer la Grande Russie d’Alexandre 1er. Comme Hitler rêvait de reformer la puissante Grande Allemagne du passé.
Ce qu’a oublié Poutine, les dictateurs n’ont qu’une idée fantasmée du passé glorieux, c’est la fin de l’histoire de ces deux aventures guerrières. Dans son fantasme impérial et tsariste, il va certainement rencontrer le même destin, c’est inévitable.
Il pensait avoir une armée puissante, elle s’est écroulée. Il pensait avoir le peuple derrière lui, si c’est vrai en partie, il a eu la fuite impressionnante de la jeunesse. Il pensait avoir l’appui de la Chine et de l’Inde ainsi que toutes les dictatures de l’ancien tiers-monde, il a eu la Corée du Nord, la Syrie et quelques pays nourris au biberon des coups d’Etat dont les populations fuient vers l’Occident, l’ennemi le plus détesté.
Enfin, il croyait à la division des pays occidentaux, qu’il disait être faibles, comme leur « démocratie dépravée », jamais nous n’avions assisté à plus grande solidarité. Et, en affront supplémentaire, l’Ukraine demande à adhérer à l’Otan comme la Suède et la Finlande qui avaient mis fin à leur légendaire neutralité.
Voilà pourquoi le Kazakhstan veut se tourner vers d’autres horizons avant de subir ce que la Crimée et la Géorgie ont subi et ce que l’Ukraine subit en ce moment.
Vladimir Poutine risque de tout perdre, y compris de faire chuter son régime et de mettre sa propre vie en danger. La fin dramatique de l’Anschluss va certainement se reproduire car elle est inscrite dans la destinée des dictateurs qui ont des rêves divins et impériaux.
Comme toujours dans l’histoire, après les drames des dictatures, c’est l’humanisme et la démocratie qui l’emportent. Poutine n’a pas lu les bons livres.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant