Ce samedi 7 juin, le public algérien est invité à découvrir Première Ligne, le dernier long-métrage du réalisateur Merzak Allouache, une figure emblématique du cinéma national.
Après plusieurs décennies à questionner la société algérienne à travers ses films, Merzak Allouache revient avec une œuvre intense, engagée et nécessaire. Mais derrière cet événement cinématographique majeur se cache une réalité préoccupante : la diffusion reste extrêmement limitée, conséquence de la fragilité persistante des infrastructures culturelles du pays.
Un regard lucide sur l’Algérie contemporaine
Première Ligne poursuit la trajectoire artistique d’Allouache, qui n’a jamais cessé d’explorer les zones d’ombre, les fractures sociales et les silences historiques d’une Algérie en quête de vérité et d’apaisement. Fidèle à son style frontal, le film aborde des questions sensibles avec un réalisme poignant, offrant un miroir cru à une société marquée par ses blessures.
Dans un pays où les lieux de diffusion cinématographique se font rares et où la culture reste souvent confinée à des sphères restreintes, chaque film d’Allouache est un appel vibrant à la réflexion et à la mobilisation.
Une diffusion restreinte et inégale
Malgré son importance, Première Ligne ne sera projeté que dans une poignée de salles à travers le pays. À Alger, il est visible dans les trois salles du complexe TVM à Garden City, la salle Sahel à Chéraga, la salle Ibn Khaldoun au centre-ville ainsi que les salles Ibn Zeydoun et Cosmos à Riadh El Feth. À Oran, il sera diffusé dans les trois salles du complexe Cinégold ainsi que dans les deux salles du complexe AZ Grand Hôtel. Enfin, à Constantine, la salle Ahmed Bey accueille le film.
Les horaires de projection ne sont pas encore communiqués, laissant les spectateurs dans l’obligation de se renseigner directement auprès des établissements.
L’absence criante de la Cinémathèque nationale
L’un des points les plus décevants reste l’absence totale de la Cinémathèque nationale dans ce premier cycle de diffusion. Or, cet établissement est censé être le pilier de la promotion du cinéma d’auteur algérien et un relais essentiel pour la démocratisation culturelle.
L’absence de Première Ligne dans la programmation officielle de la Cinémathèque nationale ainsi que dans d’autres centres culturels de villes comme Bejaïa, Annaba ou Tizi Ouzou, interroge sur la place réelle accordée au cinéma d’auteur dans les politiques culturelles nationales.
Une invitation à voir, partager et agir
En 2025, il y a très peu de salles dédiées au 7e art. Aller au cinéma en Algérie est devenu un privilège réservé à quelques-uns. La fréquentation des salles de cinéma a lourdement chuté tant un nombre impressionnant de salles sombres a fermé ces dernières années.
Pourtant, la culture, et notamment le cinéma, est un vecteur crucial de mémoire, de dialogue et de construction sociale.
Première Ligne n’est pas seulement un film à voir, c’est un signal fort envoyé à la société et aux décideurs. Soutenir cette œuvre, c’est participer à la survie d’un cinéma algérien libre et engagé, capable de porter les voix souvent oubliées.
Merzak Allouache, en signant Première Ligne, rappelle que le cinéma est un combat. Celui de raconter, celui d’être vu, celui d’être entendu. Et dans un pays où la désertification des salles menace la diversité culturelle, ce combat est plus que jamais d’actualité.
Le public algérien, mais aussi les institutions, sont donc appelés à répondre présents, pour que le cinéma d’auteur retrouve la place qu’il mérite dans le paysage culturel national.
Djamal Guettala