Abdelkader Bengrina, interdit de quitter l’Algérie comme des milliers d’Algériens, roule les mécaniques et tente de combler le vide politique créé par Tebboune et ses soutiens. Sortie inhabituelle d’un serviteur patenté, Bengrina vient de sonner le tocsin contre le chef de l’Etat au sujet de la présidentielle.
L’inimitable Abdelkader Bengrina, secrétaire général du micro-parti El Binaa El Watani a fait un discours pour le moins curieux. Certains diront courageux. Cette bafouille diffusée sur la page Facebook du parti (parce qu’il n’y a plus de scène politique que virtuelle), Bengrina a abordé la brûlante question des élections présidentielles de 2024. Nous y voilà !
Déjà plongée dans un coma multidimensionnelle depuis 2019, l’Algérie est toute suspendue à ce rendez-vous électoral. D’importance stratégique : ou il permet une rupture avec l’ère Tebboune-Bouteflika, ou c’est la voie ouverte vers l’inconnu. Aux décideurs d’entrer dans l’histoire ou de renvoyer l’Algérie dans les âges sombres de la dictature.
Le crypto-islamiste Bengrina, que nous n’avons pas l’habitude de voir dans des postures aussi sérieuses a fini par nous surprendre. Grand bien lui fasse l’animal politique !
En bon soldat dûment mandaté, il a exposé la vision des tenants de la décision de ce que devrait être la place de l’Algérie dans les prochaines années. Impressionnant !
Débutant son discours par la volonté américaine de se retirer de l’OTAN, il enchaîne sur la sécurité régionale de l’Afrique du Nord et le Sahel et se lance dans un énoncé de la politique étrangère de l’Algérie.
Celui qui avait osé qualifier la Kabylie de « dechra » rappelle que l’Algérie a été absente de son espace naturel depuis plus de trois décennies créant ainsi un vide qui ne saurait être comblé par d’autres forces. Libye, Mauritanie, Mali : rien n’est laissé au hasard. En l’espèce on peut lui reconnaître en partie que la diplomatie de Tebboune a déconstruit toute l’influence de l’Algérie. Elle a brillamment réussi à se faire des ennemis là où il tente de s’immiscer.
En ce qui concerne la provocation de la junte militaire malienne, il précise que c’est à l’Algérie, puissance régionale, qu’incombe la sécurité dans la région Sahel puisque l’intervention de l’armée algérienne sous certaines conditions a bel et bien été votée par le parlement. De là à voir l’ANP patrouiller dans l’Azawad avec les risques que l’ont sait…
Appelant les élites à s’investir dans les affaires du pays, il explique qu’une première transition générationnelle a été concrétisé par l’accession d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir qui n’est ni un militaire ni un novembriste.
Bengrina préconise que les futures élections devraient être les premières « vraies élections » et qu’elles devraient permettre à la génération post indépendante, c’est-à-dire celles nées après 1962 d’accéder à la responsabilité. L’année même où l’intéressé est né !!! Curieux. Et de ce fait, Abdelladjid Tebboune (78 ans), le président sortant ne devrait pas se présenter ou éventuellement accepter l’échec. C’est osé dans le climat répressif dans lequel macère l’Algérie. A-t-on vu un chef de l’Etat algérien en exercice perdre une élection ? Jamais. Où est la solution ?
Il est vrai que l’administration Tebboune a fait l’économie ou plutôt a volontairement ignoré cette génération post-indépendante pour faire le saut plus que périlleux voire même suicidaire en puisant chez les plus jeunes. Elle a préféré recyclé les vieux briscards, comme Ahmed Attaf, le patron de la diplomatie, venu cirer plus les pompes à Tebboune qu’à faire redorer le blason de l’Algérie à l’international. Le résultat, on le connaît : défiance au Sahel et reflue de l’influence algérienne partout.
C’est le moment de concrétiser cette transition tonne Bengrina. Pour cela Tebboune devrait passer la main, propose-t-il. Sera-t-il entendu ? Trace-t-il le chemin pour sa propre gouverne ? Certainement. Mais il semblerait que la fin de mission de Tebboune serait la volonté des dieux… de l’Algérie. Mais pour cela, il faut d’abord une vraie politique de desserrement de l’étau sur la société et la scène politique. Ce n’est qu’à l’aune de cette action que les Algériens sauront ce qui les attend.
Sofiane Ayache