Les projets de loi relatifs à la presse écrite, électronique et audiovisuelle sont entre les bons soins des députés. Il faut s’attendre à de nouveaux tours de vis à ce qui reste de la liberté d’informer.
Le cercueil de la presse est prêt. Les parlementaires s’emploient avec zèle à enfoncer les derniers clous avant son enterrement.
L’APN va bientôt soumettre à débat les projets de loi relatifs à la presse écrite, électronique et de l’activité audiovisuelle. Une façon de prendre des vacances la tête légère. Les textes y afférents sont déjà sur la table des membres de la commission de la culture, de la communication et du tourisme de l’Assemblée populaire nationale (APN) qui a élaboré ses rapports préliminaires sur le sujet.
Autant dire que l’on se dirige vers la mise en place de nouveaux tours de vis et de leviers supplémentaires entre les mains de l’exécutif pour imposer un encadrement strict et plus corseté de ce qui reste de la liberté d’expression et d’informer. Ne nous faisons donc pas d’illusions. Dans ce texte il ne sera question ni de liberté ni de la presse.
Les observateurs ne s’attendent pas à un éveil des consciences des députés élus davantage pour apporter leur onction de parlementaires aux décisions du gouvernement qu’à légiférer selon les normes démocratiques universellement admises, en apportant des amendements favorables à la circulation libre de l’information.
Les « élus » dit du peuple ont prouvé leur inclination à la soumission aux désidératas du pouvoir exécutif, qui, lui, a montré qu’il est loin d’être un parangon de la liberté d’expression et du libre débat.
Les députés au même titre que les « sages » du Sénat, à leur tête l’inoxydable Salah Goudjil, ont fait montre, à plusieurs reprises, de leur aptitude presque innée et naturelle à être dans la disposition de vases communicants avec le gouvernement. Comme ce fut le cas, d’ailleurs, à l’occasion des débats engagés sur le projet de loi organique relatif à l’information et le vote qui s’en est suivi.
Aucune proposition ou amendement pouvant déboucher sur un changement de fond des deux projets de loi organique relatif à l’information n’a été proposée par les députés qui l’ont adopté à la majorité, lors du vote en plénière du 28 mars 2023. Un vote confirmé par celui des membres du Conseil de la nation, le 13 avril 2023. L’unanimisme parfait donc !
L’esprit des deux textes, tels que soumis par l’exécutif à l’Assemblée, a été respecté, renforçant le poids de l’exécutif dans le secteur, à travers sa présence de façon prépondérante dans les organes relatifs aux autorités de régulation et du conseil de l’éthique.
Comme une lettre à la poste
De fait, on voit mal comment les parlementaires vont se dédire et contredire leur promptitude à dire « oui », à contredire Tebboune et le régime dont le projet est de mettre en coupes réglées toute la société. Le reste on le voit tous les matins dans les kiosques : des journaux illisibles transpirant l propagande officielle. Autrement dit, de pales copies du vénérable El Moudjahid.
Quand aux sites internet, tous ceux qui les dérangent, comme celui que vous lisez sont bloqués. Des dizaines d’autres sont créés pour donner l’illusion d’une liberté de la presse. La méthode est en vrai éprouvée : le nombre ne fait ni la qualité ni la liberté !
Comme prévu donc, le gouvernement n’aura pas de souci à se faire pour donner un cachet réglementaire et législatif à ses textes afin de réguler, à sa guise, le fonctionnement de la presse écrite, des médias électroniques et audiovisuels.
Dans son rapport finalisé dont des copies ont été remises aux médias, la commission spéciale de l’APN explique que le projet en question est venu pour organiser le secteur de la presse écrite qui a connu l’anarchie ces dernières années du fait de la création de journaux inactifs et sans influence et dont le seul objectif est de bénéficier de la publicité. C’est dire que nos dirigeants ont des âmes de bons réformateurs ! Mais la réalité est beaucoup plus prosaïque.
Idem pour la presse électronique. La commission estime que la loi à venir permettra de régler le secteur et donnera aux professionnels le cadre juridique approprié pour exercer leur activité.
Dans le rapport préliminaire de la commission spécialisée de l’APN, il est dit que ses membres « sont conscients de leur responsabilité. Ils relèveront le défi de mettre en place une loi à la hauteur des engagements du chef de l’État consistant à consacrer le droit du citoyen à la presse écrite et électronique, et à l’assainissement du secteur des parasites et des intrus dont le seul souci est l’argent ». Voilà pour les attendus.
Pour les propositions de changement à apporter au texte, le rapport explique que des amendements dans le fond et dans la forme sont introduits afin de mettre les textes en adéquation avec la constitution et avec la loi sur l’information, adoptée il y a moins d’un mois.
Ainsi, dans le fond, sept amendements ont été apportés, à savoir l’intégration du contenu audiovisuel à la presse électronique, réduction de la durée de l’expérience professionnelle à 10 ans pour la création de journaux écrits et l’annulation de la déclaration de création de médias au cas où la publication n’est pas éditée durant les six mois, au lieu d’une dissolution par voie judiciaire. Il est proposé aussi la fermeture du média en cas d’atteinte à l’islam à l’unité nationale, aux impératifs de la défense et de la sécurité nationale ainsi qu’à l’ordre public et aux mœurs.
S’agissant des membres du Conseil de l’autorité de régulation de la presse écrite et électronique, la commission de l’APN préconise qu’ils ne doivent pas exercer d’autres fonctions, ils sont tenus de se consacrer à leur mission au sein de l’organe de régulation d’où ils doivent tirer leur source de revenus. Autrement dit, celui qui vont des repas préparer n’a pas à diriger un journal !
Le ministre de la Communication a, quant à lui, justifié la projet du gouvernement par l’impérative adaptation du cadre juridique existant aux « défis auxquels fait face le secteur de l’information dans le contexte des développements extraordinaires que connaissent les technologies de l’information et de la télécommunication ».
Le texte du gouvernement veut soumettre la création des publications périodiques et de journaux électroniques au régime déclaratif au lieu de l’agrément comme stipulé dans le texte en vigueur.
Dans le projet gouvernemental, il est question d’interdire toute participation au capital social dans plus d’une publication périodique et ou de presse électronique d’information générale.
Le texte balise les missions de l’Autorité de régulation de la presse écrite et audiovisuelle. Celle-ci, est-il annoncé, doit veiller à l’instauration d’un pluralisme médiatique et d’empêcher l’influence du pouvoir de l’argent et les interférences idéologique et politique.
Samia Naït Iqbal