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dimanche 20 juillet 2025
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Prestation télévisée de Tebboune : quand la parole présidentielle devient un monologue

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La rencontre périodique d’Abdelmadjid Tebboune avec quelques représentants de la presse nationale s’est apparentée, une fois de plus, à un exercice de communication institutionnelle bien huilé. Un pathétique monologue.

Face à un chef de l’État qui débitait ses chiffres sans risque d’être malmené, les journalistes présents se sont montrés étonnamment dociles, presque désolés d’interrompre le fil présidentiel. Le ton convenu des questions, l’absence de relance incisive et le manque de contradiction ont donné à cette entrevue l’allure d’un monologue balisé. Aucune question qui fâche. Rien sur les nombreuses promesses présidentielles jamais tenues, rien sur les violations des libertés, les détenus d’opinion, la scène politique anesthésiée, l’isolement de plus en plus prégnant de l’Algérie à l’international…

Or, le rôle premier du journaliste n’est-il pas, précisément, de bousculer l’interlocuteur, de l’amener à sortir de ses éléments de langage et à se confronter aux zones d’ombre du réel ? Cette fois encore, l’occasion a été manquée.

Des angles morts évités

Durant cet échange — plus proche du briefing que du débat — Abdelmadjid Tebboune s’est appliqué à dérouler sa vision de l’Algérie, chiffres à l’appui, sur des sujets aussi variés que la situation économique, la politique étrangère ou encore les réformes institutionnelles. Il a vanté la stabilité du dinar, le retour de la croissance, et les efforts en matière de numérisation et de lutte contre la bureaucratie. Une litanie d’indicateurs positifs qu’aucun journaluste sur le plateau n’a vraiment pris la peine de confronter à la réalité du terrain, ni de remettre en cause.

Les journalistes conviés n’ont pas osé aborder de front les sujets qui fâchent : la répression du mouvement syndical, les restrictions persistantes des libertés, l’étouffement du pluralisme politique, ou encore les zones d’ombre entourant certaines décisions économiques majeures ( commerce du cabas, retard dans l’octroi de l’allocation touristique..). Pas un mot, non plus, sur les affaires de corruption ressurgissant en coulisses ou sur les tensions persistante avec la France sur fond de contentieux judiciaire autour des affaires de Boualem Sansal et de Christophe Gleizes, journaliste emprisonné en Algérie pour « apologie du terrorisme »

Ce silence n’est pas seulement assourdissant : il est symptomatique d’un journalisme sous pression, corseté, ou résigné.

Chiffres maîtrisés, nous dit-il. Des questions évitées

Tebboune a mis en avant la bonne santé économique de l’Algérie, insistant notamment sur la stabilité financière et la souveraineté retrouvée : « L’Algérie a atteint 84 milliards de dollars de réserves. Nous n’avons plus besoin d’endettement extérieur. »

Il a également évoqué la maîtrise de l’inflation : « En 2024, elle était à 9 %, nous avons réussi à la ramener à 4,5 %. » De quel pays parle-t-il donc ? Vit-il réellement en Algérie pour avancer ces autosatisfecit qui transpirent le déni ?

Aucune voix dans la salle ne s’est élevée pour confronter ces chiffres à la vie quotidienne des citoyens, marquée par la baisse du pouvoir d’achat, la persistance du chômage et la précarité sociale croissante. Aucun mot non plus sur les tensions fiscales ou la dynamique réelle de la production hors hydrocarbures.

Diplomatie et sécurité régionale : discours ferme, peu questionné

Sur le plan international, Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé l’attachement de l’Algérie à la doctrine du non-alignement. Il a insisté sur l’indépendance stratégique du pays : « L’Algérie n’est un satellite de personne, ce qui nous permet d’être amis avec la Russie, la Chine et les États-Unis ».  « Le non-alignement coule dans les veines de l’Algérie, et ça date du sommet de Bandung en 1955. Tous les dirigeants algériens l’ont toujours adopté. »

Face aux inquiétudes liées à l’instabilité régionale, notamment au Sahel et en Libye, le chef de l’État s’est voulu rassurant : « Aujourd’hui, l’Algérie n’est confrontée à aucune menace d’encerclement terroriste dans son espace immédiat. »

Sur la Libye, il a relativisé le danger : « Elle est crisogène pour ceux qui font de la géopolitique. Où est la menace ? La Libye est dans cette situation depuis 2011. Est-ce qu’elle constitue une menace pour l’Algérie ? »

Concernant le Mali, il a rappelé l’ancienneté des tensions : « Le Mali vit une instabilité entre le nord et le sud depuis 1960, et nous sommes intervenus plus d’une fois pour apaiser les tensions. Aujourd’hui que le Mali le considère comme une ingérence, nous ne tenons pas à nous imposer. »

Il a également défendu l’Accord d’Alger : « Je rappelle que ces accords n’ont pas été imposés par Alger. Ils ont été pilotés par l’Union africaine et l’ONU. »

Abordant les questions de sécurité aux frontières, il a été catégorique : « En tant que président de la République, je n’accepterai jamais la présence de mercenaires à nos frontières. C’est une ligne rouge. » Et de préciser que la Russie reste un partenaire stratégique :  » La Russie est un pays ami. »

Mais aucun journaliste n’a demandé d’éclaircissements sur les accusations formulées par certains acteurs maliens, qui reprochent à l’Algérie une certaine complaisance à l’égard de réseaux djihadistes opérant dans la région. Pas de question non plus sur les conséquences possibles du rejet affirmé de toute présence de mercenaires aux frontières sur les relations avec Moscou. Les interrogations sur les limites actuelles de l’influence algérienne dans une région pourtant qualifiée de profondeur géostratégique nationale sont, elles aussi, restées sans écho.

Économie : diversification annoncée, questions absentes

Sans contradicteur Tebboune a parlé tout seul pour dire tout ce qu’il voulait sans qu’aucun des journalistes n’ait leur le courage de le pousser dans ses retranchement. Alors bien sûr, il a par exemple annoncé une ouverture économique vers l’Asie : « Un investisseur malaisien est prêt à investir 20 milliards de dollars dans le secteur industriel en Algérie. » Qui ? Quand ? Pourquoi ? Tebboune n’en dit rien. Un investissement de 20 milliards ? N’est-ce pas un peu gros !!!

Il a expliqué la vision graduelle de l’intégration économique : « Dans notre politique d’intégration, l’Algérie donne la priorité à l’intégration interne au niveau national, ensuite à l’espace africain, puis au marché de libre-échange arabe, et aujourd’hui à l’Asie. » Du grand art !

Sur les tensions commerciales avec les États-Unis, il a relativisé : « Ces droits de douane inquiètent ceux qui ont 40% d’échanges commerciaux avec les USA, mais pas nous. Nos exportations vers les USA sont dérisoires. » il ne croit pas s’y bien dire. Comme si ce n’était pas le cas, il aurait faire quelque chose !

Une mise en scène pour lisser l’image présidentielle

Il est clair que le format de la rencontre était destiné à lisser l’image du président. Le montrer serein, ferme, compétent, proche des préoccupations des citoyens.

Mais dans la société, cet exercice semble peiner à convaincre. Sur les réseaux sociaux comme dans les discussions informelles, le scepticisme l’emporte. Ce n’est pas que les Algériens refusent d’écouter : c’est qu’ils n’y croient plus.

En l’absence de véritables débats publics, ce genre de rencontre entretient l’illusion d’un dialogue qui ne prend pas. Les préoccupations concrètes — chômage, logement, libertés, justice sociale — restent à la marge du discours officiel

Une presse domestiquée, une démocratie en trompe-l’œil

À défaut d’un véritable contre-pouvoir médiatique, le pouvoir exécutif continue de peaufiner un récit unilatéral. Cette mise en scène d’un dialogue entre le chef de l’État et la presse donne l’illusion d’un échange démocratique, alors qu’il s’agit davantage d’un discours sans contradiction. Tout semble pensé pour éviter les accrocs, les imprévus, les voix dissonantes.

Aucune question sur la condamnation récente du syndicaliste Lounis Saidi à deux ans de prison ferme, ni sur les multiples atteintes à la liberté d’association, ni sur la marginalisation de la presse indépendante. Et pourtant, le moment aurait été propice à clarifier bien des zones d’ombre.

Une intervention qui ne fera pas date à l’international

Sur le plan international, l’intervention du président Tebboune n’a pas davantage suscité d’échos. Aucun grand média étranger n’a relayé ses déclarations, pourtant présentées comme stratégiques, sur la politique régionale ou l’économie nationale. L’absence de traitement médiatique extérieur dit tout : cette sortie présidentielle ne fera pas date.

L’Algérie, bien que centrale dans certaines dynamiques régionales (notamment sahélo-sahariennes ou énergétiques), reste absente du radar médiatique international en dehors des grandes crises ou annonces retentissantes. Le style statique de cette intervention, l’absence d’éléments nouveaux, le manque d’ouvertures concrètes ou de gestes symboliques forts ont contribué à son invisibilité sur la scène internationale.

Ce silence médiatique étranger, couplé à la réception mitigée au niveau national, souligne une réalité que le pouvoir semble feindre d’ignorer : communiquer ne suffit pas à gouverner. Surtout lorsqu’on parle seul, entouré d’interlocuteurs qui n’osent plus poser les vraies questions.

Samia Naït Iqbal

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