Printemps de lutte et d’amitié est le dernier recueil de poèmes de Kamel Bencheikh paru en avril 2024 aux éditions Kaïros. Il a été illustré par des tableaux de Rose Driss et ces peintures se marient d’une manière superbe avec les poèmes.
Le mariage de ces acryliques avec ces textes donne plus de force au sens général du recueil et nous mettent bien en phase avec la direction des destinations choisies. Autant commencer tout de suite par dire qu’il s’agit d’un recueil de poésie percutant et exaltant.
Kamel Bencheikh a toujours clamé qu’il était d’abord poète. Sa poésie semble être un appel à l’éveil, à sortir de ce « Quelque chose (qui) se soustrait à la vue » et « des imprécations de la mort patiente » dans lesquelles le monde est plongé. Printemps de lutte et d’amitié se présente comme une poésie de « résurrection des sens », c’est-à-dire que ce printemps vise à réactiver la sensibilité et la conscience du lecteur, l’incitant à revivifier ses capacités pour reprendre le contrôle de son propre destin. En somme, cette œuvre poétique s’adresse à ceux qui cherchent à se réveiller face aux dérives du monde actuel et à se réapproprier leur pouvoir d’action.
Kamel Bencheikh est effectivement une figure marquante dans le paysage littéraire et militant. Poète algérien d’expression française, il se distingue non seulement par la qualité littéraire de son œuvre, mais aussi par son engagement profond en faveur de la laïcité, des droits des femmes, et de la dignité humaine. Ses poèmes, bien qu’intensément personnels sont ancrés dans la réalité quotidienne. Ils transcendent le simple cadre de la poésie pour devenir les manifestes de ses combats.
La poésie de Kamel Bencheikh n’est jamais douce ou édulcorée ; elle est plutôt un miroir de ses luttes et de ses convictions. Il y aborde des thèmes comme l’injustice sociale, l’oppression religieuse, et les inégalités de genre avec une force et une clarté qui résonnent profondément chez ses lecteurs.
En tant que féministe décomplexé, Kamel Bencheikh utilise sa plume pour dénoncer les violences faites aux femmes et pour promouvoir l’égalité des sexes. Son engagement laïque est également central dans son œuvre, où il défend avec ardeur la séparation entre le religieux et le politique, notamment dans le contexte de son pays natal.
« Chaque épine que je ressens résonne dans ma nuque/Souffrir n’a rien d’une quelconque espérance/Mon âge n’a que mes doigts pour compter le possible. »
Poète du quotidien, il a l’art de transformer les détails insignifiants de la vie en des réflexions profondes sur la condition humaine. Ses vers mettent en lumière la dignité de toute vie, même dans les circonstances les plus modestes ou les plus tragiques, faisant de son œuvre un chant vibrant pour la justice et la liberté.
« Lacéré, fané, desséché, le poète n’a plus que ses cadavres qui clament sa faim/Car la compassion envers le loup n’est qu’une obstination envers l’agneau. »
Kamel Bencheikh, par sa poésie, montre que la littérature peut être un puissant vecteur de changement social, un moyen de lutter contre les injustices et de revendiquer les droits fondamentaux de chaque individu.
Hafida Zitouni
Printemps de lutte et d’amitié, Kamel Bencheikh, 108 pages, Editions Kaïros, avril 2024
Kamel Bencheikh est, à l’évidence, avec Tahar Djaout et Jean Sénac, de ceux qui marquent le plus la poésie algérienne. Et tous les trois, en dehors de ce talent qui les caractérise, marquent cette frange de la littérature, par leur infatigable désir de servir de témoins pour les générations futures. Leurs luttes incessantes font de ces poètes des combattants pour la liberté de tous.
Si Djaout et Sénac l’ont payé de leurs vies, faisant en sorte que les freins qui caractérisent la société algérienne puissent donner du champ et du temps à Kamel Bencheikh.
Longue vie à lui et plein de productions littéraires à venir.