25 novembre 2024
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Produire la liberté, la pomme de terre suivra…

REGARD

Produire la liberté, la pomme de terre suivra…

« Personne n’a envie de voir un conflit entre militaires. Ce que beaucoup de gens espèrent, c’est que l’institution comprenne d’elle-même qu’elle doit se retirer du champ politique. Cela prendra peut-être du temps, mais la volonté d’avoir un Etat civil et non militaire est une idée qui circule largement, bien au-delà des rangs du Hirak. » Akram Belkaid, interview Le Monde, 9 décembre 2019

Selon Abdelmadjid Tebboune « l’industrie militaire est la seule industrie mécanique en Algérie.» C’est vrai. C’est d’autant plus vrai qu’il y a de quoi envier même les régimes totalitaires les plus militarisés. D’ailleurs, pourquoi ne pas investir dans l’industrie de la pomme de terre militaire au détriment de la pomme de terre civile, pour être en phase totale avec le « régime ». Sauf que, au passage et c’est connu, la pomme de terre verte est potentiellement toxique et nocive pour la santé. 

Quittons le champ de la caricature à laquelle le régime et ses hommes forcent la plume et le verbe. Un président qui joue la « carte de la pomme de terre…Un président qui, dans sa tête, croit présider  un pays peuplé de « tubes digestifs » et tenir le peuple par… la patate, se trompe lourdement. Il est même mal barré. Ce n’est pas en déclarant que le prix de la pomme de terre ne doit pas dépasser 60 DA qu’un président  issu d’un régime bananier pourra se tirer d’affaire. Appâter et détourner les esprits de l’essentiel. Les temps, dans ce pays, ont changé. Doucement mais sûrement, les mentalités et les aspirations aussi. Toutes ces métamorphoses découlent de l’aspiration des Algériens  à changer de modèle et à vivre autrement. Librement. Dignement.

La promesse d’un kilo de pomme de terre à moins de 60 DA n’est pas un projet de société. En tous cas, eu égard aux exigences du peuple en général et de la jeunesse d’aujourd’hui en particulier, c’est tout simplement indécent. Dans un passé récent, à certaines périodes, la bonne vieille patate a atteint des prix exorbitants et le peuple n’en est pas mort. Il en a fait même un motif de dérision et d’autodérision. Dans la résignation… 

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A la limite, ce tubercule est juste un produit alimentaire. Ni de luxe, ni superflu. Il ne constitue pas un besoin vital, en vérité. Un végétal dont se charge Dame nature. Et, avec l’apport de la bonne volonté et de la rigueur des hommes et des femmes chargés de diriger et de développer le pays, cela ne devrait pas poser problème. Loin de la corruption, des détournements des fonds publics, des gabegies, des réalisations de prestige, des réseaux mafieux, des monopoles des oligarques. Dans un pays débarrassé du pouvoir absolu.

La pomme de terre, comme tout le reste, d’ailleurs, est aussi une affaire et une question d’autosuffisance alimentaire, laquelle est tributaire d’une bonne gouvernance. Tout le contraire du système et du pouvoir en place. Dans un pays où la manne pétrolière échappe à tout contrôle et où la corruption est érigée en mode de gouvernance et constitue le premier « budget » de l’Etat, on est tenté de dire « purée de patate ! »  

Si des Algériennes et des Algériens de tous âges et de toutes conditions, des familles entières risquent leur vie dans des embarcations de fortune en direction de l’autre rive de la Méditerranée, ce n’est certainement pas pour la conquête de la pomme de terre. C’est beaucoup plus profond et plus sérieux que ça. 

Et ceux qui continuent à régner sur le pays et se comportent comme les gardiens du temple le savent. Ils savent aussi que les millions de citoyennes et de citoyens majoritairement des jeunes « indomptables » qui battent le pavé depuis le 22 février, bientôt une année, ne le font pas pour réclamer de la pomme de terre bon marché. Ils le savent. Ils refusent de l’entendre. Cette jeunesse rêve d’autre chose. 

Dans ces deux réalités, l’objet de la quête est la liberté. Cette liberté qui fait peur aux tenants du pouvoir. Une vie digne. Un Etat de droit. Le droit d’avoir des droits. Tout ce dont ils sont privés dans leur propre pays.

Des aspirations légitimes, aux antipodes de ce que le régime leur offre. Un régime, cet ordre immoral des choses à tous points de vue, est condamné à disparaître. Il ne peut pas, éternellement, s’imposer au peuple, tantôt par la force et la répression, tantôt par des élections truquées, tantôt par des appels au « dialogue »… C’est tout le sens de ce « volcan » populaire brutalement réveillé et qu’il convient, désormais, de regarder, d’entendre et d’admettre comme une véritable révolution pacifique. Irréductible.  Elle triomphera. Tôt au tard. 

Auteur
Rahim Zenati

 




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