4 février 2025
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Quand gouverner c’est coopter, l’art de tourner en rond

Il fut un temps où gouverner signifiait diriger, prévoir, construire. Aujourd’hui, dans certaines contrées bénies des dieux du népotisme, gouverner se résume à un art subtil : le coopter. Point de vision, encore moins d’ambition. Juste un savant recyclage de visages connus, d’héritiers auto-proclamés et de courtisans zélés, comme si le talent était un virus dangereux à éradiquer.

Le principe du pouvoir coopté

Le principe est simple : on ne choisit pas les meilleurs, on s’entoure des plus dociles. Ceux qui ne font pas d’ombre, qui hochent la tête au bon moment, qui savent que la loyauté prime sur la compétence. Peu importe si la barque prend l’eau : l’important est de garder le cap… même si c’est vers l’iceberg. Ainsi, les ministères deviennent des clubs privés, les institutions des terrains de jeu où l’entre-soi règne en maître. Les décisions, elles, ne sont plus qu’un exercice de prestidigitation : faire semblant d’agir en ne faisant rien.

Un plan de réforme ? Il sera confié à un cousin du ministre. Une crise économique ? On convoque un colloque d’experts triés sur le volet (comprenez : ceux qui ne diront surtout rien d’utile). Une catastrophe nationale ? On organise une commission d’enquête qui accouchera d’un rapport que personne ne lire. Résultat ? Rien ne bouge, tout s’effondre, mais dans une parfaite immobilité administrative. Et quand le manque de résultats devient un sujet, la réponse fusible, laconique : « Nous sommes en train d’y travailler ». Traduction : nous gagnons du temps, car c’est tout ce que nous savons faire.

La loyauté avant tout

Mais ne soyons pas injustes : ce n’est pas l’incompétence qui est en cause, c’est la méthode. Pourquoi chercher des talents quand la fidélité suffit ? Pourquoi innover quand répéter les mêmes erreurs est si rassurant ? Pourquoi avancer quand tourner en rond garantit que personne ne perdra sa place ? Ainsi, le cercle se perpétue. La roue tourne, mais le char n’avance pas. Jusqu’à ce qu’un jour, le peuple, fatigué d’être spectateur de cette grande mascarade, décide qu’il est temps d’arrêter la ronde. Mais, d’ici là, dansez, bonnes gens, dansez !

Pourquoi ce statu quo ?

L’histoire des peuples n’est-elle pas ponctuée de révolutions, petites ou grandes, qui surgissent à l’issue de ce genre de danse absurde, où l’on nous fait croire que chaque tour de roue nous rapproche du but, alors qu’en réalité, nous stagnons là où nous sommes ? Chaque geste est calculé pour maintenir l’équilibre précaire d’un système en perte de vitesse, chaque faux mouvement risquerait de faire éclater l’illusion. Mais la véritable question que l’on fini par se poser est : à qui profite ce statu quo ?

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Dans ce contexte, la question n’est plus tant de savoir si l’on gouverne mal, mais pourquoi on gouverne si mal. Pourquoi ce dédain apparent pour l’innovation, la réflexion, la compétence ? La réponse est simple : dans ce système, la cooptation devient un gage de survie pour ceux qui sont en place. Un ministre qui coopterait un rival trop brillant risquerait de voir sa place vaciller. Un conseiller trop indépendant pourrait ouvrir la voie à la critique, voire au changement. La loyauté n’est donc pas qu’une qualité dans ces cercles fermés, c’est un impératif absolu.

L’apparence au service du pouvoir

Et cette loyauté a son propre langage, fait de petits gestes qui ne trompent personne : des sourires contrits devant les caméras, des déclarations vides de sens qui rassurent sans convaincre, des gestes symboliques qui masquent l’absence d’action véritable. L’apparence devient la priorité, et dans cet apparat, le fond disparaît. Ce qui importe, c’est d’occuper l’espace, de faire comme si, de faire croire que l’on agit, quand tout se réduit à un ballet de positions qui se déplacent dans le vide.

Le prix de l’immobilier

Mais ne soyons pas dupes : ce cirque, bien que divertissant, à un prix. La société, dans son ensemble, en subit les conséquences. Car si les ministères sont des clubs privés, ce sont les citoyens qui en sont les grands oubliés. Les décisions prises à huis clos ne concernent plus les réalités du terrain, mais les jeux de pouvoir internes. La fracture entre les dirigeants et le peuple se creuse, et l’écho de cette distorsion résonne dans les rues, dans les forums, dans les discussions de café Un peuple qui se sent exclu, qui voit ses préoccupations reléguées au second plan, fini par se désengager, par devenir spectateur de sa propre histoire.

Les ministères deviennent des machines à gérer le pouvoir, et non des outils pour résoudre les problèmes de la nation. Les réformes, quand elles ne sont pas purement cosmétiques, sont dénuées de toute substance, manquant d’ambition et de courage. Le courage de prendre des décisions impopulaires, de bousculer l’ordre établi, de remettre en cause les vérités confortables qui nourrissent ce système. Mais qui osait, en vérité, secouer l’arbre du pouvoir quand c’est cette inertie qui garantit des carrières, des privilèges, et une stabilité de façade ?

Le moteur du système : la peur

Les discours enflent, les promesses s’accumulent, mais le véritable moteur du système reste la peur : peur du changement, peur de la remise en question. Cette peur est partagée, du sommet de l’État jusqu’au plus bas échelon de l’administration. Chacun sait que remettre en cause l’ordre établi pourrait conduire à une désagrégation de tout le système. Alors pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi briser un équilibre précaire pour un vent d’idéalisme ? La gestion du pouvoir se transforme ainsi en une quête de survie.

L’arrogance et la caste dirigeante

Mais il y a un dernier élément à souligner dans cette mécanique bien huilée : l’arrogance. Dans ce système de cooptation, l’arrogance s’installe peu à peu comme une seconde nature. Ceux qui détiennent les leviers du pouvoir se croient au-dessus de tout, au-dessus des critiques, au-dessus des citoyens.

La classe dirigeante devient, de fait, une caste qui ne doute jamais de sa légitimité. Et cette légitimité n’est pas fondée sur l’action ou les résultats, mais sur la pérennité du système lui-même. Le simple fait de perdre dans cette course folle devient un gage de succès.

Le pire, c’est que cette arrogance se propage à tous les échelons, jusqu’à ce que chacun, de l’agent administratif à l’élu local, se sente au-dessus de la mêlée. Le peuple, quant à lui, semble se résigner. Il a appris à vivre avec ce sentiment d’impuissance, à attendre les « promesses » des élections suivantes, à rêver de réformes qui n’arrivent jamais.

Et pourtant, au cœur de cette dérive, il y a une vérité simple : le pouvoir véritable n’est pas de tourner en rond dans un cercle fermé, mais de sortir de ce cercle. La sortie du tunnel exige une rupture, un retour de perspective, un courage qui, pour l’instant, semble lointain, mais qui, un jour, pourrait surgir de la lassitude générale. Un jour, peut-être, cette danse de l’immobilisme se soldera par une chute, ou par un réveil brutal. Mais en attendant ce moment, le jeu continue, et la ronde tourne encore.

Rompre avec le cercle vicieux

Sortir d’un cercle vicieux et amorcer un cercle vertueux dans un système où la cooptation, l’immobilisme et la gestion du pouvoir par l’entre-soi semblent avoir pris racine nécessiter une rupture radicale et une réinvention de la manière de gouverner. C’est un défi immense, mais pas insurmontable. À l’aube de 2025, il est crucial de repenser les bases de la gouvernance pour passer du cynisme à l’action, du statu quo à la transformation réelle.

« Ce n’est pas en maintenant le statu quo que l’on crée l’avenir, mais en changeant ce qui ne fonctionne pas», disait John F. Kennedy

Dr A. Boumezrag   

1 COMMENTAIRE

  1. Excellent article très actuel et fort pertinent. C est un phénomène que l’on subit directement sans pouvoir faire quoi que ce soit.
    C’est horrible.

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