19 janvier 2025
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Quand la censure s’acharne : les éditions Frantz Fanon sous scellés

Il y a des lieux qui portent en eux l’âme d’un peuple. La librairie Cheikh, à Tizi-Ouzou, en faisait partie, avant que des scellés arbitraires ne viennent briser son souffle. Grâce au courage de lecteurs et d’amis indignés, ces entraves ont été levées. Mais à peine cette victoire arrachée, voici qu’un nouvel outrage vient frapper un autre bastion de la culture : les éditions Frantz Fanon, à Boumerdès.

Depuis le 14 janvier 2025, la porte de cette maison d’édition est cadenassée par un ordre de la wilaya. Sur ce scellé infamant, une accusation qui glace le sang : «Atteinte à la sécurité et à l’ordre public, atteinte à l’identité nationale, discours de haine ». Derrière ces mots, une volonté implacable d’étouffer des voix, d’effacer des idées, de tuer la liberté à petits coups de marteau-piqueur administratif.

Mais l’illégalité de cette fermeture ne fait aucun doute. Le responsable des éditions Frantz Fanon est déjà sous contrôle judiciaire pour ces mêmes accusations. Et un principe de loi, gravé dans le marbre du droit, interdit de juger ou de punir deux fois pour une même raison.

La wilaya de Boumerdès, en s’arrogeant le droit de sceller cette entreprise, ne viole pas seulement la loi, elle piétine l’espoir et l’effort de ceux qui ont fait des Éditions Frantz Fanon un phare de la littérature algérienne.

Car cette maison d’édition n’est pas une institution ordinaire. En quelques années à peine, elle a publié des dizaines titres, offrant un refuge aux écrivains audacieux, à ceux dont les mots dérangent, à ceux qui refusent de courber l’échine. À chaque foire internationale du livre, à Alger ou dans le monde, elle porte haut les couleurs de l’Algérie, dévoilant à la planète des plumes libres et vibrantes.

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Et c’est peut-être là, justement, que réside son « crime ». Son succès dérange, sa vitalité fait peur, sa liberté agace. Car dans un régime où la pensée critique est un luxe que l’on étouffe, réussir à porter une parole différente devient un acte de défiance.

Mais que diront les juges qui traitent déjà de l’affaire face à cette injustice flagrante ? Auront-ils l’audace de remettre la walie (préfète) à sa place, c’est-à-dire une place subalterne à celle de la Justice ? Vont-ils signifier à l’administration que ce sont toujours les juges qui doivent avoir le dernier mot ? Les écrivains vont-ils écrire et s’indigner pour défendre ce bastion de la culture, rappeler au pouvoir qu’une nation sans livres est une nation sans avenir ?

Il est encore temps de se battre pour les éditions Frantz Fanon, pour ce qu’elles représentent : une Algérie qui pense, qui crée, qui rêve. Ne laissons pas la censure enchaîner la liberté. À chaque livre interdit, c’est un espoir qu’on assassine. Et à chaque silence complice, c’est un peu de nous-mêmes que nous perdons.

Kamel Bencheikh, écrivain

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