L’Algérie, ce pays où les paradoxes s’érigent en système, semble avoir élevé la dictature au rang de bien public, accessible à tous et sans frais apparents. Pendant ce temps, la démocratie, perçue comme un idéal universel, se révèle être un luxe coûteux et hors de portée pour la majorité. Dans ce contraste saisissant, une question fondamentale s’impose : à quel prix la démocratie peut-elle triompher d’une dictature enracinée ?
La dictature, en Algérie, ne demande ni cotisation ni souscription. Elle s’installe et se perpétue avec une facilité déconcertante. Elle repose sur un système qui s’auto-alimente, où la répression n’est qu’un outil parmi d’autres pour maintenir le statu quo. En apparence, elle ne demande aucun effort financier : pas de campagnes publicitaires, pas de débats, pas de examens transparents. Mais en réalité, elle impose un tribut invisible et colossal.
Ce « modèle gratuit » est financé par le sacrifice des libertés fondamentales, la dilution de la dignité humaine et l’appauvrissement moral et économique du pays. Le prix à payer pour cette dictature est un avenir hypothéqué, une jeunesse bridée, une créativité étouffée. La soumission devient une norme implicite, un mode de vie imposé à une population désillusionnée.
Les élus de l’ombre : le luxe de l’impunité
Les bénéficiaires de ce système sont peu nombreux, mais leur entreprise est totale. Une oligarchie politique et économique, déguisée en élite, s’approprie les ressources du pays. Pour eux, la dictature est bien plus qu’un système ; elle est une assurance tous risques. Elle garantit leur impunité et leur pouvoir, sans exiger de comptes ni de transparence.
Pendant que les privilèges se multiplient au sommet, le citoyen lambda paie un prix bien plus élevé : chômage endémique, corruption systémique et un accès limité aux droits fondamentaux tels que l’éducation ou la santé. Le coût réel de cette dictature gratuite est la stagnation collective d’une nation aux potentiels inexploités.
La démocratie : un luxe rare et onéreux
La démocratie, en revanche, ne s’offre pas facilement. Elle exige des investissements massifs : en éducation, en infrastructure institutionnelle, et surtout en engagement citoyen. En Algérie, elle est perçue comme une denrée importée, rarement produite localement et souvent inaccessible pour la majorité.
Les quelques tentatives de démocratisation se sont heurtées à des résistances farouches. Chaque avancée est perçue comme une menace par ceux qui profitent du système en place. Les rares espaces de liberté sont surveillés, infiltrés, parfois anéantis, laissant une population désabusée face à un processus perçu comme truqué avant même d’avoir commencé.
Les élections : un spectacle sans surprise
Les élections, censées être le socle de la démocratie, ne sont souvent qu’une pièce de théâtre dont le dénouement est connu d’avance. Les promesses de changement se diluent dans des pratiques bien rodées de manipulation et de falsification.
Participer aux élections dans ce contexte, c’est accepter de jouer un rôle dans une mascarade où les citoyens votent, mais ne choisissent pas. L’acte de voter devient un acte vide, une formalité dépourvue de sens, et pourtant, il exige du temps, de l’énergie, et, dans certains cas, un courage face aux intimidations et aux pressions.
Le paradoxe algérien : quand la démocratie devient trop chère
Pourquoi la démocratie semble-t-elle inabordable en Algérie ? La réponse réside dans les fondations mêmes du système. Les institutions démocratiques, bien qu’elles existent en théorie, sont façonnées pour préserver le pouvoir en place. Elles ne servent pas le peuple mais agissent comme des vitrines, des façades qui masquent une centralisation totale du pouvoir.
Les Algériens qui osent revendiquer un changement payaient un prix élevé : véritables arrestations, surveillance et marginalisation. Ce coût, invisible dans les bilans financiers, est bien réel dans la vie quotidienne des activistes, des journalistes et des citoyens engagés.
Le prix du changement : entre résistance et espoir
La dictature peut sembler gratuite, mais elle coûte à la nation sa vitalité et son avenir. La démocratie, bien qu’exigeante, offre des perspectives infiniment plus prometteuses. Elle n’est pas un luxe réservé à une élite ; elle est un droit inaliénable. Mais ce droit, comme l’Histoire l’a souvent montré, n’est jamais offert : il est conquis par ceux qui refusent la démission.
Chaque pas vers la démocratie exige des sacrifices : du temps, des efforts, parfois même des vies. Mais ces sacrifices ne sont pas vains. Ils construisent les fondements d’un avenir où chaque voix peut réellement compter, où chaque citoyen peut vivre dans la dignité et la liberté.
La démocratie comme investissement collectif
L’Algérie se trouve à un carrefour décisif. Elle peut continuer à accepter la dictature comme un fardeau invisible mais pesant, ou investir dans une démocratie qui, bien que coûteuse, en vaut largement la peine.
Ce choix n’est pas seulement celui des élites ou des institutions ; c’est un choix collectif, porté par un peuple conscient de sa puissance et de son potentiel. La démocratie, malgré son prix, est le seul système capable de garantir un avenir meilleur.
Car comme le dit si bien l’adage : « Si vous trouvez que la démocratie coûte cher, essayez la dictature, et vous en paierez le prix toute votre vie. »
Dr A. Boumezrag