Malgré sa non-inscription à l’ordre du jour des travaux, l’affaire du Sahara occidental à l’origine du pourrissement des relations, depuis un demi-siècle, entre le Maroc et l’Algérie, s’est invitée à la 31e session du sommet de la Ligue arabe à Alger.
Décidément la question sahraouie colle au basque de la diplomatie algérienne. La question est entrée par effraction, même de façon informelle, dans le débat. Une intrusion favorisée par la polémique suscitée autour de la publication sur le site de la télévision publique algérienne AL24 News d’une carte géographique des pays dits arabes amputant le Maroc du Sahara occidental que ce pays considère comme son entité territoriale.
« Une erreur technique » s’est empressé de répliquer le média algérien surpris par la prompte mise au point du secrétariat général de la Ligue arabe qui a vite fait d’éteindre le feu de la polémique évitant, de la sorte, des débordements susceptible de nuire au sommet d’Alger et opposant deux pays rivaux entre qui la guerre de mots est engagée depuis plusieurs mois. Cette polémique renseigne sur la fragilité des autorités algériennes dans cette affaire. Autrement, comment expliquer les rétropédalages et la multiplication de démentis de leur part ?
Si les motifs de la discorde n’ont jamais manqué entre le Maroc et l’Algérie qui a rompu ses relations diplomatiques avec son voisin de l’ouest depuis 2021, « l’erreur » de la carte diffusée par la télévision publique algérienne AL24 News a exacerbé un peu plus les tensions que les deux pays n’ont pas réussi à escamoter lors du rendez-vous des Etats participants à la 31e session de la Ligue arabe d’Alger.
Pour le Maroc dont la délégation était présente à la réunion des ministres arabes des affaires étrangères pour préparer la rencontre des chefs d’Etat, il s’agit d’une erreur de lèse-souveraineté territoriale. Ce que son chef de la diplomatie, Nacer Bourita, présent à Alger ne s’est pas privé de dire haut et fort. Il n’a pas laissé l’occasion pour élever une protestation auprès des instances de la Ligue arabe. Cet « impair » diplomatique causé par la chaine de télévision publique a été un prétexte tout trouvé par les autorités marocaines pour créer la zizanie.
Une grosse polémique qui, visiblement, procède d’un plan de communication savamment orchestré par Alger et Rabat, s’en est suivie. Les deux pays s’étaient déjà écharpés sur les conditions de l’accueil réservé à la délégation marocaine. Celle-ci a reproché à la partie algérienne qui organise le sommet une entorse aux règles protocolaires en ayant manqué d’égards à ses membres.
La Ligue arabe s’est mise de la partie, pour circonscrire l’incendie qui ira grandissant et dont les médias s’en sont fait largement écho. L’instance dirigée par l’Egyptien Ahmed Aboul Gheit est montée rapidement au créneau pour se démarquer en des termes clairs de la publication de la carte diffusée par le média algérien qui reconnaîtra avoir commis « une erreur technique ».
Erreur de bonne foi ou provocation, la chaîne algérienne AL24 News s’est fendue d’un communiqué où elle a présenté ses excuses, reconnaissant « avoir utilisé une carte non approuvée par la Ligue arabe ».
De son côté, l’organisation panarabe, qui, elle aussi a publié un communiqué, usera de termes tranchants et vifs, en affirmant qu’elle n’a « aucun partenaire médiatique » pour la couverture du sommet arabe organisé par l’Algérie. « L’organisation panarabe n’adopte pas de carte officielle sur laquelle figurent les frontières politiques des pays arabes, y compris celles du Royaume du Maroc.
Elle adopte plutôt une carte du monde arabe sans montrer les frontières entre les pays afin de renforcer le concept d’unité arabe », précise le communiqué dont la rhétorique et le choix des mots montrent qu’il y a plus d’une démarcation de la part de la Ligue arabe qui entend rester à équidistance entre les deux pays rivaux de la région du Maghreb qui se déchirent depuis plus d’une cinquantaine d’années à cause de la question du Sahara occidental.
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Paradoxalement, le conflit qui compte parmi les nombreux sujets de discorde qui agitent les pays de la sphère arabe et sur lequel cette organisation s’est toujours gardée d’adopter une position officielle, a pesé sur les travaux de la session d’Alger même si les deux protagonistes n’ont pas réussi à l’inscrire à l’ordre du jour du conclave des chefs d’Etats arabes qui se poursuit pour le deuxième jour au Palais des congrès de la côte ouest algéroise.
Le dossier du Sahara comme, d’ailleurs, ceux de la Palestine, de la Syrie, de la Libye, du Yémen divisent les pays membres dont beaucoup, notamment ceux du Golfe, soutiennent ouvertement la thèse du Maroc sur la question du Sahara occidental.
Une question, à l’instar de processus de normalisation des relations avec l’État hébreux engagé par plusieurs pays arabes qui ne sera pas évoquée lors du sommet d’Alger qui se terminera aujourd’hui 2 novembre par l’adoption d’un document de clôture qui comportera toutes les résolutions adoptées par les chefs d’Etats et souverains arabes qui ont pris part au conclave de deux jours.
Samia Naït Iqbal