La visite de Tebboune en Russie la semaine dernière restera dans l’histoire comme celle de Bensalah au cours de laquelle ce dernier s’excusait presque des manifestations qui avaient lieu en Algérie.
Cette visite avait officiellement pour objectif de renforcer le « partenariat stratégique » entre Moscou et Alger. Une visite que le Kremlin qualifie « d’historique« . C’était la première depuis celle d’Abdelaziz Bouteflika, en 2008.
Contre toute attente, Tebboune a d’ailleurs été accueilli en grande pompe sous les ors de la salle Saint-Georges du grand Palais au Kremlin, avant d’être salué par une standing ovation au Forum économique de Saint-Pétersbourg, dont il était l’invité d’honneur. Il faut croire qu’il y avait de quoi. Poutine avait déconnecté Tebboune et le régime algérien de Paris pour l’arrimer à ses visées. Macron devrait manger du pain noir.
Avec une mise en scène bien soignée, Vladimir Poutine a voulu montrer aux yeux du monde qu’il n’est pas un dirigeant isolé. Depuis le début du conflit en Ukraine, Moscou soigne ses relations en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Cela ne pouvait tomber mieux pour un Abdelmadjid Tebboune qui se cherche une stature qui lui échappe depuis décembre 2019. Il enfile alors de bonne grâce et avec jubilation le costume et les manières du courtisan, au point de prononcer, sur la scène du Forum économique, cette phrase qui lui vaut d’être tourné en ridicule sur les réseaux sociaux : « Son excellence le président Poutine est l’ami du monde entier« . L’intéressé grimace, l’air de dire « Oui… Bon… Enfin, pas de tout le monde quand même« . Lui-même a eu l’air un peu gêné par tant de servilité.
« Les Algériens sont nés libres et le resteront dans leurs décisions et leur comportement« , a par ailleurs répondu le président algérien à une question sur d’éventuelles pressions occidentales. Tebboune ne s’arrête pas en si bon chemin en matière de flatterie. Il enfonce le clou : «Poutine est un ami de l’humanité». C’est peu dire pour un dirigeant qui a rasé Grozny, la capitale de la Tchéchénie, envoyé ses soldats pour sauver le règne du dictateur Bachar Al Assad…
La veille, Tebboune avait été encore plus précis : « Aujourd’hui, il y a une conjoncture et peut-être des pressions internationales, mais cela n’impacte pas notre amitié ». Cette déclaration a valeur de bravade envers l’Occident en conflit avec la Russie.
Mais le président russe ne perd pas le nord. Il a surtout besoin de l’Algérie et de son argent, pas de flatteries dont il n’a que faire. L’Algérie est son troisième plus gros client en matière d’armement après la Chine et l’Inde. Depuis 2ans l’Algérie intensifie considérablement sa modernisation militaire – son budget 2023 a augmenté de 120% par rapport à l’an dernier.
Quant à la Russie, elle est sérieusement éprouvée par les sanctions internationales et moins performante en matière de défense. Isolé sans marchés internationaux, Moscou ne veut pas voir cet argent lui échapper. Ce qui arrange au demeurant les dirigeants algériens, habitués à marchander avec les Russes.
Sofiane Ayache avec agences