La guerre en Ukraine, avec son inévitable lot de pertes humaines et matérielles, de déplacement de population, est une des abominations que sait produire le genre humain lorsqu’il est en panne d’idées.
1.De l’origine de la crise
L’invasion d’un pays quel qu’il soit ne peut être que condamnable parce qu’elle utilise la loi du plus fort en cours dans la jungle mais que l’homme civilisé, sorti de sa nature sauvage, aurait dû abandonner depuis lors.
Comment comprendre cette guerre et son origine ? En apparence et tel que nous l’explique l’ensemble des médias en France, un petit pays, l’Ukraine en l’occurrence, est envahi par un grand méchant pays, la Russie, dirigé par un dictateur. L’Ukraine, pays démocratique, défend la démocratie. Il défend aussi son droit légitime d’état indépendant et donc libre de ses choix, d’adhérer à tout pacte y compris militaire comme l’OTAN.
C’est tellement simple et limpide que toute personne, émettant quelques doutes ou simplement se posant des questions, est sommée de suivre le courant sous peine d’excommunication. Le terrorisme médiatique veille.
Cependant l’Histoire nous a éduqués à nous méfier des idées trop simples, surtout travaillées par une bien-pensance excommuniante. Bien de postures individuelles ou collectives trouvent leur source dans un vécu historique.
Au XXe siècle, le monde était divisé en deux blocs antagonistes. Les pays occidentaux, Amérique du Nord et Europe Occidentale, étaient regroupés en un bloc dit capitaliste. Les pays d’Europe de l’Est, l’URSS et la Chine formaient le bloc dit socialiste. Ces blocs s’appuyaient sur des alliances militaires, l’OTAN pour les pays occidentaux et le pacte de Varsovie pour les pays socialistes (sauf la Chine). Les autres pays du monde, sauf certains qui étaient satellisés par un bloc ou l’autre, formaient le bloc des pays non-alignés.
Cuba, petite île des Caraïbes, était sous l’influence des Etats-Unis qui maintenaient au pouvoir un petit dictateur Batista. Cuba ressemblait alors à ce que les jeunes de maintenant peuvent voir dans certains États voisins, Haïti par exemple. Une révolution éclata et arriva à faire fuir le dictateur et à prendre le pouvoir en 1959. Le but des révolutionnaires était de redonner un peu de dignité au peuple cubain en chassant les exploiteurs et la mafia étatsunienne qui a fait de Cuba le lieu de débauche des américains.
Les Etats-Unis ont alors mis tous les moyens pour renverser le nouveau régime, y compris une invasion militaire, dite « de la baie des cochons » en avril 1961 et soldée par un échec. Suite à cette invasion militaire et se sentant menacé, Cuba, pays indépendant et libre de ses choix, s’est rapproché du bloc socialiste pour se défendre. Cuba usait ainsi d’un droit des plus légitimes.
Il a demandé l’aide de l’URSS qui a profité pour y installer en 1962 des fusées à tête nucléaire, soit à moins de 200 km des côtes des USA. Par-là, l’URSS répondait à l’installation de rampes de missiles en Turquie par les Etats-Unis à la fin de l’année 1961, la menaçant directement.
Les Etats-Unis, après avoir consulté ses partenaires occidentaux et avec leur appui, a menacé d’une guerre nucléaire l’URSS si elle ne retirait pas ses fusées de Cuba. Le monde était vraiment au bord d’une guerre nucléaire qui l’aurait entièrement détruit.
A l’époque, les dirigeants mondiaux étaient assez sages pour ne pas en arriver à cette extrémité. L’URSS ayant accepté de retirer ses fusées en échange d’un retrait des rampes américaines de Turquie.
Le dénouement de cette affaire n’aurait-il pas donné l’exemple de ce qu’il fallait faire en Ukraine ?
Les 2 affaires sont en effet essentiellement identiques. Un petit pays libre et indépendant, l’Ukraine maintenant, Cuba avant, se sentant menacé par le grand voisin, se rapproche d’un bloc opposé. C’est son choix souverain.
Les dirigeants occidentaux avaient compris l’inquiétude des Etats-Unis à l’époque de la crise cubaine. Ils avaient soutenu les Etats-Unis dans sa menace d’arriver à une guerre nucléaire. Comment alors, ne comprennent-ils pas l’inquiétude actuelle de la Russie face à la menace d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN, impliquant l’installation de bases de l’OTAN à la frontière de la Russie ?
S’ils ne comprennent pas cette inquiétude, si leur mémoire est soudain défaillante, c’est que les intérêts sont ailleurs et autrement plus importants que le risque d’une guerre avec son lot de morts, de blessés, de destructions, de déplacement de population, de réfugiés.
Il semble que s’engager à ne pas admettre l’Ukraine dans l’OTAN pour rassurer le grand voisin était beaucoup plus coûteux que cette guerre.
L’admission de l’Ukraine dans l’Union Européenne sans sa militarisation n’aurait-il pas été plus avantageux pour les Ukrainiens et les Européens ? L’Histoire nous apprendra plus tard pourquoi les Occidentaux ont répondu négativement à cette question. (A suivre)
El-Bootouri