23 novembre 2024
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Quelques secrets sur la longévité de Bouteflika 

Chronique du temps qui passe

Quelques secrets sur la longévité de Bouteflika 

1.  Il y a quinze ans, il promettait de faire de l’Algérie l’Eden africain. 
Aujourd’hui (*), la Banque d’Algérie nous annonce notre entrée en enfer : dans sa note de conjoncture économique pour le premier trimestre 2014 publiée lundi 4 août, elle nous confirme ce que l’on redoutait : avec la baisse des revenus pétroliers, notre pays s’installe dans le noir. Comme il y a quinze ans, l’Algérie ne sait toujours rien faire d’autre que de vendre du pétrole. Du pétrole et pas autre chose. Bouteflika, à la différence de ceux qui l’ont précédé, a fait du pétrole le moteur de sa stratégie de pouvoir : le pétrole pour acheter la paix sociale, le pétrole pour inonder les souks et flatter les estomacs, le pétrole pour enrichir la pègre pétrolière internationale et s’assurer de son amitié, le pétrole pour s’offrir une réputation… Le pays qui consacrait une enveloppe de 8 milliards de dollars aux achats à l’étranger sous Zéroual, en dépensait presque sept fois plus sous Bouteflika : plus de 55 milliards de dollars en 2013. C’est le prix de la tranquillité.

Pourquoi produire, dans ces conditions ? Le choix du clan Bouteflika était fait : alliance avec les barons du marché informel, les seigneurs de l’import ; au diable les managers investisseurs ! A son arrivée, en 1999, l’Algérie était dépendante à 98% du pétrole ; quinze ans plus tard, nous sommes toujours dépendants à 98% du pétrole. Le choix de l’équipe au pouvoir fut de privilégier l’économie rentière et l’économie de création de richesses. Une usine ça met du temps à se monter tandis qu’un conteneur arrive en 48 heures au port. 

2. Il y a quinze ans, il promettait de faire de l’Algérie le plus grand dragon arabe et africain. 
Comme les Coréens, plus grand dragon d’Asie, devenus treizième puissance économique mondiale en quinze ans ! Quinze ans ! Le temps passé par Bouteflika à nous gouverner. 

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A défaut d’être les dragons de l’Afrique, nous en étions devenus l’Oncle Picsou. Il y avait tellement d’argent dans les caisses et si peu de projets, que nous en avons prêté au Fonds monétaire international ! Il faut dire qu’en 2011, l’excédent commercial était de 20 milliards de dollars. Un pactole en ces temps de Printemps arabe et de menaces sur les autocraties ! « Bouteflika dégage ! » ? Mais pourquoi, quand il y a tellement d’argent pour tous ?
On garda Bouteflika et ses milliards. Bouteflika et son absence de vision. 

On oublia que le pétrole c’est comme un mensonge, que son effet ne dure qu’un temps. 
L’alerte de la Banque d’Algérie du 4 août dernier rappelle que l’Algérie n’a plus les moyens de sa politique. Oncle Picsou est sur la voie d’être ruiné. Le pétrole cher, c’est fini ! Le pays dépend à 98% du pétrole mais le pétrole ne rapporte plus comme avant. Il se raréfie : les quantités d’hydrocarbures exportées ont baissé de 7,3%, en 2013. Nos jours sont comptés. Sauf miracle, bien entendu. Mais en économie, les miracles se construisent.

Chez nous, en quinze ans, il ne s’est rien construit de solide. Sauf, peut-être une équipe de football, avec des gamins nés en France, formés en France et qui jouent pour nous, le temps d’une Coupe du monde, le temps d’oublier qu’on ne sait rien faire que de vendre du pétrole, que nos jours sont comptés et que les miracles se construisent. 

Le marché s’était retourné brusquement, résultat de la crise financière mondiale, de la constitution d’importants stocks de pétrole aux Etats-Unis et de l’offre additionnelle de sources d’énergie non conventionnelle. En plein feuilleton Val-de-Grâce, pendant qu’on suivait les matches de qualification pour la Coupe du monde de football, on apprit la chute effarante de l’excédent commercial passé de 20 milliards de dollars en 2011 à 0,13 milliards de dollars. Il y avait moins de pétrole à vendre, les prix étaient en baisse et l’Algérie importait toujours plus avec moins de rentrées. 
Nous sommes coincés.

3. Mais cette note du 4 août finira dans la poubelle, comme toutes celles qui l’on précédée. 
Les dirigeants politiques n’aiment pas qu’on leur mette sous le nez leurs échecs puisque, comme chacun le sait, nous vivons dans le plus beau pays du monde, sous la protection de gouvernement vigilant.
Quand une bouche plus courageuse que d’autres formule une vérité, elle est immédiatement  
contredite par les virtuoses du poker menteur.

L’ex-PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, qui sait de quoi il parle, annonce que les gisements de pétrole sont en « déclin » et les réserves sont « modestes » ? Il est immédiatement contredit pas son ministre de tutelle, Youcef Yousfi pour qui « l’Algérie continuera à produire du pétrole et des hydrocarbures en général pendant « de longues années encore ». Et lorsque le ministre des Finances, Karim Djoudi laisse entendre qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses, que les salaires comme les pensions ne seront plus augmentés, il est aussitôt recadré par le chef du gouvernement, Abdelmalek Sellal, qui jure ses grands dieux que tout va à merveille dans ce territoire coupé du monde qui s’appelle l’Algérie. Et puis, nous  qui ne sommes jamais devenus dragons de rien, ou alors un dragon édenté, nous sommes quand même plus forts que la Corée, dragon asiatique !  Qui n’a dansé, au deuxième but de Halliche ? 

En quinze ans, la Corée a appris à vendre la dernière technologie ; nous, des illusions. 
Pour notre grand malheur, un match de football ne dure que 90 minutes ; le mandat de Bouteflika, cinq ans. 
Une Coupe du monde s’achève au bout d’un mois, le règne de Bouteflika, jamais.

M. B.

(*) Chronique publiée le 8 juin 2014

Auteur
Mohamed Benchicou

 




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