Les récentes agressions et cas de violence urbaine survenus à Alger et à Dély Ibrahim ont mis en lumière la réactivité des autorités judiciaires lorsqu’elles sont interpellées par des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux.
Si la célérité de l’action publique rassure une opinion sensibilisée aux faits de violence urbaine, elle interroge aussi sur les conditions dans lesquelles la justice se saisit de ces affaires et sur la durabilité d’une telle dynamique.
Des réponses immédiates à deux agressions
La première affaire a eu lieu sur une autoroute à Alger, où un couple a été pris à partie par plusieurs individus. Le parquet d’El Harrach a ordonné la mise en détention provisoire de cinq suspects, dont deux mineurs, poursuivis pour mise en danger de la vie d’autrui et entrave à la circulation. La diffusion des images a joué un rôle déclencheur, accélérant la réaction judiciaire.
À Dely Ibrahim, quelques jours plus tard, une tentative de vol de sac à main a suscité une mobilisation similaire. Le tribunal de Bir Mourad Raïs a ordonné l’arrestation d’un mineur et lancé un mandat d’arrêt contre son complice majeur. Là encore, la viralité de la vidéo a précipité la prise en charge du dossier.
Les réseaux sociaux comme catalyseurs de justice
Ces deux affaires illustrent le rôle croissant des réseaux sociaux dans la mise en mouvement des institutions. Les plateformes numériques agissent comme un canal d’alerte citoyenne, tout en exerçant une pression symbolique sur les autorités, incitées à montrer leur efficacité.
Cette logique n’est pas propre à l’Algérie : en France, aux États-Unis ou encore en Inde, plusieurs enquêtes criminelles ont été accélérées ou réorientées après la diffusion massive d’images en ligne. Le phénomène est désormais mondial.
Le risque d’une justice sélective
Mais cette dynamique pose une question sensible : toutes les victimes bénéficient-elles de la même célérité lorsqu’il n’existe pas d’images virales ? Le risque est celui d’une justice à deux vitesses, où la visibilité médiatique devient un facteur déterminant dans le traitement des affaires. En Algérie, où les lenteurs procédurales et le manque de moyens de l’appareil judiciaire sont régulièrement dénoncés, cette dépendance à la viralité pourrait accentuer les disparités.
Des limites structurelles persistantes
Au-delà des cas spectaculaires relayés en ligne, la justice algérienne reste confrontée à des défis structurels : surcharge des tribunaux, pénurie de magistrats, lenteur des procédures, et difficulté à instaurer un travail de proximité avec les citoyens. Sans un renforcement durable des moyens humains et techniques, la réactivité observée dans certaines affaires risque de rester l’exception plutôt que la règle.
Un signal adressé à l’opinion publique
En sanctionnant rapidement les auteurs présumés, les parquets d’El Harrach et de Bir Mourad Raïs ont voulu adresser un message clair : les actes de violence ne resteront pas impunis. Mais ce signal à l’opinion publique ne pourra produire des effets durables que si la justice parvient à se montrer équitable et efficace dans l’ensemble des dossiers, indépendamment de leur visibilité sur les réseaux sociaux.
La rédaction