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lundi 20 octobre 2025
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 Rebond : La fabrique des crétins universitaires ! », dites-vous 

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Cher Monsieur Gharnati, Enseignant retraité, je m’estime encore concerné par vos propos : « La fabrique des crétins universitaires ! » et ne saurais rester indifférent, sauf à renier mon passé d’écolier, de collégien…, d’universitaire.

Parcourant fiévreusement d’un trait votre texte, je l’ai perçu comme un pavé jeté dans la mare. Mais je crains que la mare ne soit trop visqueuse, trop engluée, pour pouvoir manifester un quelconque remous. Et c’est une mare vautrée au creux d’une léthargie bavarde que rien ne peut ébranler, une mare indifférente au reflet des saisons qui se mirent narquoisement à son aplomb, une mare déjà « glauque », affreusement eutrophisée et qui ne peut générer le moindre soubresaut vital qui reste à espérer …

Par-delà tout lyrisme, voilà mes objections énoncées en quelques alinéas qui pourraient vous paraître véhéments à l’endroit de votre pertinent billet, à savoir :

  • Portée de votre intitulé : « La fabrique des crétins universitaires ! »
  • « Crétins universitaires » ?
  • Télescopage entre foi et raison, au chant de قَسَمًا
  • Une polyphonie discordante
  • Un constat désobligeant
  • Au-delà de votre constat
  • Ce qui a échappé à votre constat 

Portée de votre intitulé : « La fabrique des crétins universitaires ! »

Vos propos portent essentiellement sur le corps enseignant, vaguement sur les institutions : ministre, wali, recteur sont évoqués du bout des lèvres. Vous aviez été sans doute vous-même universitaire, jusqu’à devenir un journaliste capable d’aligner des assertions percutantes. Et ce sont bien les enseignants universitaires qui vous ont formé au journalisme. N’est-ce pas ? Apparemment, ils vous ont suffisamment instruit à écrire drôlement bien, sur un ton plaisant et même sarcastique. Tous les ministres et directeurs centraux de la haute administration étaient des universitaires. Convenez donc que tous ces universitaires ne sont pas tous des crétins – et certainement pas des idiots. Il y a là un problème avec l’intitulé de votre article. Vous semblez restreindre le crétinisme exclusivement aux enseignants que vous pointez d’un doigt accusateur, les offrant en pâture…

« Crétins universitaires » ?

Ce n’est certainement pas la faute à l’Université que vous qualifiez « d’enclos pour adultes », ni au corps enseignant que vous stigmatisez de « chercheurs qui ne cherchent rien », si de très nombreux médecins, que vous traitez de « crétins universitaires », se trouvent au chômage, contraints de s’exiler. Le crétinisme prend racine bien plus loin, ailleurs que dans le champ universitaire, ici et là, dans la pesante oisiveté face à une grave carence d’activités socioculturelles. Vous semblez imputer le crétinisme exclusivement à une médiocrité des universitaires. Il y a certes des enseignants médiocres comme partout ailleurs. « Tous commandent, personne ne produit. », affirmez-vous d’emblée. Pas tous, seulement quelques-uns… Et en guise de production, ils co-signent les articles de leurs thésards : « les seuls qui subissent à genoux dans la poussière de [leur] fiches jaunies », reconnaissez-vous. Vous semblez ignorer qu’il y a de très bons enseignants, significativement nombreux, certes pas la majorité. Plusieurs universités sont de plus en plus visibles au-delà des frontières et reconnues par des publications dans des revues internationales de renom. 

Télescopage entre foi et raison, au chant de قَسَمًا

Le déroulement des exposés s’ouvre par un « mélange des genres : verset du Coran, hymne national » que vous dénoncez courageusement. Il y a là, en effet, un prosélytisme exhibé à tout bout de champ, pour intimider quelques velléités, parfois pour agresser quelques voix plus audacieuses. Un peu plus, et on obligerait le chirurgien à poser son scalpel, le temps de l’appel à la prière. Il y a là, comme vous le constatiez, une forme de « subvention » sur le serment de la foi, au mépris de « la substance » qui reste à générer scientifiquement par les voies de l’observation et de la déduction fondée en raison. Aujourd’hui encore, la religion s’interroge sur le rapport de la croyance à la raison déductive. Et c’est une question encore ouverte dont la réponse est loin d’être triviale. Entre science et religion, il y a une antinomie irréductible qui reste à considérer dans les limites de l’entendement, tout autant que celles de la foi. 

Une polyphonie discordante

Un tout autre mélange des genres, que vous dénoncez si bien, est le discours polyglotte, harassant, creux, en peine de consistance, en peine de substance, mixant l’anglais et le français truffé de dardja. Il est à craindre qu’on ne devienne analphabète trilingue, alors que nos voisins sont tout au moins parfaitement bilingues. Là est le mérite de votre implacable constat que nous ne saurions ignorer, ni même négliger. D’emblée, vous affirmez « qu’on ne [nous] lit nulle part ». Ayez maintenant la bienveillance de nous donner la possibilité de nous exprimer médiatiquement, comme vous l’aviez fait brillamment. C’est alors que vous pourriez aisément nous juger sur ce que nous écrivons. 

Un constat désobligeant

Par-delà votre ton éprouvé dans un réalisme cru par lequel vous dénonciez courageusement des comportements malsains (« doctorats achetés, plagiés, pléthore de docteurs, carence de penseurs …), j’ai trouvé dans votre amer perception quelques vérités irréfutables. Votre constat est bien réel. Et il faut bien le reconnaître, sauf à se boucher la vue. Cependant, votre appréhension de la vérité ne va pas plus loin que la description des faits que vous tentez de restituer objectivement. Et c’est déjà bien. Et vous êtes bien dans votre rôle ! En vous limitant sciemment à une description objective des faits – ce qui n’est pas toujours facile – votre constat ne parvient à proclamer qu’une demi-vérité. 

Votre billet décrit des faits largement connus. Votre mérite est d’avoir pointé des méfaits, sans pouvoir vous interroger fermement sur les circonstances qui les ont générés. J’ose espérer qu’ils susciteront des échanges constructifs. J’aurais voulu que votre constat eu été éprouvé par les enseignants eux-mêmes et d’expurger ainsi leur noble mission de pratiques malsaines. N’ayons crainte, le pouvoir a besoin de nos critiques pour mieux se regénérer…

Au-delà de votre constat

Il vous reste à avouer les causes. Les voici en quelques mots : Ce qui nous « manque cruellement », ce n’est pas tant « l’intelligence vivante », mais un projet de société possible et acceptable, fondé sur deux idées de base porteuses d’émancipation et d’espérance, à savoir : l’éducation et la santé. Là est notre prospérité, notre bien-être. Que serions-nous sans l’école, sans la médecine, sans l’université ? Là est la question fondamentale. Ce n’est pas à l’école, en tant que telle, qu’il faut s’attaquer ; ce serait même une grave erreur, comme le déplore JP Brighelli. Apparemment, vous n’avez pas bien saisi les faits qu’il dénonce vigoureusement, s’insurgeant courageusement contre tout un système éducatif qui tend à infantiliser les enseignants. Brighelli ne s’attaque pas exclusivement aux enseignants, quand bien même il pourrait se le permettre, lui-même étant un brillant agrégé de Lettres.

Ce qui a échappé à votre constat 

Permettez-moi de soulever un tout autre problème inquiétant, celui du rapport entre temps scolaire et temps des vacances. Depuis notre Indépendance, jusqu’aux années 70-80, les écoles, lycées… et universités étaient intensément fréquentés. Il faisait bon d’y vivre. Et nous y restions tard le soir pour des cours de promotion sociale et même pour se détendre par des loisirs et toutes sortes d’activités culturelles. Maintenant, tous ces lieux d’acquisition des connaissances et d’épanouissement sont désertés dès cinq heures de l’après-midi, au profit d’autres où règne une grande propreté, une grande sérénité. Entendez, cher Monsieur, que je n’ai rien contre ces lieux de recueillement, étant élevé dans un islam ultra-rituel. Je souhaite simplement que la libre fréquentation des uns ne doit pas inhiber la nécessité de la fréquentation des autres, mais devraient aller plutôt la main dans la main comme l’affirme le Saint Coran… 

J’observe, avec amertume, une réduction du temps de scolarité effective depuis au moins une trentaine d’années. Je suis peiné de voir nos enfants abandonnés à un total désœuvrement durant de long mois d’étouffement, de fin mai à fin septembre, particulièrement pour les filles, pendant que les garçons sont contraints au « trabendisme », à défaut d’activités culturelles. « Oisive jeunesse / A tout asservie, / Par délicatesse / J’ai perdu ma vie. / Ah ! Que le temps vienne / Où les cœurs s’éprennent… » se lamente le poète disparu. En considérant les vacances d’hiver et de printemps, l’année scolaire se réduit tout au plus à 7 mois. Il y a là un désengagement du Système éducatif très dommageable vis-à-vis de l’école faite en principe pour nous construire, pour nous donner à comprendre, voire à réfléchir, à nous émanciper, là est notre graal, notre esthétique, notre humilité. 

Aussi, permettez-moi de me présenter à vous en quelques mots : Enseignant à l’INA durant 20 ans où j’ai eu à monter un centre de calcul, puis MC à Paris VI durant 3 ans, au Rectorat de Rouen durant 8 ans, Hydrogéologue agréé en Haute Normandie et en Ile-de-France durant 20 ans… Adhérant à l’AFPS et à l’UP2V, participe à un atelier philo de l’INRIA depuis une dizaine d’années. Retraité depuis 2020, je me suis mis à écrire ce qui me passe par la tête, avec une liberté de parole parfois à mes dépens, Sinon comment s’émanciper ?

Veillez pardonner mon lyrisme, parfois mélancolique, comme une espèce de prière qui m’habite à mon insu. Là est ma faiblesse, ma blessure, ma musique intérieure. Je vous serai très reconnaissant de bien vouloir publier mon texte comme « droit de réponse ». Dans cette attente, recevez cher Monsieur mes cordiales salutations. 

Abdallah Khammari

Google Books : A. Khammari s’est consacré à la description des systèmes hydrologiques et à la protection des captages d’AEP, assurant diverses consultations UNESCO, SOFRCO, ANRH… Il est aussi l’auteur d’un essai épistémologique sur Bachelard et la mathématique des sciences expérimentales paru en 2021 et d’un Plaidoyer pour l‘Hydrosphère, 2024, chez L’Harmattan. 

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