Vendredi 8 janvier 2021
Recyclage de l’échec, propagande et autoritarisme
Nous vivons dans une société déboussolée. Surmonter l’échec économique dans un pays riche ce n’est pas discourir.
Le ministre de la Prospective vient d’annoncer le plan 2020-2024 avec les leviers de la relance économique, sans préciser pour autant le modus operandi. Le soin est laissé à ses nombreux collègues du gouvernement de trouver les voies et moyens. Il est question de sortir le pays de la dépendance aux hydrocarbures avec « la réduction des importations de 10 milliards de dollars dès 2020 et la réalisation d’au moins 5 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2021 ».
Entretemps, la Cour des comptes affiche ses rapports sur la gestion des deniers publics, fustigeant des défaillances en matière de gestion, et relevant qu’en matière de reddition des comptes des amendes de 6 187 000 DA ont été prononcées contre des gestionnaires publics pour violation des dispositions législatives et réglementaires.
On voit déjà qu’il est aisé de savoir par où commencer si l’on veut relancer l’économie.
Par ailleurs, selon le Fonds monétaire international, l’économie algérienne devrait subir une récession de 5,2 % en 2020 et enregistrer un déficit budgétaire élevé, avec des pertes d’emplois massives et une incessante dépréciation de la monnaie.
Le temps est donc venu de passer aux actes.
Vouloir tout ordonner, contrôler, réguler, réglementer, administrer, encadrer, sans en avoir ni les moyens ni la capacité, n’est pas une voie.
La réalité est contraignante : sur 380 000 entreprises créées dans le cadre du dispositif Ansej, plus de 70% sont en crise et n’arrivent pas à rembourser leurs crédits, selon le ministre délégué chargé de la micro-entreprise.
Pour l’instant, nous assistons à la signature de multiples conventions entre départements. C’est de la gesticulation bureaucratique ; mais cela ne relance pas l’économie. Améliorer le climat d’investissement, ça fait des années qu’on en parle, la numérisation, la réforme bancaire, la transparence de l’action publique, etc… sont autant d’Arlésiennes épuisées.
Le président de la République avait indiqué les moteurs d’une relance : les mines, l’agriculture saharienne, l’industrie pharmaceutique, les énergies renouvelables, les start-up et micro-entreprises. Pourtant on reparle encore de «meilleure valorisation des ressources naturelles et de prise en compte des impacts environnementaux dans une logique de développement durable ».
Si un ministère de l’Industrie passe une année à élaborer des cahiers de charge, il ne lui reste plus de temps pour concevoir une stratégie de création d’industries, encore moins pour promouvoir les exportations !
Les discours ésotériques «d’experts internationaux », sont stérilisants et sans prise sur le réel.
Le bon sens n’a nul besoin d’expertise. Keynes en a donné la meilleure preuve. Le bon sens veut de l’action ; pour cela il exige une volonté politique. Celle-ci consiste à libérer le champ politique à travers une approche territoriale.
Le rôle de l’Etat, et de son administration, c’est d’offrir un cadre et des moyens pour assurer coopération et compétition entre régions économiques.
La régionalisation ne peut être perçue comme un danger pour l’unité du pays ; elle peut assurer de contre-pouvoirs en développant d’autres centres de décision.
Des consensus politiques pourront être construits, et les organisations régionales produiront du travail. Créer des coopérations entre régions favorise la compétition, stimule l’initiative, et provoque la création de richesses par la complémentarité et non plus des directives centralisées et unilatérales.
Si on veut survivre, il faut pratiquer le partage et la coopération. Par l’autoritarisme, la propagande totalitaire et l’injonction, aucun pouvoir ne dure.
Bouteflika croyait pouvoir durer par la propagande. Ça lui a coûté cher.
La propagande ne peut être le seul outil de gouvernance. Encore moins l’absence d’écoute, le déni de justice et la prise en charge du réel.
O.B.