Dimanche 16 février 2020
Remplacer l’or noir par l’or jaune : le pari (im) possible du président Tebboune ?
Abdelmadjid Tebboune. Crédit photo : Zinedine Zebar.
Le président de la République en est convaincu, le tourisme est désormais un secteur stratégique et la préparation de l’Algérie à la période post-pétrole s’impose.
A cause déjà du syndrome de la dépendance quasi-totale de l’économie pétrolière et également de l’abondance de ressources de développement hors hydrocarbures non encore, ou insuffisamment exploitées, susceptibles d’offrir au pays des opportunités d’un développement durable.
Et le 19e engagement électoral du président Tebboune porte justement sur :
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la segmentation stratégique de la demande touristique nationale et internationale afin de déterminer le type de tourisme à mettre en valeur (estivale, culturel, religieux, saharien / sud et extrême sud, montagneux et familial) ;
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La mise en œuvre d’un « Plan destination Algérie »
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Le développement de la formation dans les métiers de tourisme
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L’assouplissement des procédures d’obtention de visas touristiques.
Et pour mettre en œuvre son engagement, le choix d’Abdelmadjid Tebboune s’est porté sur Hacène Mermouri ! Un homme qui connait les défis à relever dans l’urgence, dés lors qu’il a présidé aux destinées du Ministère du Tourisme et de l’Artisanat du 12 juillet 2017 au 4 Avril 2018, dans le gouvernement de Tebboune !
Pour être en accord avec l’engagement du président, il ne doit pas déjà se poser la question de savoir s’il faut commencer par réanimer le tourisme domestique et donc commencer par satisfaire une demande intérieure, pesante et urgente ou alors tout miser sur une demande extérieure, hypothétique et virtuelle, soumise de plus en plus à une impitoyable concurrence.
De l’expérience cumulée, le natif de Djanet sait qu’il doit avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, car il ne pourrait pas s’occuper de tout,
Il devrait aussi s’imprégner du souci de la proximité non seulement avec les collaborateurs mais aussi avec tous les investisseurs qui auront à cœur de promouvoir le tourisme algérien, de lui faire rattraper son retard sur la Tunisie et le Maroc notamment ; pour ce faire, il sera tenu d’ engager une réflexion à tous les niveaux, avec tous les opérateurs concernés, pour dégager une véritable politique touristique bien pensée, bien structurée et bien projetée qui reposerait surtout sur une implication fiable, convaincue et convaincante.
Il faut le reconnaître, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat – c’est là son principal défaut- a toujours voulu évoluer en solitaire, dans une insularité criarde, sans aucune complémentarité. Il lui manque, à ses côtés, et cruellement, un ministère de la Culture fort de ses compétences et de son budget, un ministère de la Communication percutant et un ministère des Collectivités locales géré par des experts ; il lui faut aussi, en appoint, un secteur bancaire réformé, affranchi de ses carcans et des partenaires privés mus par l’esprit gagnant-gagnant !
Hacène Mermouri devrait se préparer aussi à plaider lors de l’établissement de la prochaine loi de finances pour un faible taux de douane, jusqu’en 2030, en faveur des investisseurs qui importeront des équipements et des ameublements hôtelier non produits localement. Il vous faudrait aussi soutenir la réduction de la TVA sur les prestations liées aux activités touristiques, hôtelière, thermales, de restauration, de voyages et de location de véhicules de transport touristique, car cette mesure permettra aux hôteliers et aux restaurateurs de réduire les prix de leurs prestations et d’attirer le maximum des clients nationaux, y compris ceux qui ont fait de la Tunisie leur destination annuelle !
Il aura pour tâche aussi d’examiner toutes les propositions, d’où qu’elles viennent, à même d’augmenter les capacités d’accueil des infrastructures hôtelières dès lors que le pays reste le même, dans ses constantes : plus de 1200 kilomètres de bord de mer, des montagnes boisées surplombant plusieurs vallées et même des cours d’eau ; des sources minérales à ciel ouvert ; dans le Sud et l’immensité saharienne, on trouve les ergs, les oasis, et les parcs du Tassili du Hoggar ; en amont, des installations touristiques louables mais franchement insuffisantes ; en aval, une demande interne de plus en plus croissante de vacanciers, effectifs ou potentiels, aspirant à la détente !
Ainsi, il devrait agir auprès de toutes les institutions, politiques et privées, jusqu’au moins planifiable possible, l’Algérien et sa mentalité pour réanimer le secteur touristique et mettre de l’ordre dans les hôtels et les complexes ; c’est déjà une priorité.
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Intervenir sur les mentalités des opérateurs touristiques, c’est aussi une urgence à prendre en considération!
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Se rapprocher également du ministre des affaires étrangères pour l’allègement de l’octroi des visas aux étrangers désirant visiter notre pays, conformément au 19e engagement de Tebboune relatif à l’assouplissement des procédures d’obtention des visas !
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Militer pour la réduction des tarifs des billets d’avion du réseau intérieur, même si la compagnie nationale Air-Algérie a réduit de moitié ses tarifs à destination du sud du pays. Là aussi, il y a à dire sur cette compagnie qui fait parler d’elle avec ces retards, reports et annulations de vols et de mauvaise prise en charge des passagers.
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Relancer le tourisme saharien de l’extrême Sud en organisant des circuits d’expédition en véhicules tout-terrain, et le tourisme itinérant en autobus, à travers la boucle des Oasis et celle de la Saoura ; ensuite le tourisme culturel avec notamment des promenades et des séjours dans les sites de Tipaza, Djamila, Timgad, Hippone, Madaure, Taghaste entre autres.
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Encourager les investissements touristiques dans les Hauts-Plateaux et le Sahara qui seront exonérés d’impôts pendant 5 ans ! Tous les investisseurs devront bénéficier ainsi de réductions de 50 à 80% sur le coût de la concession des terrains et aussi des coûts bancaires qui seront bonifiés.
La formation de la ressource humaine c’est aussi une des priorités premières. Pour ce faire, il faudrait encourager l’ouverture des instituts de formation dans le domaine, notamment par le privé ; sauver l’artisanat, protéger le patrimoine archéologique, rendre nos villes plus attrayantes, conserver une politique de loisirs, améliorer nos transports, renforcer la sécurité partout, promouvoir la gastronomie et l’habit traditionnel algérien, sortir le tapis de Ghardaïa du néant dans lequel il se trouve, rendre nos banques agréables, mettre le wifi partout.
Tout un programme plus qu’alléchant pour sortir le tourisme national de sa régression !
Hacène Mermouri, l’homme que le président à mis à la tête du secteur du tourisme devrait livrer une lutte sans merci à la bureaucratie, celle-là même qui empêche l’exploitation des zones d’exploitation touristiques (Z.E.T.), dont seulement 22 sur les 205 auraient été approuvées par le gouvernement ; mettre un point final au «gel du foncier» qui n’en finit pas et qui impacte négativement sur la libération de quelque 50.000 hectares de terrain ; débarrasser le secteur de tous ceux qui font fuir les investisseurs, lassés d’être rackettés par des responsables beaucoup plus soucieux de leur avenir que de celui du tourisme national.
Il doit aussi et surtout engager des réformes notamment concernant l’Office national de tourisme (ONT) qui semble à court d’idées, après s’être dépensé inutilement dans les salons internationaux de second plan, voire insignifiants, et dont la cible de clientèle en termes de marketing ne correspond pas aux deux produits algériens phares «saharien et balnéaire» ; il s’agit des salons de Moscou, Budapest (Hongrie), Varsovie (Pologne), Tunis, Casablanca et Le Caire. En conséquence, un changement de braquet dans la politique touristique est plus que nécessaire. Les pays qui doivent être ciblés à l’avenir sont l’Allemagne, à travers le salon de Berlin et la France via les salons de Deauville et de Cannes où réside une forte communauté de pieds-noirs, avides de visiter l’Algérie qui n’a jamais dépassé le seuil d’un million de visiteurs étrangers, depuis 1963 ; ce chiffre inquiète, bien sûr, mais en même temps rassure, car il peut être un atout dans le sens où des destinations voisines (Maroc et Tunisie) peuvent connaître la saturation contrairement à la Turquie et la Croatie, ces nouvelles destinations en vogue qui en profitent ; pourquoi notre pays n’en profiterait-il pas ?
Les Algériens ne sont pas difficiles monsieur le Ministre !
Pour eux, il suffit de créer ceci et cela pour que les choses aillent mieux et que tout le monde puisse profiter de ses vacances ! L’été prochain, ce sont au moins 2 millions de vacanciers qui vont se ruer sur les sites et structures du pays et les responsables de la promotion touristique, publics ou privés, doivent profiter de cette demande et proposer des prestations en rapport. En commençant déjà par livrer bataille aux gardiens de parkings qui font la loi ainsi que les «gros bras» qui sont les maîtres des plages où la baignade est autorisée et dont l’accès, selon les pouvoirs publics, était censé gratuit ! Et en réhabilitant les 300 plages interdites à la baignade pour cause de pollution pour qu’elles soient traitées selon les normes requises et mises à la disposition des vacanciers la prochaine saison estivale dés lors que cette année 2019 a été complètement ratée !
La crise que vit l’Algérie en matière de tourisme n’est pas le résultat d’une fatalité, mais la conséquence directe des errements de tous ceux qui ont occupé le maroquin sans pour autant avoir les compétences requises pour gérer un tel secteur.
Le président Tebboune a été catégorique : Il faut remplacer l’or noir par l’or jaune ! Un sacré challenge pour le ministre du Tourisme et de l’Artisanat qui doit d’ores et déjà se préparer à parler aux algériens qui veulent passer leurs vacances dans leur pays! Les considérer ! leur donner des gages à l’orée de cette nouvelle année, en invitant, par exemple, les gestionnaires des infrastructures hôtelières publiques ou privées :
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à mettre en place des équipes personnalisées et des espaces d’orientation pour accueillir les vacanciers d’ici et d’ailleurs,
et réviser à la baisse leurs prestations hôtelières avec un très bon rapport qualité-prix, -
à veiller à la gratuité des plages et des piscines
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à élargir leur éventail des loisirs.