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Rencontre avec la chanteuse Lycia Nabeth

Lycia Nabeth
Crédit photo : Lycia Nabeth.

Lycia Nabeth est une chanteuse talentueuse, à la voix envoutante qui ne cesse de monter comme une étoile dans le ciel de la chanson kabyle de ces dernières années.

Lycia Nabeth est une voix qui rafraîchit le cœur et l’esprit, elle s’écoule pure comme l’eau des sources du Djurdjura ou de l’Akfadou. L’art est une histoire familiale chez les Nabeth, son père et sa mère chantent, la passion des arts s’est transmise. Son père Kader Nabeth a marqué la chanson kabyle par la beauté de ses compositions et ses chants.

De l’université au chant, Lycia Nabeth est une bouffée d’oxygène dans la chanson kabyle, de sa belle voix jaillissent tant d’espoirs.

Le Matin d’Algérie : De l’université au chant, qui est Lycia Nabeth ?

Lycia Nabeth : Azul, alors il est toujours difficile de parler de soi (rire), ce que diraient les gens qui me connaissent bien … c’est que Lycia Nabeth est une chanteuse qui chante son identité, sa société kabyle, ses valeurs qui lui ont été transmises par ses parents et qui l’encouragent et la soutiennent dans cette voie. Elle a fait son apparition avec la chanson « Riyid Iles-iw », qui a été chaleureusement accueillie par le public en 2009, puis s’est consacrée à ses études et sa vie de famille.

Elle est revenue en 2021 avec un album de huit titres et qui a rencontré un franc succès notamment avec la chanson « Amxix-iw ». Cet album a également bénéficié du soutien de mes parents et d’autres contributions sur le plan artistique. C’est un album qui a été salué par la critique comme apportant de nouvelles sonorités et du renouveau, c’est ce que j’essaie de faire en m’inspirant des sonorités d’autres cultures et styles.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes une étoile montante dans la chanson kabyle, le talent, la voix, l’esprit kabyle, tout est là, comment faites-vous ?

Lycia Nabeth : J’ai eu la chance d’avoir comme école mes parents et j’ai toujours aimé chanter en étant accompagnée par le jeu de guitare de mon père que je trouve exceptionnel.

Mes parents m’ont toujours transmis aussi leur amour de la culture et de la question identitaire sur laquelle je suis très sensible, j’estime qu’il est dans notre devoir collectif de transmettre à nos enfants la culture, l’héritage que nous avons reçu de nos aïeuls.

Et le fait de chanter en kabyle est aussi une forme de contribution à la préservation et le rayonnement de notre culture qui a besoin du soutien de tous. Il y a toujours une magie entre le public kabyle et les artistes, je suis le fruit de cette société, je fais aussi partie de ce public et je chante une histoire qui est la sienne, qui est la nôtre et quand les paroles, la musique sont bien accueillies par le public, il s’opère une symbiose entre l’artiste et son public et c’est grâce à ce public que nous rayonnons et j’espère contribuer à son rayonnement aussi.

Le Matin d’Algérie : Un mot sur votre père Kader Nabeth qui a marqué le chant kabyle par ses compositions de qualité.

Lycia Nabeth : Mon père a toujours été un exemple à suivre pour moi. On a toujours eu une grande complicité depuis ma tendre enfance. Il a toujours veillé à mon bien-être et à me soutenir dans la voie que j’ai choisie, à tous les niveaux.

Quant à ses compositions, je trouve que ses mélodies dérivent « descendent » de la montagne du Djurdjura et sont authentiques en plus de ça, toutes ses chansons sont différentes les unes des autres. 

Le Matin d’Algérie : Vos chansons s’écoulent, enchantent et émerveillent l’oreille et le cœur, vous aimez le bon travail, quelles sont vos influences artistiques ?

Lycia Nabeth : J’ai grandi en écoutant les chansons de mon père bien évidemment, et celles de son ami d’enfance Brahim Izri dont j’ai adopté le style naturellement. J’écoutais tous les détails sans jamais me lasser. Il y a eu évidemment Idir que j’ai eu la chance de côtoyer et dont j’ai partagé la scène, notamment à Bercy, ça été des moments inoubliables et des influences qui ont forgé mon style et qui m’ont beaucoup inspirée. J’écoute énormément la musique kabyle en général, qu’elle soit ancienne ou moderne.

Je suis fan et j’essaie de contribuer avec d’autres artistes autant que possible en partageant des scènes et des chansons. On est comme une famille et on partage cette envie de faire avancer notre culture, la chanson kabyle, et aussi de la transmettre aux générations futures… comme disait Slimane Azem « nedjayawend ma t kemlem amzun ur nemouth ara ».

Durant mon enfance, j’ai beaucoup écouté aussi des musiques étrangères comme Christina Aguilera, Britney Spears, Lara Fabian, Daniel Lévi et plein d’autres artistes ou groupes comme Scorpions qui m’ont aussi apporté quelques influences.

Le Matin d’Algérie : La chanson kabyle a été longtemps dominée par les hommes, mais on voit par bonheur apparaître de nombreuses chanteuses, musiciennes compositrices, dont vous faites partie, qui font un travail de qualité, qu’en pensez-vous ?

Lycia Nabeth : Le domaine artistique est souvent difficile d’accès pour une femme « surtout dans des sociétés à forte tradition comme la mienne » comme disait Idir. J’ai eu la chance d’être accompagnée par mes parents, et surtout soutenue. Chanter pour une femme reste un véritable défi ; il faut résister au « qu’en-dira-t-on ». Il n’est pas permis aux femmes d’exprimer librement leurs émotions en public dans nos sociétés, la relation homme – femme est déjà complexe dans toutes les sociétés et chez nous, ça l’est encore plus.

Il y a toujours une tendance à reproduire en milieu professionnel des schémas familiaux fortement imprégnés par une tradition patriarcale, et il est vraiment difficile pour une femme d’être vue comme une artiste, ou simplement comme une collègue de travail.

Même s’il y a eu beaucoup de progrès, et il faut le reconnaître, le chemin à parcourir reste encore long dans certains milieux. Il est encore difficile dans certaines familles d’envoyer leurs filles dans une école de musique, prendre des cours particuliers; tout d’abord il y a la distance, il y a trop peu d’école de musique chez nous, et si vous ajoutez les barrières sociétales, tous les ingrédients sont réunis pour que les filles n’apprennent jamais les activités artistiques.

Slimane Azem : entre mémoire collective et souvenirs personnels

Le fait de chanter en tant que femme est aussi une forme de soutien et d’encouragement pour toutes les femmes à réaliser leurs projets professionnels, personnels et à ne pas se résigner et surtout à lutter contre toutes les formes d’injustice que les femmes continuent de subir aujourd’hui.

Le fait de voir des jeunes filles talentueuses nous donne beaucoup d’espoir ; tout d’abord beaucoup d’espoir pour notre culture, il y a une relève qui se dessine et ça donne chaud au cœur de voir autant de talents ; et beaucoup d’espoir aussi pour nos sociétés puisqu’on voit des familles, des pères, des mères, des frères, des maris aussi soutenir ces jeunes chanteuses qui vont aussi tracer le chemin pour d’autres femmes talentueuses qui n’osent pas prendre l’initiative d’exprimer leur art.

Il faut aussi rendre hommage à tous ces messieurs qui soutiennent leurs sœurs, leurs filles, leurs épouses dans la voie artistique et qui montrent aussi le chemin pour toute la société. Mon espoir est de voir aussi des femmes réalisatrices de clips et dans les studios d’enregistrement.

Le Matin d’Algérie : La chanson kabyle foisonne de talents mais elle manque de visibilité, l’ouverture démocratique tarde à venir, l’avenir s’annonce assez sombre malgré quelques éclaircies çà et là, d’où vous vient cet optimisme véhiculé dans vos chansons ?

Lycia Nabeth : Je me suis beaucoup questionnée aussi sur l’optimisme que j’ai et que j’ai envie de transmettre notamment au moment d’écrire les textes. Je pense que ça vient de tout l’amour que j’ai reçu de la part de mes parents et des meilleures années de ma vie que j’ai vécu au village (At Lahcène – At Yenni) en me sentant libre et à l’aise dans l’insouciance et la sécurité. Ça vient aussi de mon père qui a toujours donné une image d’homme positif et exemplaire. Ma mère quant à elle, elle a fait de moi une personne toujours prête à avancer dans ses projets bien que les conditions soient difficiles.

Je suis très souvent touchée par ce que je vois dans la société et je veux apporter de l’espoir ne serait-ce qu’avec mes chansons et le son de ma voix.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en perspective ?

Lycia Nabeth : J’ai du nouveau qui va sortir bientôt. Je travaille sur un nouvel album et quelques clips qui vont sortir prochainement, avant de les partager sur scène avec le public très chaleureux. Quand je ressens l’accueil du public et je vois aussi un public de jeunes, ça me donne beaucoup d’espoir pour notre culture et les jeunes talents qui arrivent. Nous avons une grande culture millénaire qui vient de très loin et qui a été sauvegardée ; nous avons le devoir de la faire grandir encore plus et de la transmettre à nos enfants pour qu’elle demeure …

Entretien réalisé par Brahim Saci

 

 

 

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