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Revoilà l’islamisme et sa connivence avec le pouvoir

Boualem Sansal

Boualem Sansal. Crédit : Gallimard.

L’islamisme politique est aujourd’hui combattu avec détermination à travers le monde, à mesure que la conscience collective s’éveille face sa barbarie et aux dangers qu’il représente pour l’humanité. Cependant, certains régimes autoritaires continuent à le couver, s’en servant comme d’un levier pour contrer les aspirations démocratiques de leurs sociétés.

L’émotion suscitée par la guerre dévastatrice menée par Israël contre la population de Gaza, qui s’est transformée en une tragédie humaine, offre un terreau fertile pour ces courants idéologiques. Exploitant l’indignation légitime suscitée par le drame palestinien, ils s’efforcent de réhabiliter leurs thèses, en brouillant le jugement rationnel.

Ainsi, les drames internationaux deviennent pour eux des opportunités stratégiques, leur permettant de regagner en influence et de diffuser leurs discours.

Dans ce contexte, l’arrestation de Boualem Sansal, auteur d’allégations présumées attentatoires à l’intégrité territoriale du pays, a été récupérée à des fins idéologiques. Les soutiens exprimés par certains cercles d’extrême droite en France, loin de servir la cause de cet écrivain, alimentent au contraire les stratégies de récupération de ces groupes.  

Cet évènement et les soutiens ambigus leur permettent de redorer leur image auprès d’une opinion publique sensible aux questions de souveraineté nationale, et de faire oublier leur passé marqué par des accointances idéologique avec des mouvements terroristes ayant œuvré à la destruction des Etats-nations.

En outre, la connivence avec le pouvoir qui s’est formée en réaction aux attaques des cercles de l’extrême droite risque d’être perçue comme une forme d’assentiment à la politique répressive du régime.

Parallèlement, ces forces idéologiques se servent de cet évènement et exploitent cette conjoncture pour renforcer leur rhétorique anti-occidentale, qualifiant celui-ci de «décadent».

Leur objectif ultime est de rompre les liens culturels et intellectuels avec cet Occident, rejetant les principes de modernité qui encouragent l’émancipation individuelle. Ils entendent ainsi façonner une société conforme à leur vision totalitaire.  

Ces mouvements estiment que les dynamiques nationales leur sont actuellement favorables. Certaines figures, restées silencieuses face aux violences et massacres commis au nom de leurs idéaux, réapparaissent dans l’arène publique. En feignant l’indignation ou prétendant incarner la compassion et se posant en défenseur de la vertu, ils cherchent à restaurer leur image.

Parmi elles, l’auteur de La France, ennemi traditionnel et éternel, qui s’emploie, en stimulant ses glandes lacrymales, à mobiliser l’émotion, susciter la sympathie et à attirer la bienveillance dans des mises en scène médiatiques soigneusement orchestrées.

Dans un pays où la fermeture politique a favorisé une dépolitisation progressive, ces manœuvres, bien que prévisibles, ont un impact considérable sur l’opinion. Elles contribuent à l’affaissement des intérêts stratégiques de notre pays, notamment en favorisant son éloignement de ses partenaires occidentaux.   

Face à cette situation, une vigilance accrue est impérative. Il est essentiel de déjouer les manipulations de ceux qui exploitent habilement la foi religieuse, jouant sur la sensibilité des croyants, pour servir des ambitions de pouvoir d’enrichissement personnel. Toute confrontation frontale avec l’Occident est une entreprise risquée, même pour des puissances telles que la Chine, qui mesurent les limites de cette démarche. Pourtant, en Algérie, l’islamisme politique inspiré par l’idéologie d’Erdogan poursuit inlassablement ses ambitions.

La France demeure la cible principale de leur croisade idéologique, alors qu’ils épargnent ouvertement les États-Unis, pourtant à la tête de cet Occident qu’ils prétendent combattre.  Cette posture interroge : s’agit-il d’une volonté de se racheter vis à vis d’un passé marqué par des ambiguïtés stratégiques ?

Les liens historiques, culturels et humains entre l’Algérie et la France, amplifiés par la présence d’une importante diaspora algérienne et binationale en métropole, sont perçus par ces courants comme un obstacle à leur projet totalitaire. Leur ambition est de détacher l’Algérie de cette proximité historique pour l’atteler à la sphère d’influence de leur mentor Erdogan.

L’Algérie, marquée par les séquelles de son passé colonial et ses tensions identitaires, ne saurait relever les défis qui l’attendent en réhabilitant un courant politique destructeur, ni en s’enfonçant dans la voie de la répression et de la restriction des libertés. Il est impératif d’engager une réflexion collective, sereine et lucide.

En plaçant l’éducation, l’ouverture et la modernité au cœur de ses priorités, en ouvrant le champ politique et en élargissant les espaces d’expression et en consacrant pleinement la liberté d’opinion, le pays pourra non seulement protéger ses intérêts stratégiques, mais aussi favoriser un avenir harmonieux, fondé sur l’émancipation et l’autonomie de ses citoyens.

Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition

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