Lundi 16 décembre 2019
Révolutionnaires et réformistes, ce très vieux débat resurgit-il en Algérie ?
Depuis 10 mois le peuple algérien ferraille et manifeste contre le régime qui se maintient d’autorité.
Certains partisans de la révolution du sourire continuent dans leur erreur malgré l’échec du 12 décembre. Mais, enfin, on peut au moins discuter sur le fond stratégique et arrêter d’être assourdis par les passions stériles.
On le ressent bien, beaucoup des groupes de dialogues du Hirak sur les réseaux sociaux se positionnent pour une révision constitutionnelle alors que d’autres, comme moi, se positionnent pour une constituante. En quelque sorte pour le Hirak, une sortie douce après avoir fait une révolution douce.
Je n’ai pas rêvé, cela fait 44 vendredis que le Hirak hurle le changement de régime et le « dégagement des responsables ». En se comportant ainsi, ils avaient mon soutien.
Mais s’ils veulent une simple révision constitutionnelle ils ont alors, rétrospectivement, commis une grave faute envers un texte qu’ils légitiment partiellement. Car réformer consiste à accepter que le fond du processus constitutionnel fut légitime. Après tout, nombreux sont les marcheurs qui ont voté dans les précédentes élections et pas qu’une fois.
Les sciences politiques et l’histoire reconnaissent ces deux classiques positions qui engendrent l’un des plus vieux débats des mouvements insurrectionnels. Ce fut d’ailleurs l’une des bases de la rupture FFS/RCD même si en vérité, elle fut exacerbée par une très violente rupture entre deux personnes dont le lien de filiation était fort.
Non seulement je suis dans le camp des révolutionnaires, dans la définition historique et juridique de révolution, mais le Hirak s’était clairement positionné lui-même dans cette voie en se dénommant « La révolution du sourire ». Ce qui, au passage, est un oxymore parfait comme l’est la phrase de Lahouari Addi « La régression féconde ».
Demander un replâtrage d’une constitution alors qu’on a fait descendre pendant des mois des milliers de manifestants dans les rues est d’une contradiction immense. Sans compter les interrogations lourdes de légitimité qui se poseraient.
En fin de compte, c’est la raison pour laquelle je milite depuis trente ans pour la constituante et rien d’autre. Tout simplement parce que je suis cohérent avec moi-même. Je n’ai jamais légitimé le pouvoir militaire et il ne saurait y avoir à mes yeux de constitution qui soit réformable puisque venant des militaires.
Je n’ai jamais voté et j’ai eu honte de mes anciens camarades qui avaient rejoint l’Assemblée nationale pour un plat de lentilles.
Voilà pourquoi ce débat séculaire entre les révolutionnaires et les réformistes est toujours présent en Algérie. En fait, pour être méchant une petite seconde, les réformistes rêvent toujours de démocratie si celle-ci conforte les situations acquises.
Pour être plus clair, on veut bien la démocratie mais si celle-ci ne remet pas en cause les petits arrangements passés.
Or, faire sortir une foule dans les rues sans avoir pris de précaution sur son projet et ses objectifs c’était faire un pari très risqué. Voilà pourquoi les réformistes veulent le changement mais sans risque. Le beurre et l’argent du beurre.
D’un côté les partisans d’une réforme constitutionnelle. Donc opérée par le nouveau Président. La constitution précédente étant légitimée puisque réformable.
De l’autre, les révolutionnaires qui veulent une constituante même au prix d’une rude bataille politique, soit un courage de poser sur la table les questions qui fâchent comme celle qui fait peur aux réformistes, la laïcité.