Jeudi 14 mars 2019
Révolutions citoyennes : les pièges
Le refus du président Bouteflika de quitter le pouvoir à l’expiration de son 4e mandat le 18 avril prochain, et les décisions illégales qu’il a prises pour instaurer un régime dictatorial à partir de cette date, placent l’Algérie dans une situation périlleuse.
Cet homme immobile, inaudible et invisible depuis des années a, dans une dérive mentale dangereuse, placé sa personne sur un plateau de la balance et la nation tout entière sur l’autre, prétendant la soumettre par la ruse ou l’intimidation à ses diktats irraisonnés.
L’anomalie est là, et c’est à cette anomalie qu’il faut remédier en mobilisant l’opinion nationale et internationale.
Le gouvernement en place au lendemain de l’expiration du mandat de Bouteflika le 18 avril prochain n’aura aucune légitimité, ni la «conférence nationale » qu’il essaie de mettre sur pied pour l’accompagner dans sa dérive dictatoriale. L’avenir de l’Algérie lui importe peu, seul le sien compte.
La révolution citoyenne va de nouveau scander le 15 mars 2019 son rejet du coup d’Etat, de la prolongation illégale du mandat, et des pièges dans lequel on veut l’enfermer en cherchant à lui substituer comme « interlocuteurs valables » des partis politiques et des « personnalités nationales » qui ne sont pour rien dans cette révolution.
Il y a une différence entre « partis politiques » et « opposition ». S’il y a beaucoup de partis, il y a peu d’opposants réels.
Djamila Bouhired dont l’histoire a gravé le nom en lettres d’or dans le Livre des Héroïnes qui ont combattu l’ennemi extérieur a alerté hier la révolution citoyenne contre un piège venant de l’ennemi intérieur : la dénaturer en l’« encadrant ».
Elle écrit dans son Appel :
«Des listes de personnalités confectionnées dans des laboratoires occultes circulent depuis quelques jours pour imposer, dans votre dos et contre votre volonté, une direction fantoche à votre mouvement. Il vous appartient à vous, et à vous seuls qui luttez au quotidien, de désigner vos représentants par des voies démocratiques et dans une totale transparence.
«Notre génération a été trahie ; elle n’a pas su préserver son combat contre le coup de force des opportunistes, des usurpateurs et des maquisards de la 25e heure qui ont pris le pays en otage depuis 1962.
«La colère du peuple qui l’a rejeté, leur dernier représentant s’accroche encore au pouvoir, dans l’illégalité, le déshonneur et l’indignité. Ne laissez pas ses agents, camouflés dans des habits révolutionnaires, prendre le contrôle de votre mouvement de libération. Ne les laissez pas pervertir la noblesse de votre combat. Ne les laissez pas voler votre victoire ! »
Ramtane Lamamra qui s’est publiquement enorgueilli un jour d’être le produit de l’école bouteflikienne qui ne lui a pourtant épargné aucune humiliation, est en train de devenir à grande vitesse un avatar de Ahmed Ouyahia en matière de cynisme et de stupidités. Convaincu qu’avec Bouteflika on gagne ses galons en s’abaissant jusqu’à soutenir l’insoutenable, il vient de déclarer à une radio :
1) « Quand Zeroual avait décidé de raccourcir son mandat, beaucoup de juristes avaient dit que ce n’était pas prévu par la Constitution. Mais c’était dans l’intérêt de la nation”.
On ne justifie pas un mandat indûment prolongé par un mandat raccourci, ce sont deux choses aux antipodes l’une de l’autre.
On ne compare pas une démission avec un maintien dans des fonctions électives après expiration du mandat légal.
Aucun juriste ne peut avoir tenu les propos qu’il rapporte, la démission étant bel et bien prévue par la constitution de tous les pays qui en ont une.
Enfin, il ne nous a pas éclairés sur cet « intérêt du pays » au départ de Zeroual, Bouteflika étant le seul à en avoir profité.
2) « Il ne faut pas concevoir le droit comme un obstacle… Le président a reporté l’élection en réponse à une demande pressante de la population ».
Qui a entendu cette « demande pressante » alors que personne ne s’attendait à cette décision ahurissante de reporter l’élection ? La seule demande pressante de la révolution citoyenne qu’on entend depuis trois semaines est : « Dégagez ! »
Le disciple de Bouteflika qui se cache derrière le « brillant diplomate » ignore quelque chose d’élémentaire : le droit est depuis des siècles l’unique obstacle au vol, à l’usurpation, à l’abus de pouvoir, à la dictature, à la violation de la constitution, au non-respect des délais d’un mandat et autres crimes et délits.
Cet homme a tendance à raisonner comme un « chambit (diminutif de garde-champêtre) dès qu’il a affaire aux Algériens.
Il croit avoir affaire à des indigènes alors que si, en lui, dort toujours un « chambit », les bougnoules auxquels il croit s’adresser sont en train de réaliser une spectaculaire révolution citoyenne qui l’emportera, lui et son maître, comme elle a emporté son prédécesseur en vilenies abjectes, le ci-devant « Assas dalia » répondant au nom de Ahmed Ouyahia.
La crise que traverse l’Algérie est le fait d’un homme, entouré d’une vingtaine de complices, sur 44 millions. Il suffit qu’il applique le droit pour que tout rentre dans l’ordre et que l’Algérie redémarre sur de nouvelles bases. Les moyens légaux existent ainsi que les hommes et femmes – infiniment plus compétents que ceux qu’il nous a imposés tout au long de son règne – capables d’engager immédiatement le pays dans une nouvelle ère.