Dimanche 19 avril 2020
RPK : « Les atteintes à l’expression du fait amazigh sont maintenues »
Nous publions la déclaration rendue publique par le RPK à l’occasion du 20 avril.
Cette année, nous célébrons le double anniversaire du printemps amazigh de 1980 et des événements sanglants de 2001 dans un contexte particulier. L’épidémie du Coronavirus-covid-19 qui continue de sévir dans le monde, et de manière dramatique dans certains pays, nous oblige à commémorer ces deux événements historiques hors du cadre contestataire et festif habituel. Mais, nous ne manquerons pas de continuer à poser, en toute circonstance, le problème de la reconnaissance du fait amazigh dans ses multiples dimensions identitaires, culturelles et linguistiques.
Les arrestations et emprisonnements des porteurs du drapeau amazigh dans les manifestations du mouvement populaire de février, le « Hirak », sont là pour montrer que l’Etat algérien, incarné par un pouvoir autoritaire-militarisé, a une attitude de négation et d’instrumentalisation vis-à-vis de cette question pour diviser la société. La transposition d’un problème politique vers une dimension ethnique, par la tolérance et l’encouragement d’une terminologie explicitement raciste dans le but de stigmatiser la Kabylie, est à inscrire dans les pages sombres de l’histoire de la nation algérienne.
Les promoteurs d’un jargon, qui veut identifier les Kabyles aux zouaves, continuent de bénéficier d’une impunité totale, en violation des textes juridiques nationaux et des traités et déclarations adoptés officiellement par l’Algérie dans le cadre de la lutte contre le racisme et la protection de la diversité culturelle.
Malgré l’installation de M. A. Tebboune, président-désigné, les atteintes à l’expression du fait amazigh sont maintenues; ce qui a valu au premier quotidien en tamazight « Tighremt » une interdiction d’édition de manière arbitraire alors que les médias publics en tamazight se sont transformés en moyen de propagande du discours officiel et de promotion de l’idéologie islamiste. Profitant du confinement des citoyens, le pouvoir multiplie les atteintes aux libertés, la dernière en date étant la fermeture, en usant d’arguments fallacieux, de Radio-M et de Maghreb Emergent, appartenant à un groupement médiatique privé.
Le musellement de la presse et des voix libres dans cette conjoncture sanitaire difficile pèsera lourdement sur le niveau de conscientisation des citoyens dans la politique de prévention, d’autant plus que la communication officielle souffre d’une tare congénitale : La désinformation au service du maintien du régime.
Le RPK, première organisation politique, à avoir alerté, à travers son appel à la vigilance sanitaire du 18 mars dernier, sur la nécessité de suspendre les manifestations publiques, continue de plaider pour une gestion décentralisée de l’épidémie. Les initiatives entreprises, par les comités de village en Kabylie, vont dans le bon sens, même s’il faut noter qu’un relâchement est constaté au niveau de certains chefs lieux de commune. Les mesures barrières et la distanciation sociale doivent être respectées en tout lieu et à tout moment. Le confinement reste la solution la plus efficace pour éviter la propagation, et selon les dernières recommandations de l’OMS, le port des masques est utile même si ces derniers sont conçus de manière artisanale. Les actions de solidarité sur le plan social, qu’on a vues ces dernières semaines, gagneraient à être renforcées pour venir en aide aux citoyens, petits artisans, journaliers, commerçants, qui se sont retrouvés dans une situation de précarité.
A quelques jours du Ramadhan, et connaissant l’engouement des personnes pour les achats durant ce mois, des mesures exceptionnelles et supplémentaires doivent être engagées pour éliminer certains comportements sociaux : alimentation superflue, regroupements et veillées nocturnes, visites…etc.
Le RPK note enfin, que dans cette conjoncture où c’est la survie collective qui est en jeu, les Kabyles se sont spontanément retrouvés dans des formes d’organisation autonome. Ce modèle de démocratie participative, qui a fait ses preuves durant des siècles, a, plus que jamais besoin d’être érigé en projet politique global ; et si par le passé il a été adopté comme une forme d’organisation sociale villageoise, il est impératif de lui donner une dimension régionale pour répondre aux défis de tous les jours, et dans leurs différentes expressions. Et comme le RPK l’a toujours défendu, le projet d’autonomie de la Kabylie ne peut trouver sa totale cohérence que s’il est articulé autour de la solidarité avec les autres régions de l’Algérie. Le modèle d’auto-organisation en Kabylie, qui a même soulevé l’intérêt de certains experts de l’OMS, peut être mis à profit au niveau national pour endiguer cette épidémie.
Le RPK tient à exprimer toute sa reconnaissance au personnel médical et paramédical qui fait face à cette épidémie dans des conditions difficiles et souvent avec des moyens insuffisants. Le décès de plusieurs médecins, contaminés par le covid-19, dans l’exercice de leurs fonctions, appelle chaque citoyen à assumer ses responsabilités : toute négligence peut être assimilée à une mise en danger d’autrui.
Le RPK ne manquera pas, à la veille de la journée du 20 Avril qui a soulevé le vent d’espoir du combat démocratique et identitaire en Algérie , de rendre hommage à toutes les victimes de 2001, à tous les acteurs du printemps amazigh qui se sont sacrifiés pour cette cause, et de manière particulière à Mohand Dahmani, membre fondateur du Congrès Mondial Amazigh, qui nous a quittés, par la malheureuse circonstance, cette semaine.
P/Le Bureau du RPK réuni le 19/04/2020
Le Coordinateur, Hamou Boumedine