23 novembre 2024
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Saëb Erakat, secrétaire général de l’OLP, est mort du Covid-19

DISPARITION

Saëb Erakat, secrétaire général de l’OLP, est mort du Covid-19

Saëb Erakat est décédé ce mardi 10 novembre. Âgé de 65 ans, il a succombé à des complications respiratoires après avoir contracté le coronavirus.

Pendant plus de vingt-cinq ans, il a été le principal négociateur palestinien, l’un des artisans des accords d’Oslo. Avec un processus de paix enlisé, il dressait finalement un bilan sévère de ces traités. Mais il croyait toujours en une solution négociée à deux États.

Saëb Erakat est issu d’une famille de Jéricho. À l’époque, la ville est administrée par la Jordanie qui, à l’issue de la première guerre israélo-arabe de 1948, a pris le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. À l’âge de douze ans, Saëb Erakat voit les troupes israéliennes entrer dans sa ville : la guerre des Six Jours, en juin 1967, a repoussé les troupes jordaniennes de l’autre côté du fleuve Jourdain.

Après une enfance cisjordanienne, Saëb Erakat part faire ses études supérieures à l’étranger. Aux États-Unis tout d’abord, puis au Royaume-Uni. Il étudie les sciences politiques, les relations internationales et obtient un doctorat de l’université de Bradford en résolution de conflits.

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De retour en Cisjordanie, Saëb Erakat entame une carrière de professeur d’université. Il enseigne à An-Najah, l’université de Naplouse. Et écrit également dans le quotidien palestinien Al-Quds, nom donné à Jérusalem en arabe.

Madrid

Saëb Erakat fait ses débuts en tant que négociateur en 1991, lors de la conférence de Madrid. À l’issue de la guerre du Golfe, États-Unis et Russie tentent de lancer un processus de paix régional : Israéliens, Libanais, Syriens, Jordaniens et Palestiniens sont invités dans la capitale espagnole. Saëb Erakat était l’un des représentants palestiniens.

Madrid a posé des bases d’un processus de paix : Saëb Erakat a fait partie ensuite de discussions menées à Washington en 1992 et 1993. En parallèle, des négociations secrètes ont été menées en Norvège par une autre équipe. Ce sont celles-ci qui ont mené à la signature des accords d’Oslo dans les jardins de la Maison Blanche le 13 septembre 1993.S’il n’a pas fait partie de cette équipe secrète, Saëb Erakat est nommé l’année suivante négociateur en chef. Oslo était un accord intérimaire prévu pour durer cinq ans maximum avant un accord définitif. C’est lui qui reprendra le flambeau de ces discussions avec Israël. Il sera notamment à Camp David en 2000 lorsque Yasser Arafat et Ehud Barak ont tenté de négocier un nouvel accord sous l’égide des États-Unis.

Dialogue

À la création de l’Autorité palestinienne en 1994, Saëb Erakat est nommé ministre du gouvernement local. Réputé proche de Yasser Arafat et fidèle parmi les fidèles ensuite de Mahmoud Abbas, il n’occupera toutefois pas de poste de premier plan au sein de cet embryon d’État palestinien. C’est au sein de l’OLP, l’organisation qui se veut représentative de l’ensemble des Palestiniens – ceux vivant dans les territoires occupés, ceux vivant en Israël et ceux de la diaspora – menant les négociations de paix, que Saëb Erakat s’impose. En 2015, il a été nommé secrétaire général du comité exécutif, numéro deux de l’organisation. Il était donc un candidat à la succession de Mahmoud Abbas qui, comme Yasser Arafat, cumulait les fonctions de président de l’Autorité palestinienne et président de l’OLP.

Saëb Erakat était un partisan du dialogue. En tant qu’universitaire, il avait appelé à des échanges entre professeurs israéliens et palestiniens dès les années 1980. Il avait aussi organisé la visite d’étudiants israéliens sur le campus de l’université Al Najah de Naplouse. Ces initiatives n’avaient pas été du goût de tous : il avait fait face à des appels au boycott de ses cours et des accusations de « trahison de la cause palestinienne ».

« La paix est faisable »

Précurseur, Saëb Erakat a accompagné le processus de paix. Face à l’enlisement de la situation et l’absence d’avancées, il alternait entre affirmation de son attachement aux discussions et désespoir. « La paix est faisable. Palestiniens et Israéliens ne doivent pas désespérer. Nous n’avons pas perdu une minute de notre temps dans les 18 dernières années », déclarait-il au quotidien israélien Haaretz en 2009. Mais en 2003, exclu d’une délégation rencontrant le Premier ministre israélien Ariel Sharon, il avait présenté sa démission. Avant de reprendre ses fonctions quelques mois plus tard seulement.

Sous l’administration Trump, la colère a souvent marqué ses interventions. Le président américain a bousculé les paramètres internationalement acceptés pour parvenir à une solution de paix à deux États. Au nom de « la réalité » et de la « vérité historique », il a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, alors que les Palestiniens en revendiquent la partie orientale comme siège de leur futur État, et considéré que la colonisation israélienne en Cisjordanie n’est pas contraire au droit international.

Entouré de son gendre, Jared Kushner, et de l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, tous deux très proches de la droite israélienne, il a également fermé la représentation palestinienne à Washington et cessé les financements des États-Unis à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

Menace d’annexion

Dans ses interventions face aux médias, Saëb Erakat n’a alors pas mâché ses mots à l’égard des dirigeants de la principale puissance mondiale. « Ils sont le plus grand empire de mercenaires », déclarait-il à RFI en mai 2020.

Le plan de paix présenté par l’administration américaine, que Donald Trump avait pompeusement appelé « l’accord du siècle », a été rebaptisé « la honte du siècle » par le négociateur en chef palestinien. Le gendre de Donald Trump se retrouvait affublé du qualificatif ironique de « génie Kushner ». «Il semble que Donald Trump et Jared Kushner ont pris mon poste de négociateur en chef et dit : « On va faire la paix en donnant à Netanyahu ce qu’il veut. Nous ne nous assoirons pas autour de la même table qu’eux », assurait Saëb Erakat.

Lors de la campagne électorale pour les législatives israéliennes de mars 2020, Benyamin Netanyahu avait promis d’annexer une partie de la Cisjordanie. L’accord de coalition signé avec Benny Gantz, son rival centriste, l’autorisait à avancer sur la question à partir du 1er juillet suivant. Benyamin Netanyahu disait vouloir appliquer le plan Trump qui accorde à Israël de garder le contrôle des colonies israéliennes en Cisjordanie. Mais pour les dirigeants palestiniens, ce territoire doit faire partie du futur État qu’ils appellent de leurs vœux. Et ils soulignaient qu’une annexion était contraire aux accords d’Oslo.

Suspension de la coordination

« J’ai dit aux Palestiniens qu’une fois que nous aurions reconnu Israël, nous avancerions vers notre propre État. Et maintenant, je vois une carte où ils annexent la vallée du Jourdain. Il faudrait que je n’aie aucune vergogne pour regarder les Palestiniens dans les yeux désormais », disait Saëb Erakat en mai 2020. À cette période-là, la direction palestinienne affirmait ne plus se sentir liée par les accords qu’elle avait signés et Mahmoud Abbas a annoncé la fin de toute coopération avec Israël.

Mais ces discours, ces menaces et annonces avaient du mal à convaincre.« Saëb Erakat a dit de nombreuses fois qu’Oslo était mort. Il a présenté sa démission à plusieurs reprises, mais il est toujours resté ou revenu très rapidement. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est devenu impopulaire : les Palestiniens ne le prenaient plus au sérieux », juge Omar Chabane, directeur du groupe de réflexion PalThink for Strategic Studies. Et comme le président de l’Autorité palestinienne, Saëb Erakat apparaissait peu en public.« Il n’invitait pas de représentants de la société civile à discuter, à échanger », se souvient Omar Chabane. « Il apparaissait coupé de la société. »

En panne de stratégie

Face aux menaces d’annexion, la direction palestinienne a senti l’urgence de relancer un processus de paix au point mort. « Nous voulons un nouveau train qui nous emmènera du statut d’Autorité à celui d’État. Nous ne voulons plus du statu quo», affirmait Saëb Erakat. Mais les pistes préconisées par le négociateur en chef semblaient alors très confuses. « Si Israël voit l’Autorité palestinienne comme un moyen de maintenir l’occupation, cela ne se produira pas. Ils doivent se préparer à assumer à nouveau leurs obligations de puissance occupante », déclarait-il d’un côté, tout en affirmant dans la phrase suivante : « Je ne menace pas de dissoudre l’Autorité palestinienne ». 

Assommée par les coups de butoir de l’administration Trump, la direction palestinienne a été incapable de mettre en place une nouvelle stratégie. Elle appelait à une reprise du dialogue par le biais d’une conférence internationale, sous l’égide d’autres partenaires que les seuls États-Unis.

Mais elle n’a jamais obtenu qu’une invitation soit lancée. Et certains de ses alliés traditionnels se sont écartés de leur position historique : les Émirats arabes unis et Bahreïn ont reconnu Israël et établi avec lui des relations diplomatiques, en contradiction de l’initiative de paix adoptée par la Ligue arabe en 2002 qui prévoyait une normalisation des relations entre les États membres et Israël en échange de la création d’un État palestinien. Ces accords ont été qualifiés de « trahison de Jérusalem et de la cause palestinienne » par la présidence palestinienne. « Ils tuent la solution à deux États », jugeait pour sa part Saëb Erakat. « Des gens comme Netanyahu considèrent que la solution à deux États n’est plus d’actualité maintenant. Si les Émirats parlent à Israël, pourquoi est-ce qu’Israël me parlerait désormais ? »

Difficile succession

Dans un contexte où elle a besoin de soutiens internationaux, la direction palestinienne va rapidement devoir désigner un successeur à Saëb Erakat. Mais la tâche ne sera pas facile : en poste pendant vingt-cinq ans, Saëb Erakat a tissé des relations professionnelles, mais aussi personnelles avec les dirigeants étrangers ou leurs émissaires. Il a incarné la diplomatie palestinienne.

« Quiconque voulant entrer en contact avec l’Organisation de libération de la Palestine devait passer par lui. Il était la personne contact. Et le président Mahmoud Abbas lui faisait confiance. Mais la question est de savoir qui va prendre la relève quand vous quittez la scène », note Omar Chabane. Saëb Erakat n’a jamais passé la main ni formé un successeur, même lorsqu’il a dû subir une intervention chirurgicale lourde et délicate, une greffe des poumons, à l’été 2017.

Auteur
RFI

 




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