Dimanche 22 novembre 2020
Saïd Boukhari, ce héros modeste
Le chanteur Atmani, Saïd Boukhari et l’auteur de cet hommage, Ali Aït Djoudi.
Il y a trois ans jour pour jour de cela, mais comme disait Mouloud Feraoun, « on se souvient comme si cela datait d’hier », c’était un après-midi du 23 novembre 2017, des youyous qui donnent la chair de poule, brisèrent soudainement le silence glacial qui régnait à la maison de Saïd Boukhari en dépit de la foule qui envahissait l’intérieur et la cour.
Ce n’était pas la sortie d’une mariée, mais c’était son cercueil qui est levé sur les épaules pour quitter à jamais son domicile vers sa demeure éternelle. Chez nous, on ne pleure pas les valeureux, mais on lance des youyous et on ne le fait que pour les martyrs et les glorieux.
C’était la veille, c’est-à-dire le 22 du mois de novembre que Saïd Boukhari, ce noble fils de Bouarfa, dans la commune de Maâtkas a rendu l’âme à l’hôpital de Tigzirt, entouré de tous ceux qui connaissent la valeur de cet homme au sourire permanent.
Le combat de Saïd Boukhari ne peut pas être narré par un hommage si concis que le présent, car il a l’âge de ce grand militant. Dès son tendre âge, Boukhari ne supportait pas l’injustice et la hogra, il défendait tout le temps les persécutés de ses camarades. Chaque fois que Saïd grandissait, sa lutte s’accroissait et s’élargissait avec lui.
C’était au lycée de Dellys à la fin des années soixante-dix, début quatre-vingts que le jeune Saïd s’engagea corps et âme dans son noble combat et en premier lieu Tamazight qui était marginalisée voir même interdite dans sa propre terre.
Il savait déjà qu’aucun avenir ne peut se construire sur des bases fragiles et instables en néant l’authentique identité, la vraie histoire et la langue du peuple.
Le printemps berbère de 1980, était une aubaine pour lui de s’engager dans son noble combat pour n’en sortir jamais et Dieu merci, il a pu voir la langue pour laquelle, il a lutté inscrite de son vivant dans la constitution Algérienne, comme langue Nationale et officielle, même qu’il savait que tout n’est pas gagné.
En cette année qui a secoué toute la Kabylie et en cette année de la répression que le lycéen, Boukhari est choisi comme coordinateur entre lycéens et le groupe de militants de l’université de Tizi Ouzou.
Ni la répression ni la tyrannie ne l’ont fait trembler ou reculer un jour. Il était convaincu jusqu’à la moelle que son combat était juste et qu’il était prêt à se sacrifier pour Tamazight.
À rappeler que les lycéens ont participé activement aux événements du printemps berbère, notamment avec les célèbres marches du 16, 17 et 18 mars 1980 à Larbaa Naît Irathen puis à Azazga et à Michelet, une manifestation poursuivie d’une soixantaine d’arrestations parmi les lycéens à Draa el Mizan le 7 avril 1980, puis à la participation à l’occupation de l’Université de Tizi-Ouzou.
La lutte de Saïd grandissait au sein du MCB, où il était devenu membre actif et un élément incontournable de ce mouvement culturel berbère. Il était connu pour sa sagesse qui servait sans cesse de trait d’union et de réconciliateur dans toutes les rivalités au sein de ce mouvement.
Le combat de Saïd Boukhari l’humaniste, ne se limitait pas uniquement à la revendication identitaire, mais aussi aux droits de l’homme et pour cela, il a participé avec d’autres militants du MCB et adhérer au projet de création de la première Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme à sa tête Maitre Ali Yahia Abdenour.
Comme, ce noble fils de Maâtkas toujours fidèle à son combat identitaire, il était l’un des principaux organisateurs de la grandiose marche du 25 janvier 1990 à Alger durant laquelle une plateforme de revendications est remise au président de l’APN Dr l’époque, par le Rebelle , feu Matoub Lounès.
Présent aussi activement à la mémorable grève du cartable de l’année scolaire 1994-1995, il était le conciliateur des deux tendances du MCB pour mener à terme cette historique grève durant laquelle toutes les écoles, tous les collèges, les lycées et les universités de la Kabylie ont fermé leurs portes pour que Tamazight soit enseigné et reconnue.
Saïd, le militant infatigable ne pouvait pas rater la légendaire marche du 14 juin 2001, il était parmi les organisateurs de cette inoubliable marche qui a pu rassembler des millions de manifestants pour remettre la revendication de la plateforme d’El Kseur a la présidence de la république .
Saïd Boukhari avec son sourire légendaire et sa détermination inébranlable, on le trouve sur tous les fronts et en première ligne. Ce militant, cet humaniste qui ne considérait pas ses adversaires comme ennemis, car son cœur et si gros et plein d’amour et ce noble sentiment ne laissait aucune place à la haine de l’autre.
Même qu’il est de la race de Mohya, de Mouloud Mammeri et de Bessaoud qui aiment travailler et lutter activement dans l’ombre sans attendre aucune récompense.
En 2019, un titre posthume lui a été décerné, il s’agit du prix Matoub Lounes, contre l’oubli.
Repose en paix l’ami, le frère ,le compagnon, tu demeureras immortel !