On le croyait indéboulonnable, et le voilà qu’il quitte le perchoir du Conseil de la nation. Arrivé en plein révolution du Hirak, Salah Goudjil aura passé 6 ans comme deuxième personnage de l’Etat.
Le président sortant du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a tiré sa révérence dans une lettre d’adieu adressée aux membres de la chambre haute. Cette sortie, empreinte d’émotion calculée, marque non seulement la fin de son mandat parlementaire, mais aussi celle d’un chapitre emblématique d’un appareil institutionnel largement perçu comme verrouillé et déconnecté des aspirations populaires.
Arrivé à la tête du Conseil en avril 2019, en pleine crise politique provoquée par le Hirak, le vénérable Salah Goudjil (94 ans) n’a jamais réellement incarné une volonté de rupture ou de réforme. Bien au contraire, sa nomination par Abdelmadjid Tebboune s’inscrivait dans une logique de continuité avec un système politique rigide, gérontocratique où les réels leviers de changement restent aux mains d’un cercle restreint d’héritiers du système crypto-politique qui dirige le pays depuis l’indépendance.
Dans sa lettre, Goudjil se félicite, bien sûr, de la cohésion du Conseil et de sa prétendue contribution à la consolidation de la démocratie, un discours convenu, déconnecté du scepticisme ambiant à l’égard des institutions.
Son appel à l’héritage du 1er Novembre et à la mémoire des martyrs, bien que récurrent dans la rhétorique officielle, sonne creux dans un contexte où ces références sont souvent instrumentalisées pour légitimer le statu quo plutôt que pour incarner un véritable projet démocratique.
Parallèlement, la succession s’organise sans surprise : le chef du groupe du tiers présidentiel, Saïd Arous, a désigné Azouz Nasri comme candidat favori à la présidence. Au chapitre des bonnes nouvelles, on a connu mieux. Azouz Nasri, ancien membre du Conseil constitutionnel et ex-président de la Cour suprême, est une figure bien connue du système judiciaire.
Le retrait d’autres prétendants, comme Belkacem Boukhari ou Dahou Ould Kablia, laisse présager une transition parfaitement orchestrée, loin de tout débat démocratique réel. Nasri, soutenu par la toute-puissante majorité du tiers présidentiel — mécanisme de nomination opaque hérité du régime —, devrait être confirmé sans encombre lors de la séance de ce 19 mai.
En somme, cette « transition » institutionnelle ressemble davantage à un simple jeu de chaises musicales au sein d’un pouvoir qui se recycle, qu’à un renouveau politique inspiré par les idéaux du Hirak ou les attentes d’une jeunesse en quête de changement réel.
Rabah Aït Abache