Selahattin Demirtas, l’ancien candidat arrivé en 3ème position à l’élection présidentielle de 2014, est dans un état sanitaire extrêmement grave depuis quelques jours. 

Ancien député de Diyarbakir, ancien député de Hakkari, ancien député d’Istanbul, ancien co-président du HDP (Parti Démocratique des Peuples), Selahattin Demirtas a perdu connaissance le 26 novembre dans sa cellule dans laquelle il est enfermé depuis le mois de novembre 2016. Cette perte de conscience a tout de suite été suivi de problèmes respiratoires. C’est son compagnon de cellule qui s’est occupé à intensifier les alertes pour sauver son camarade. 

Alertés, les proches de Selahattin Demirtas ont réclamé son transfert à l’hôpital pour des examens poussés en extrême urgence. Sa famille et ses avocats sont intervenus pour obtenir cette hospitalisation. Le lundi 2 décembre, les autorités judiciaires ont, enfin, accepté le transfert du prisonnier à l’hôpital où il est resté une seule nuit. Il a été à nouveau ramené dans sa cellule mardi 3 décembre parce que les autorités ont décidé que la vie de Selahattin Demirtas n’était plus en danger.

Recep Tayyip Erdogan, le dictateur à la tête de la Turquie n’accepte pas, c’est le moins que l’on puisse dire, que Selahattin Demirtas ait les moindres égards. Ce dernier est de gauche, jeune, charismatique. A 46 ans, l’ancien président du parti HDP, Selahattin Demirtas a démontré son ouverture sur le monde et sur le progrès. Son parti était multiethnique et il a réussi à se faire élire comme député d’Istanbul alors même qu’il s’était présenté très loin de ses bases kurdes. Il a confirmé, en regroupant sur son nom, des voix qui ont dépassé le nombre de votants kurdes à la présidentielle, qu’il était le rival numéro 1 du président turc.

« L’Obama turc », comme on a pu l’appeler, a pu donner au HDP, grâce à son savoir-faire et à son sens du contact avec la foule, un contingent de 80 députés dans les travées du parlement d’Ankara. Ce qui a eu comme résultat d’empêcher les islamo-conservateurs de l’autocrate Erdogan d’avoir la majorité absolue. Mis en balance avec les autres chefs de partis en Turquie, Selahattin Demirtas avait donné un coup de jeune à la politique et est, ainsi, devenu le seul à pouvoir défier le tyran Erdogan.

    Elu en 2007 une première fois, il a réussi à faire du HDP un parti qui s’est élargi à l’ensemble de la gauche turque en dépassant largement l’audience que ce parti avait dans la seule communauté kurde. Grâce à Selahattin Demirtas, le HDP s’est ouvert non seulement aux autres communautés de Turquie mais aussi, énormément aux femmes et à un discours social très moderne.

Dans sa cellule, Selahattin Demirtas l’avocat, le député, le tribun, a ajouté une corde à son arc. Il est devenu écrivain et quel écrivain ! Grâce à Emmanuelle Collas, nous avons pu faire connaissance, en français, avec l’homme de lettres. Le Matin d’Algérie a pu, par le truchement de ma plume, publier des comptes rendus sur « L’aurore », son premier recueil de nouvelles, et sur « Et tournera la roue », qui vient de paraître aux mêmes éditions. Il faut absolument lire ces deux ouvrages pour ceux qui ne les ont pas eus encore en main.

Au-delà de ces considérations sur le grand écrivain, il convient de soutenir par tous les moyens à notre disposition l’homme qui croupit dans les prisons turques sans raison. Depuis quelques semaines, nous assistons à une reprise de la répression vis-à-vis des Kurdes qu’ils soient turcs ou syriens puisque Rojava est en train de payer très fort son implication contre les djihadistes de Daech, complices du pouvoir turc. Et cette haine des minorités vise également et surtout le seul homme qui pouvait faire vaciller le pouvoir des islamistes.