Sept gamins de quinze ans volent un bateau, traversent trois cents kilomètres de Méditerranée, débarquent à Ibiza comme s’ils avaient pris un bus scolaire. Voilà où nous en sommes. Pas besoin de romans ni de statistiques : une image suffit. Celle d’une jeunesse qui n’attend plus rien, qui préfère l’océan au pays.
On dira que c’est de l’inconscience. On dira que ce sont des mineurs, qu’il faut les rapatrier, qu’il faut sermonner les parents. On dira tout, sauf l’essentiel : s’ils ont pris la mer, c’est parce qu’ici, on leur a volé leur horizon avant même qu’ils ne volent ce bateau.
Depuis qu’il a été « élu » ou plutôt désigné, Notre Président enchaîne les promesses comme on raconte des histoires à dormir debout. Promis : des logements, des emplois, des réformes. Résultat : des queues interminables, du chômage, des prix qui flambent. Promis : une Algérie nouvelle. Résultat : un vieux décor repeint. Promis : écouter la jeunesse. Résultat : sept ados qui répondent par un bras d’honneur marin.
Le plus tragique, c’est que ce geste insensé fait rire certains et pleurer d’autres. « Bravo pour le courage », disent les uns. « C’est un scandale », disent les autres. Et au milieu, un État qui feint la surprise, qui promet une enquête, qui versera peut-être une larme télévisée avant de passer à autre chose. La mise en scène habituelle : le mensonge, cette fois sous forme de compassion.
Mais les gosses n’écoutent plus. Ils savent qu’on ne construit pas un avenir avec des discours creux. Ils savent qu’on ne mange pas de la dignité patriotique quand on a le ventre vide. Ils savent qu’aucun ministre ne les sauvera, parce que les ministres se sauvent eux-mêmes. Alors ils ont pris la barre. Sans expérience, sans carte, mais avec une certitude : mieux vaut se perdre en mer que se noyer à sec.
Voilà le bilan Tebboune. Six ans à jongler entre promesses creuses, blagues officielles et larmes de crocodile. Six ans à bricoler un pays qui se défait. Six ans pour accoucher d’une vérité simple : les jeunes n’y croient plus. Le pouvoir s’entête à jouer au père de famille, mais ses enfants lui échappent, parfois en pleine mer.
On peut toujours accuser l’Espagne, l’Europe, les réseaux sociaux. On peut inventer des complots, des manipulations, des agents étrangers. On peut tout dire, sauf la vérité nue : si sept mineurs prennent le risque de traverser la Méditerranée, c’est que le système a déjà coulé.
Alors oui, Tebboune aura marqué l’histoire. Pas par ses réformes, mais par sept gosses dans un bateau volé, filant vers Ibiza comme on fuit un incendie. L’Algérie nouvelle ? Elle est déjà partie avec eux.
Zaïm Gharnati