L’Organisation SHOAA pour les droits humains a exprimé, mercredi, sa « profonde préoccupation » face à l’évolution du dossier du sénateur algérien Abdelkader Djedei, actuellement réfugié en Espagne.
Ce qui n’est pas commun c’est que le sénateur Abdelkader Djedei aurait quitté le territoire national sur un bateau de harragas. Il est visé par une demande d’extradition émanant des autorités algériennes. L’ONG dénonce des poursuites «arbitraires et à caractère politique », estimant qu’elles traduisent un usage répressif de la justice à l’encontre d’une voix critique au sein du Parlement.
Un parlementaire poussé à l’exil
Élu en 2019 au Conseil de la nation pour la wilaya de Ouargla, Abdelkader Djedei s’est retrouvé dans le collimateur de la justice après des interventions jugées dérangeantes. Lors d’une séance officielle tenue en décembre 2019, il avait dénoncé la mauvaise gouvernance, les inégalités de développement entre régions et le manque d’équité dans la gestion des ressources énergétiques du Sud algérien. Il avait également plaidé pour une implication accrue des populations locales dans les décisions liées à l’exploitation du gaz de schiste et à la protection de l’environnement.
Selon SHOAA, ces déclarations, faites dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, relèvent de la liberté d’expression politique garantie par la Constitution. Pourtant, plus de quatre ans après, elles ont servi de fondement à des poursuites judiciaires engagées contre lui.
Une levée d’immunité jugée irrégulière
La Cour constitutionnelle avait décidé, en novembre 2023, de lever l’immunité parlementaire du sénateur sans respecter, selon l’ONG, les garanties prévues par les textes en vigueur, notamment l’audition du concerné et un vote public au sein du Conseil de la Nation. SHOAA y voit « une atteinte grave à l’indépendance du pouvoir législatif ».
Peu après cette décision, le tribunal de Touggourt a interdit à M. Djedei de quitter le territoire national avant de le condamner, en février 2024, à trois ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars. Les chefs d’inculpation retenus – « outrage à un corps constitué », « atteinte à l’intérêt national » et « trouble à l’ordre public » – sont, selon l’organisation, symptomatiques d’une criminalisation de l’expression politique.
Une demande d’extradition controversée
Dernier rebondissement : l’Audiencia Nacional espagnole a convoqué M. Djedei le 14 octobre 2025, à la suite d’une requête officielle d’extradition déposée par Alger. L’audience doit se tenir le 3 novembre prochain à El Campello, dans la province d’Alicante.
SHOAA qualifie cette démarche d’« escalade inquiétante », estimant qu’elle vise à prolonger, hors des frontières, la répression exercée contre les voix indépendantes. L’organisation appelle les autorités espagnoles à rejeter la demande algérienne, invoquant le principe de non-extradition pour motifs politiques inscrit dans le droit international, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Un test pour les engagements internationaux de l’Algérie
Dans son communiqué, SHOAA exhorte le gouvernement algérien à annuler la condamnation du sénateur, à mettre fin aux poursuites et à garantir sa sécurité ainsi que celle de sa famille. L’organisation met en garde contre la « politisation du système judiciaire », qu’elle considère comme une menace pour la liberté parlementaire et la crédibilité des engagements internationaux de l’Algérie en matière de droits humains.
Cette affaire, souligne encore l’ONG, s’inscrit dans un contexte plus large de crispation politique et de restrictions persistantes des libertés fondamentales, notamment celles touchant la presse, la société civile et les représentants élus.
La rédaction
Source : Communiqué de presse de l’Organisation SHOAA pour les droits humains, 23 octobre 2025.