C’est par ces mots prometteurs et lourds de convictions que Yaha Abdelhafidh a achevé le tome 2 de ses mémoires « FFS contre dictature, de la résistance armée à l’opposition politique ». Si Lhafidh avait foi en son peuple quand nombre d’Algériens désespéraient. Malgré la brutalité du régime depuis son installation, il n’avait jamais douté que le jour du changement adviendra. Il savait qu’un jour inévitablement, il arrivera où tous ces Messieurs, qui tiennent en mépris le peuple, dirigent avec l’esbroufe et la terreur, descendront de leur voyage improbable. C’était une conviction profonde chez Si Lhafidh.
La conscience révoltée. il aura traversé la seconde moitié du XXe siècle en compagnie de plusieurs générations de militants. D’Amar Ath Cheikh, des colonels Amirouche, Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Mohammed Saïd, Aït Ahmed, les Oussedik, le colonel Mohand Oulhadj, Belaïd Aït Medri, jusqu’à la génération de militants née du Printemps berbère et celle du Printemps noir. Le spectre de ses compagnonnages est aussi large et pluriel. Il aura été une synthèse entre Novembre et les jeunes du printemps noir.
Depuis les premiers coups de feu de 1954, il aura connu, accompagné tant de chefs, de jeunes maquisards humbles partis trop tôt, et assisté à tant de morts au maquis, de larmes et de souffrance dans la wilaya III qu’il en était revenu de bien des promesses de la vie. Et pourtant…
« Meurs et deviens »
La révolution était avant tout une justice devant l’histoire. Elle se devait d’être menée, estimait Si Lhafidh. En cela, elle méritait tous les sacrifices.
La grande force de Si Lhafidh c’est qu’il ne craignait pas la mort. Non pas qu’il cherchait le martyre à tout prix, non. Mais il avait très vite compris que le combat pour l’indépendance, et plus tard contre la dictature du clan d’Oujda ne pouvaient s’encombrer de tout ce qui pouvait le distraire, voire le détourner de son objectif.
Aussi, toute sa vie était tendue vers cette idée d’une certaine révolution permanente qui autorisait tous les sacrifices, y compris sa vie si nécessaire. Pourquoi ? Parce que témoigne-t-il dans ses mémoires : «Nous l’avions juré devant les tombes creusées à la hâte de nos compagnons tombés au champ d’honneur ». C’était ça Si Lhafidh, la fidélité à la parole donnée aux siens.
Naturellement, il a fait sien ce concept philosophique de « meurs et deviens », tant et si bien qu’aujourd’hui sa mémoire est évoquée partout et son parcours louée par les jeunes générations.
Pourtant, l’homme était plein vie, de cette chaleur humaine qui faisait qu’il était très apprécié pour son humour, la justesse de son propos et ses décisions. Dans la rudesse du maquis, il était de ces hommes que le doute et le désespoir ne pouvaient ébranler. Droit et chevillé à son idéal comme la montagne qui l’a vu naître, il aura affronté la mort, le danger permanent, les faquins et ses pires ennemis avec cette sérénité insaisissable que seuls les hommes pétris d’espérance révolutionnaire possèdent.
Ceux qui l’ont connu ou simplement approché savaient et savent que Si Lhafidh refusait les horizons funèbres, il préférait la vie et ses espoirs de lendemains prometteurs. C’était l’ADN qui avait toujours structuré son parcours. C’était cet amour irrépressible de la vie qui l’avait animé pour témoigner. Sur ce qu’il a vécu certes mais aussi et surtout sur tous ceux qu’il avait connus. Notamment ceux, nombreux, qui avaient donné leur vie pour une Algérie meilleure.
Dans son avant-propos, il disait : « Nous ne devons pas oublier ces hommes et ces femmes des moments difficiles, qui avaient tout sacrifié pour que vive l’Algérie dans la liberté et la dignité ».
C’était cela aussi l’homme, un grand témoin de son époque.
N.B.: un hommage sera rendu aujourd’hui dimanche 24 janvier à partir de 13h sur la place de la République à Paris.