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Skikda : B. Rachid, l’inconsolable polygame !

L’événement est trop rare pour passer inaperçu : un jeune homme de Skikda, à l’est d’Alger, vient d’épouser deux femmes lors d’une même cérémonie.

Rachid B. est né en 1987. Il habite un quartier du centre-ville de Skikda. Un rien naturel il a rendu public son mariage avec deux femmes, le même jour. Trois jours après, ces noces à trois suscitent la controverse sur les réseaux sociaux. Il y a de quoi ! En effet, depuis la journée de vendredi, les photos de la cérémonie de ces fameuses épousailles ont fait le tour des réseaux sociaux.

Que les choses soient claires. La loi algérienne, puisée de la religion, autorise la polygamie. Donc Rachid B. n’a pas enfreint la législation. Qu’à cela ne tienne ! Les images du trio marié tournent en boucle et affolent la toile. On voit clairement le mari en costume entouré des deux femmes portant des robes de mariées avec lesquelles il a célébré l’union la même journée.

Eberlués  et étonnés, de nombreux  internautes ont fini par prendre position, réveillant les vieux clivages sociétaux et les querelles  idéologiques. Bien entendu, le choix de la bigamie du jeune de Skikda trouvera beaucoup de supporters et de soutiens parmi les tenants du conservatisme et du dogme religieux qui ont vu dans cette union à trois un acte d’une grande piété et de vertu religieuse.

En effet, d’aucuns parmi les internautes n’ont pas manqué de féliciter le nouveau marié, en mettant en avant la liberté individuelle. Un choix que nul n’a le droit de critiquer tant que les trois personnes sont respectueuses et qu’il n’y a pas eu contrainte. Et, surtout, des préceptes de  l’islam qui considèrent licites l’union d’un homme avec deux femmes voire même avec quatre, argumentent les partisans de la polygamie. Mieux encore, beaucoup n’ont pas hésité à justifier à coup de versets coraniques, ce qui, assène-t-on, est une pratique courante.

Mais la réplique de ce qui apparaît comme l’expression d’une bigoterie outrancière, d’un machisme ostentatoire et conquérant est venue du romancier et universitaire Amine Zaoui qui n’a jamais fait mystère de ses penchants modernistes et de sa foi en les valeurs de la rationalité.

Son post publié avant-hier, lundi, sur sa page Facebook est plus qu’un coup de gueule, c’est un cri de semonce, un coup de sang contre un acte de « folie en robes de mariée, une en deux! ». L’auteur de « La chambre de la vierge impure » s’écrie : « Dingue ! Un homme algérien se marie avec deux femmes en même temps, la même nuit nuptiale, le même cortège, dans une ville appelée Skikda, devant une société muette, des institutions silencieuses et complices…c’est fou! »

Une nouvelle pathologie algérienne fruit de l’idéologie machiste noyée dans une fausse sauce religieuse !

Dingue ! Aucune  théorie sociologie ou  psychanalytique n’est capable d’analyser cette nouvelle société algérienne en chute libre sur le plan sociétal, moral, religieux, culturel et politique. Pour moi ce mariage est un indice d’une folie sociale et morale qui touche aux valeurs fondatrices de notre société  et qui engendra d’autres plus graves et plus étranges en suite et vite… Et c’est le commencement d’une dégringolade perpétuelle ! »

Dans ce même registre, un autre internaute s’indigne. Son jugement  est sans appel. Se marier avec deux femmes et organiser une cérémonie nuptiale le même jour avec deux femmes est tout simplement  surréaliste.  C’est l’expression même d’un fantasme purement libidineux. Au-delà, c’est une atteinte à la dignité de la femme.

Plus terre à terre, un internaute ramène le débat à la réalité socio-économique, à des considérations bassement alimentaires,  se demandant si, réellement, le mari peut assumer ses responsabilités envers ses deux femmes et les enfants s’il aura d’elles par la suite.

Rachid Skikdi, lui, n’a pas froid aux yeux. Il est convaincu de la justesse de son acte. Il rend public son mariage et apporte ses arguments religieux.

Interrogé par un média algérien de langue arabe en ligne (Awras), Rachid B. se dit « surpris par autant d’agitation suscitée par son mariage ».

Ses réponses aux questions  du journal laissent transparaître une grande ferveur religieuse. D’ailleurs, il n’a  pas manqué de stigmatiser ceux qui s’opposent à une union conjugale qui, selon lui, s’est accomplie en conformité avec les préceptes de l’islam. « Dieu guérit les cœurs malades ! », assène-t-il, invoquant Dieu pour avoir pitié de ces gens qui ont critiqué son choix de se marier avec deux femmes et d’organiser la nuit des noces le même jour. De quoi se plaignent alors ces indignés ! Dans sa grande piété, Rachid invoquera le consentement et l’acceptation mutuelle entre lui et ses (désormais) deux épouses. Sa force de persuasion est aussi un facteur qui a rendu possible le mariage. « J’ai convaincu mes deux épouses par le dialogue, la sincérité et un respect mutuel ainsi que par ma capacité à être à la hauteur de mon devoir d’époux », dira le jeune Rachid qui déclare être un ingénieur en géologie et qu’il a travaillé au sud du pays avant de revenir à Skikda pour être au côté de ses deux parents jusqu’à leur décès.

Quant à ses deux épouses, elles sont de niveau scolaire secondaire. « J’ai fait connaissance de Hanane et de Meriem et je les ai convaincues de m’épouser le même jour ». A aucun  détour de phrase n’apparaît le mot amour. « J’admire les deux épouses et j’ai trouvé beaucoup de difficulté à choisir entre les deux », avoue-t-il simplement.

Samia Naït Iqbal

 

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